S'entraîner bourré, c'est grave, docteur?
L'anecdote, si on peut l'appeler ainsi, est passée presque inaperçue, nichée dans une longue interview de l'Equipe où Nicolas Maurice-Belay (ex-Bordeaux, Monaco) raconte ses souvenirs de paquetage. Il y est dit notamment que le latéral brésilien Maicon, l'un des meilleurs au monde en son temps, mais grand amateur de bamboche, ferait passer Neymar pour un petit sirop:
C'est ce que disent tous ceux qui s'accrochent aux rambardes: ils assurent.
Fou et dangereux
Or la littérature médicale est unanimement dissuasive sur ce sujet, quoique sans s'y opposer farouchement: un sportif peut boire, selon le bon vieux slogan «picolez-éliminez», mais jusqu'à connaître des déboires, il n'y a généralement qu'un pas, au maximum quelques foulées. Etat des risques:
- La panne sèche. Le corps utilise en moyenne 1 litre d’eau pour évacuer 4 verres d’alcool. Avec la sudation en sus, cette consommation d'eau augmente dans les mêmes proportions et peu à peu, conduit à une déshydratation certaine.
- La baisse de régime. Une étude néo-zélandaise, relayée par «Sports Medicine» en 2014, observe que l’alcool limite la capacité des muscles à extraire et utiliser le glucose, leur principal apport d'énergie. Résultats: manque d'endurance, perte de puissance, et baisse de motivation pendant l'effort.
- L'accident. Médecin du sport nutritionniste, le Dr Pascal Douek explique dans Elle que «toutes les conditions sont réunies pour se blesser, faire un malaise ou risquer une complication cardiaque: l’alcool est un poison pour les muscles et les tendons».
Les hoquets du hockey
Le football est historiquement attiré par la fête autant que le hockey sur glace est culturellement porté sur la canette. En Amérique du Nord comme en Suisse, les joueurs éclusent des bières dans les vestiaires au prétexte admis, quasi hiératique, que certaines sortes sont riches en vitamine, une théorie éminemment contestée.
En Suisse, Paul Di Pietro ou Todd Elik, entre autres joueurs qui assuraient, sont arrivés bourrés à l'entraînement, eux aussi. Cette croyance que toute bière est bonne à prendre a façonné des générations d'alcooliques.
Diététicien nutritionniste du sport et auteur de plusieurs ouvrages sur la question, Nicolas Aubineau résume les effets de la bière sur un organisme hyper sollicité:
- Bien: «La bière contient une grande part de glucides qui, à première vue, est nécessaire pour la régénération glycogénique (glycogène du foie et des muscles). En parallèle, la bière contient, certes, des vitamines du groupe B (B6 et B12), des minéraux avec un peu de magnésium et de potassium, ainsi que quelques acides aminés.»
- Pas bien: «La bière déshydrate le corps, ce qui va à l’encontre des besoins immédiats du sportif. Sans eau, pas de bonne récupération, pas de bonne mise en réserve de glycogène et pas de reconstruction optimale des fibres musculaires lésées par l’activité sportive. On augmente donc le délai de récupération, ce qui favorise une baisse progressive du rendement au cours de la saison.»
Skier bourré
Quant aux effets désinhibants de l'alcool dans le sang, à fortiori dans un sang chaud, ils restent une vue (trouble) de l'esprit. Bode Miller peut en parler: