Le retour de Reto Berra en équipe de Suisse soulève un problème
Sa carrière internationale semblait terminée: le 12 mai 2024, au Championnat du monde en Tchéquie, Reto Berra est remplacé par Akira Schmid après seulement 40 minutes de jeu et quatre buts concédés contre l’Autriche. La Suisse s’impose finalement 6-5.
A Prague, Berra peut néanmoins célébrer une nouvelle médaille d'argent, après celles de 2013 et 2018. Mais sa contribution se limite à ces 40 minutes ratées face aux valeureux Autrichiens de Roger Bader.
Son remplaçant, symbole d’un passage de témoin générationnel? Akira Schmid, qui soufflait ses 24 bougies le jour même de la débâcle de Reto Berra.
Meilleur que Säteri
Mais Reto Berra est de retour. Pour la première fois depuis ce 12 mai 2024, il a porté à nouveau le maillot de l’équipe nationale, à Tampere où la Nati dispute actuellement la Karjala Cup. Il est le seul du groupe à avoir participé au Mondial 2013. A l’époque, il avait propulsé les Suisses en finale grâce à une prestation exceptionnelle contre les Etats-Unis (3-0).
Pourtant, le sélectionneur Sean Simpson avait choisi Martin Gerber dans les buts pour la finale face à la Suède, finalement perdue 5-1. Peut-être qu’avec Berra, les choses auraient été différentes.
Douze ans plus tard, Berra s'est à nouveau distingué lors du succès 3-1 contre la Finlande, jeudi à Tampere. Surtout en première période, où il a maintenu son équipe dans le match grâce à son jeu d’angles et à une sérénité inébranlable. Il a été nettement supérieur à Harri Säteri, le gardien finlandais au palmarès impressionnant, qui aurait dû au moins empêcher le 2-0.
«Je passerais quatre jours au spa»
Le 3 janvier, Reto Berra fêtera ses 39 ans. Il nourrit toujours de grandes ambitions: le tournoi olympique en février et le Championnat du monde à domicile en mai. «Si je n’avais pas ces objectifs, je passerais quatre jours au spa au lieu d’être ici», confie-t-il, de bonne humeur.
Comment explique-t-il son niveau de performance à un âge aussi avancé? Berra estime que l’expérience permet de jouer de manière plus économe en énergie.
Comment perçoit-il l’évolution de son sport depuis son premier Mondial en 2013? Les jeunes jouent-ils différemment aujourd’hui? «Définitivement», répond Reto Berra. «A l’époque, nous n’étions pas des professionnels comme aujourd’hui.» Cette nouvelle génération travaille donc mieux. Paradoxalement, le dinosaure Berra, dernier Mohican de l’ère du romantisme, conserve toutes ses chances d’intégrer l’équipe olympique et le groupe suisse pour le Mondial.
Son retour en équipe nationale rend même la question du gardien titulaire plus délicate que jamais pour cette saison historique: des JO en présence des joueurs de NHL et un Mondial à domicile. Si le passage de témoin chez les défenseurs et les attaquants est un processus permanent, il ne se produit toujours pas au niveau des gardiens de la Nati.
Reto Berra est du même millésime que Leonardo Genoni et affiche statistiquement les meilleures performances de la saison en National League, avec un pourcentage d’arrêts de 93,47%. De son côté, Genoni peut encore, lors d’une bonne soirée, voler des victoires comme nul autre, que ce soit en championnat ou avec l’équipe nationale. Le héros des Championnats du monde 2018, 2024 et 2025 a fêté ses 38 ans en août.
Avec deux vétérans au Mondial?
Quid des autres portiers? Sandro Aeschlimann, également présent à Tampere, fait partie des meilleurs gardiens de la ligue. Mais il n’a rien remporté et n'a jamais disputé de grands matchs internationaux. Pire, il atteindra déjà les 31 ans en décembre.
Stéphane Charlin (25 ans) et Akira Schmid (25 ans) représentent les grands espoirs de la nouvelle génération. Mais Charlin, depuis son transfert à Genève, n’est ni aussi sûr ni aussi charismatique que lors de ses dernières saisons à Langnau. Quant à Schmid, il pourrait n’être sélectionné que pour le tournoi olympique, et pas pour le Mondial à domicile, en raison de la coïncidence avec les play-offs de NHL.
D’autres noms? Non. Les gardiens qui n’ont encore jamais joué le moindre rôle dans un Mondial ne seront de toute façon pas envisagés pour le tournoi à domicile. Et les grandes épopées internationales n’ont mis en lumière que trois portiers: Martin Gerber et Reto Berra en 2013, ainsi que Leonardo Genoni (2018, 2024, 2025). En 2018, Berra n’avait joué que lors des matchs de poule.
Alors, va-t-on disputer le Championnat du monde à domicile avec les vétérans Genoni et Berra dans les cages? C'est une question délicate pour l’entraîneur Patrick Fischer. Il se pourrait, par exemple, que Sandro Aeschlimann mène le HC Davos au titre, quand Berra et Genoni pourraient être éliminés dès les quarts de finale. Dans ce contexte, le gardien champion, à savoir l’homme du moment, ne devrait-il pas être le numéro un?
Leonardo Genoni a, quant à lui, été sélectionné pour les Mondiaux de 2011, 2014, 2015, 2017, 2018, 2019, 2021, 2022, 2023, 2024 et 2025, ainsi que pour les Jeux olympiques de 2018 et 2022.
Oui, sauf qu’un match au Championnat du monde représente une charge bien différente de celle d’une rencontre de championnat, play-offs inclus. Prenons l'exemple de Robert Mayer, qui avait été le héros charismatique de Genève-Servette en 2023. Lors du quart de finale contre l’Allemagne la même année, Patrick Fischer l’avait préféré à Genoni. La défaite 3-1 avait alors ébranlé sa position.
Jeudi soir à Tampere, Reto Berra a été au moins aussi performant que lors de la demi-finale mondiale face aux Etats-Unis, le 18 mai 2013. Il est l’homme idéal pour les compétitions internationales: un titan (1m94 pour 99 kg), doté d’un excellent jeu d’angles, d’une mobilité étonnante et d’une sérénité inébranlable.
Quelle que soit la manière dont on analyse la situation, le prochain Leonardo Genoni ou Reto Berra n’est toujours pas en vue.
