Dimanche sera un grand jour pour le Lausanne-Sport. Le club vaudois va officiellement inaugurer son nouveau stade de la Tuilière, qui plus est lors du derby contre Sion (16h30). Pour un tel événement, on espérerait une enceinte pleine à craquer, malgré les restrictions sanitaires. Or, le LS n'avait vendu mercredi que 7000 billets, à quatre jours du match. Et pourtant, il a mis les moyens, avec des animations avant la partie (concert des DJ's du MAD, entre autres) et une campagne de pub sur les réseaux sociaux.
Faites partie des 12'000 heureux qui lundi pourront dire "j'y étais!"
— FC Lausanne-Sport (@lausanne_sport) September 8, 2021
Ne manquez pas l'ouverture du stade de la Tuilière, 𝗹'𝗵𝗶𝘀𝘁𝗼𝗶𝗿𝗲 𝗰'𝗲𝘀𝘁 𝗺𝗮𝗶𝗻𝘁𝗲𝗻𝗮𝗻𝘁 !
🎫 https://t.co/u2qBgX7AEh #AllezLausanne #PleinStade pic.twitter.com/uV5Q6cM7ql
Servette, lui, se réjouissait mercredi des 5400 tickets qui ont déjà trouvé preneurs pour le match de dimanche contre Saint-Gall (14h15). Pour un stade de 30 000 places et une ville aussi grande que Genève, ça reste très peu. Pourtant, le club genevois a aussi fait des efforts: avec un achat en ligne, le prix pour une place en Tribune Nord est de seulement 10 francs.
🎫 Infos billetterie #SFCFCSG
— Servette FC (@ServetteFC) September 8, 2021
Plus de 5⃣4⃣0⃣0⃣ billets ont déjà trouvé preneur !
Toutes les infos 👉 https://t.co/UoJtkiXlit #NotreVilleNotreClub pic.twitter.com/JCecXsZeCd
C'est une réalité: ces vingt dernières années, tous les clubs romands de Swiss Football League peinent à attirer du public. Les chiffres sont là pour le prouver: en ce début de saison, le premier club romand au classement du nombre de spectateurs est 6e. Il s'agit du LS (5134 spectateurs par match), loin derrière le cinquième Lucerne (9926) et surtout YB et Bâle (plus de 20 000 chacun). Le constat était déjà le même lors de l'exercice 2013/2014, par exemple.
Plusieurs raisons expliquent ce désintérêt du public pour les stades romands. En voici quatre.
Depuis plus de vingt ans, les clubs de la partie francophone du pays n'atteignent plus des sommets. Depuis le sacre de Servette en 1999, aucun d'entre eux n'a titillé le titre national. «Ça commence à faire long», soupire Johann Lonfat au bout du fil. L'ancien Grenat était sur le terrain ce jour-là. Il en est persuadé: pour faire (re)venir le monde au stade, il faut des bons résultats. «Ils créent une émulation autour de l'équipe. Les gens en parlent dans les bistrots, beaucoup veulent aller voir au moins une fois cette équipe qui cartonne, et ça accroche!»
Car contrairement à d'autres pays où les fans viennent assister aux prestations de leurs protégés indifféremment selon les performances, le public romand est, lui, seulement événementiel. Pour preuves récentes: les plus de 20 000 spectateurs qui avaient assisté à la montée en Super League de Servette contre Lausanne à la Praille en mai 2019. Ou encore les finales de Coupe de Suisse jouées par Sion, qui font se déplacer des milliers de Valaisans.
Mais le public est devenu très exigeant. Aujourd'hui, l'offre culturelle et de loisirs est très développée dans notre pays. Surtout dans des grandes villes comme Genève et Lausanne. Sans parler de la possibilité qu'ont désormais les fans de foot de regarder facilement les grands championnats européens chaque week-end sur leur canapé. Les clubs de hockey sur glace, sport extrêmement populaire en Romandie, font aussi de l'ombre à leurs homologues footeux.
Alors pour se faire une place parmi toute cette concurrence, il faut en mettre plein les mirettes au public, en lui offrant un spectacle de très grande qualité. Y compris le confort dans les enceintes et les animations qu'il y a autour. «Aller au stade doit être une expérience, plaide Johann Lonfat, désormais consultant foot pour la chaîne Blue. Il faudrait que les clubs romands s'inspirent de ce qui marche en Suisse, comme à Saint-Gall, par exemple». Car malgré des résultats mitigés pour les Brodeurs, leur public demeure depuis de nombreuses années l'un des plus fidèles et bouillants du pays dans le récent Kybunpark.
Malgré leurs efforts comme cette semaine sur les réseaux sociaux, notamment, pour attirer la foule au stade, les clubs romands ont tout intérêt à développer davantage leur communication, sur le web et dans l'espace public. Petit frein toutefois: les budgets, beaucoup moins élevés que ceux des grosses écuries européennes.
Mais il y a quand mêmes quelques exemples de réussite en Suisse, comme le rappelle Johann Lonfat:
Et le résultat se fait sentir: le repas de soutien du club valaisan attire chaque fois plus de 7000 spectateurs, le double des affluences à Tourbillon actuellement.
Ce désintérêt du public romand peut aussi s'expliquer par un manque d'identification à ses équipes. En Super League, elles n'ont que très peu de joueurs locaux. «A Sion, j'entends souvent des gens se plaindre qu'il n'y a que des mercenaires, avoue Johann Lonfat. Je pense que ce sentiment est plus fort dans des régions davantage rurales comme le Valais. Mais c'est certainement le cas aussi à Lausanne, où le club est soutenu par des gens du Gros-de-Vaud ou du Nord vaudois, par exemple, et qui souhaitent voir des joueurs de leur coin évoluer avec la première équipe.»
Il y a une dizaine de jours, le premier but en Super League du jeune valaisan Théo Berdayes (19 ans) – né à Saint-Maurice – lors de la victoire de Sion contre Lugano (3-2), qui plus est décisif, a certainement mis du baume au cœur à pas mal de supporters sédunois, présents – ou non – à Tourbillon ce soir-là.