Le foot anglais révolutionne ses minutes de silence
Le football est bien plus qu'un sport. Tellement populaire et rassembleur, il est un ciment social et permet de transmettre des valeurs. C'est le cas notamment lors des minutes de silence juste avant le coup d'envoi. Ces véritables moments de communion et de compassion, que tous les spectateurs dans le stade sont censés respecter, rendent hommage aux victimes de tragédies (catastrophes naturelles, attentats, accidents, guerres) ou à des personnes décédées qui ont joué un rôle important dans le club ou le pays.
Le monde étant ce qu'il est, autrement dit cruel, ces 60 secondes de silence doivent malheureusement se multiplier dans les stades. C'est notamment le cas en Angleterre. Mais dans un article publié la semaine dernière, The Times nous apprend que les instances du foot anglais viennent justement de décider de restreindre ces hommages. «Elles ont convenu de ne plus observer de minute de silence lors de catastrophes mondiales ou d'événements sans lien avec le sport, reconnaissant tacitement que de tels hommages ont été rendus trop fréquemment par le passé».
Autrement dit: si l'événement n'a aucun lien avec le football, il ne devra plus être commémoré lors des matchs, et ce dans toutes les divisions pros en Angleterre (y compris la Premier League). Les instances ont pris cette décision en consultant l'avis du WEWG, un groupe de travail qu'elles ont créé en 2024 et qui réfléchit aux actions que le foot anglais peut entreprendre dans les enjeux sociétaux.
The Times explique qu'il y a deux raisons à cette décision. La première est d'ordre pragmatique: pour ces instances (la fédération anglaise et la Premier League, notamment), il y a la crainte qu'à force de multiplier les hommages, ceux-ci perdent de leur impact et de leur valeur symbolique.
Sans compter que si un événement tragique se passe dans un pays lointain, il faudra alors réitérer les minutes de silence après d'innombrables tragédies. Ce qui est irréalisable. Le quotidien britannique donne les exemples des inondations en Libye et du tremblement de terre au Maroc en 2023, deux drames pour lesquels des hommages avaient été mis sur pied en Premier League.
Quand les clubs contactent la ligue pour observer une minute de silence, «il s'agit généralement de rendre hommage à un ancien joueur ou à un ancien dirigeant du club. Dans ces cas, cette possibilité est accordée afin d'honorer la mémoire du défunt».
La SFL ajoute que, contrairement désormais à l'Angleterre, il n'y a pas de liste d'événements exclus pour les minutes de silence. «Cependant, la SFL étant politiquement et confessionnellement neutre, les demandes de minutes de silence partisanes au contenu politique controversé ne seront pas prises en considération».
La Swiss Football League affirme qu'elle «examinera attentivement les dispositions concrètes de la réglementation en vigueur en Angleterre et les raisons qui ont motivé son introduction», et qu'elle «vérifiera si cela pourrait entraîner une nécessité d'agir».
La seconde raison est politique: en supprimant les minutes de silence liées à des événements mondiaux, comme les guerres ou les attentats par exemple, le foot anglais s'évite des polémiques.
Un exemple: après les attentats du Hamas en Israël le 7 octobre 2023, tous les matchs de Premier League avaient respecté une minute de silence. Mais il était précisé que cet hommage était destiné «à toutes les victimes innocentes du conflit, plutôt que de faire spécifiquement référence aux Israéliens qui avaient perdu la vie», précise The Times. De quoi, forcément, faire jaser du côté israélien.
Drapeaux interdits et arche éteinte
Dans cette même optique de supprimer les hommages liés à des situations politiques sensibles, le foot anglais a décidé d'interdire, dans ses enceintes, les drapeaux de pays en guerre. Autre mesure similaire: la mythique arche du stade de Wembley, à Londres, sera désormais uniquement illuminée pour célébrer des événements sportifs. «Et non plus pour soutenir des causes sociales ou commémorer des événements internationaux», ajoute RMC Sport.
Là encore, les instances ont tiré les leçons du passé: des personnalités et dirigeants juifs s'étaient étonnés, après les attaques du Hamas, que l'arche ne soit pas illuminée aux couleurs d'Israël alors qu'en 2022, cette même arche avait été allumée en représentant le drapeau ukrainien, en solidarité face à l'agression de la Russie.
En cas d'événement important au Royaume-Uni, comme le décès d'un monarque, le foot anglais se pliera aux directives du gouvernement.
De leur côté, les clubs bénéficient toujours de la liberté d'entreprendre une minute de silence pour commémorer un événement local sans lien avec le foot ou rendre hommage à une personnalité. C'est ce qu'ont fait par exemple Bolton Wanderers, Salford City, Manchester City et Manchester United après un attentat antisémite (attaque au couteau), début octobre dans une synagogue de Manchester, qui a entraîné la mort de deux victimes.
Reste désormais à savoir si d'autres pays suivront l'Angleterre en instaurant un protocole stricte concernant les minutes de silence.
