Un youtubeur est sur le point de participer au Tour de France
Bas Tietema détonne dans le milieu du cyclisme professionnel. Il faut dire qu'à 30 ans, le Néerlandais a presque tout connu durant sa carrière.
De coureur à youtubeur, et inversement
Ce fut d’abord un excellent cycliste amateur, passé par l’équipe développement de la formation BMC. Tietema a ensuite roulé deux saisons chez les professionnels, à l’échelon continental, mais ses mauvais résultats couplés à des pépins physiques l’ont contraint à ranger son vélo en 2018, sans être véritablement parvenu à se faire un nom. Une déconvenue toutefois insuffisante pour le dégoûter de son sport.
Bas Tietema, déjà actif sur YouTube, se consacre alors pleinement à sa chaîne et connaît rapidement un vif succès aux pays du vélo: les Pays-Bas et la Belgique. Cela, grâce à des contenus originaux produits en marge du Tour de France, événement qu'il suit caméra au poing, dans ce qu'il appelle le «Tour de Tietema». Au programme: des concours de wheelings proposés aux coureurs du gruppetto, des dizaines de pizzas livrées au peloton à l'arrivée à Paris ou des ascensions de col en «Velib'». Seule ombre au tableau: certaines de ses vidéos sont supprimées à l’initiative d’ASO, société organisatrice du Tour de France, en raison de problèmes de droits.
Or cette mésaventure ne le freine pas. Tietema poursuit son activité de youtubeur et se lance des défis toujours plus improbables, comme celui de retrouver un jour les rangs du peloton professionnel. Chose qu'il parviendra à accomplir grâce à l’un de ses sponsors, bookmaker partenaire de l’équipe belge Bingoal Pauwels Sauces.
Le Néerlandais reprend du service en Turquie en 2022 puis se hisse dans l'échappée à Kuurne-Bruxelles-Kuurne. Il va jusqu'à participer à Paris-Roubaix, course qu'il terminera hors délai, mais qui lui permettra de produire une vidéo ayant dépassé les 500 000 vues.
Son niveau sportif insuffisant, Bas Tietema, désormais soutenu par un nouvel opérateur de paris sportifs, met en place un projet encore plus singulier et fonde en 2023 sa propre équipe continentale, promue une saison plus tard dans la catégorie Pro Teams: TDT-Unibet. C'est à cet échelon qu'évoluent les formations helvétiques Tudor et Q36.5.
Adieu les Pays-Bas, bonjour la France
En retrait à ses débuts en course, son équipe – historiquement néerlandaise – a franchi un cap important cette saison, en obtenant une licence française. Un choix stratégique, rendu possible par le récent rachat de Kindred, groupe propriétaire de l'opérateur Unibet implanté en Belgique et aux Pays-Bas, par FDJ United, anciennement La Française des Jeux.
Non seulement la décision permet à l'équipe et à son sponsor de contourner la nouvelle réglementation sur les paris sportifs au Benelux, réglementation qui, à terme, doit empêcher le sport professionnel de promouvoir les bookmakers, mais en plus, elle lui ouvre le champ des possibles, étant donné le nombre et la qualité des courses françaises, nous expliquait en début d'année Bas Tietema, interrogé par watson.
des plus grandes nations
du cyclisme. Elle présente
une histoire riche et de nombreuses courses
de haut niveau»
Ce changement de drapeau est également motivé par le fait que les organisateurs locaux ont une propension à inviter des équipes issues de leur propre pays. Unibet-Tietema – estampillée Pro Team, au même titre que la formation française TotalEnergies, présente sur chaque Tour de France – pourrait donc recevoir elle aussi à l'avenir sa wild card en vue du Tour. Son patron restait cependant conscient du travail à accomplir pour atteindre l'objectif ultime.
Or ces derniers jours, la formation Unibet semble avoir fait un grand pas vers le Tour de France 2026, en engageant le Français Victor Lafay, ancien vainqueur d’étape sur la Grande Boucle qu'elle cherchera à relancer, ainsi que le sprinteur Dylan Groenewegen, sept succès sur les routes du Tour. Elle a également recruté Elmar Reinders (Jayco-AlUla) et le talentueux Danois Niklas Larsen. Selon les rumeurs, Wout Poels, lui aussi vainqueur d’étape en juillet, et un autre coureur français, Clément Venturini, pourraient compléter un effectif déjà composé de Lukas Kubis, champion de Slovaquie sur route et vainqueur du Cholet Agglo Tour, et de Lander Loockx, victorieux début avril sur Paris-Camembert.
Une équipe pas comme les autres
Mais la formation de Bas Tietema ne compte pas uniquement sur son effectif et les résultats sportifs pour faire les yeux doux à Christian Prudhomme. Créée par un influenceur, et donc toujours très active sur les réseaux, elle espère peser auprès des organisateurs grâce à sa communauté et ses soutiens jeunes, fait relativement rare pour un sport que l'on dit vieillissant. Il y avait l'an dernier à l'Amstel Gold Race un «corner» dédié à l'équipe, semblable au virage Thibaut Pinot aperçu sur le Tour de France.
La néo-formation française a donc une vision novatrice et cela se ressent au niveau de son matériel. Ses coureurs roulent en effet sur des vélos extravagants, quelque peu tape-à-l'œil. Mais le plus surprenant reste son nouveau nom: Unibet-Tietema Rockets, dont le dernier terme n'est autre que celui d'une franchise, et non une marque à proprement parler.
Cette appellation «Rockets» n'est-elle pas risquée, quand on sait que le modèle économique des équipes professionnelles est basé sur l'investissement du sponsor titre? Pas selon Bas Tietema.
Pour atteindre le Tour de France, mais également le World Tour, à plus long terme, les Rockets ont aussi un autre avantage: le fait de pouvoir se montrer sur différents tableaux.
«La licence ne change rien à notre identité. Nous sommes trois propriétaires avec des racines aux Pays-Bas, une grande communauté en Belgique et une liste de coureurs et de supporters internationaux. Nous espérons donc conserver notre place dans les classiques belges et néerlandaises (réd: même si nous sommes devenus une équipe française), et nous avons déjà reçu d'excellentes nouvelles à ce sujet», nous expliquait Tietema, dont l’équipe a participé cette année à l’Amstel Gold Race, à Kuurne-Bruxelles-Kuurne, au Nieuwsblad, à la Classic Bruges-De Panne, et surtout à Paris-Roubaix, géré par ASO, la société organisatrice du Tour de France.
Un boulevard pour 2026
Sur leur route vers le prochain Tour de France, les Rockets peuvent également profiter d’une conjoncture favorable, avec la disparition de l’équipe française Arkéa-B&B Hotels et la fusion Lotto-Intermarché, qui devrait permettre à Uno-X d’accéder au World Tour. Tudor, Q36.5 et Cofidis, eux, participeront normalement en tant que meilleures formations Pro Teams de l'année 2025, alors qu’auparavant, seules deux équipes étaient automatiquement conviées par ce biais. Une évolution qui pourrait bien propulser l’équipe Unibet-Tietema vers le Tour.
Car si la première des deux wild cards restantes ne peut échapper à TotalEnergies, traditionnellement invitée, le dernier ticket se jouera entre Unibet et les autres membres du top 30 mondial, conformément au règlement de l'Union cycliste internationale (UCI): Caja Rural, Polti VisitMalta, Burgos BH, Kern Pharma et Bardiani.
Autant dire que la concurrence est faible, et qu’un boulevard s’ouvre pour Bas Tietema, en passe de réussir son pari dès 2026.
Cet article est adapté d'une première version parue sur notre site le 9 avril 2025.
