Ricardo Moniz (60 ans) fait le beau temps au FC Zurich, actuel leader de Super League. Pourtant, c'est un parapluie que l'entraîneur a failli prendre en pleine tronche le 18 août dernier, à Zoug. Et ce n'est pas parce que l'objet a glissé des mains du spectateur. Bien au contraire: Ricardo Moniz était la cible à atteindre.
Le lanceur? Lazam Bajrami, père du joueur zurichois, Labinot Bajrami (19 ans). Motif de sa tentative d'agression? L'humiliation que venait de faire subir le coach à son fiston, dans ce match de Coupe de Suisse.
Seulement 18 minutes après son entrée en jeu, donc. Et sans que l'avant-centre ne soit blessé. Moniz a simplement estimé que son joueur ne fournissait pas assez d'efforts dans le jeu sans le ballon. Alors, quand Bajrami lui a répondu «Fuck you!» après un ordre de faire le pressing, le Néerlandais a actionné le couperet.
Autant le dire tout de suite, Ricardo Moniz ne fait pas dans la diplomatie. Et pas besoin d'être insultant à son égard pour qu'il prenne des décisions fortes et si inhabituelles en football. Avant Bajrami, le technicien avait déjà fait le même coup cette saison à deux autres joueurs pas assez investis à son goût.
Dès le premier match à Yverdon, Doron Leidner a dû quitter le terrain 19 minutes après son entrée. Face à Guimaraes en Conference League, Jonathan Okita, lui, n'a eu droit qu'à 18 minutes après son apparition à la mi-temps.
Moniz n'avait pas mâché ses mots devant la presse pour décrire la performance de son attaquant, au repli défensif jugé laxiste. Le Néerlandais avait affirmé s'être «senti baisé». Au moins, on ne pourra pas lui reprocher une langue de bois...
La franchise et les méthodes du technicien auraient de quoi froisser quelques présidents. Mais pas celui du FC Zurich, Ancillo Canepa, qui lui apporte un soutien total. Interrogé quant à la phrase de son coach sur Okita, le boss zurichois a déclaré:
Après l'affaire de Zoug, Labinot Bajrami a été prêté dans la foulée à Winterthour et Moniz, qui se questionnait sur son avenir au club, maintenu à son poste. Tout sauf une surprise, tant le Néerlandais semble jouir de la confiance absolue de ses dirigeants.
Engagé en automne 2023 dans le secteur formation, il est devenu coach par intérim de la première équipe en avril. Il l'a redressée et lui a même offert un ticket pour les qualifs de la Conference League. De quoi pousser ses patrons à le placer définitivement sur le banc cet été. Et avec succès, puisque Zurich est premier du classement après 13 journées.
Il faut aussi croire que le directeur sportif Milos Malenovic tenait absolument à recruter Ricardo Moniz, dont la réputation sulfureuse est largement connue dans le milieu. Et Malenovic n'avait qu'à ouvrir le site Transfermarkt pour savoir que la durée de vie de son technicien dans ses précédentes stations a rarement dépassé 12 mois.
Pays-Bas, Autriche, Hongrie, Pologne, Allemagne, Angleterre ou encore Croatie: le Néerlandais – né d'un père surinamais et d'une mère indonésienne d'origine chinoise – a beaucoup voyagé ces dernières années. Depuis 2011, il a écumé treize clubs.
Très souvent, les raisons de son départ sont les mêmes: des exigences trop élevées et un manque de conciliation, qui aboutissent à des conflits avec les joueurs ou collègues. «Il en exigeait beaucoup, peut-être trop», se souvient dans Blick Tomislav Bozic, qui a évolué sous les ordres de Moniz à Belupo (Croatie). L'ex-capitaine a une anecdote concernant une vidéo que le coach avait montrée à ses protégés:
Même à Salzbourg, où Ricardo Moniz a le mieux réussi, la séparation s'est déroulée sous tension. Le technicien a fait ses valises après avoir mené l'équipe au doublé championnat-coupe, en été 2012, parce qu'il ne supportait pas l'influence croissante du staff médical sur la gestion de l'entraînement.
Mais Moniz a les qualités de ses défauts, et c'est ce qui lui permet de retrouver à chaque fois rapidement un job. Dans deux longs portraits que lui consacrent la NZZ et Blick, tous ceux qui l'ont côtoyé décrivent un «bourreau de travail», un fou de football, un motivateur hors pair et un excellent formateur, capable de faire progresser tous les joueurs qui suivent sa philosophie.
«Si vous l'appelez à 7h00 du matin et que vous lui dites que vous voulez vous entraîner à 8h00, il aura déjà tout préparé sur le terrain à huit heures moins le quart», admire le dirigeant de Hambourg Bernd Wehmeyer, dans la NZZ.
La qualité des entraînements du Néerlandais est aussi vantée. Maciej Makuszewski, joueur de Moniz au Lechia Gdansk, se souvient de séances particulièrement originales:
Des exercices qui collent avec le jeu de possession offensif que prône le sexagénaire.
S'il aura sans doute toujours des détracteurs, Ricardo Moniz peut aussi compter sur le soutien inconditionnel de sa maman (85 ans), avec qui il habite à Zurich. C'est simple: elle a accompagné son fils partout où il a entraîné. «Nous nous promenons ensemble généralement deux fois par jour», précise le coach du FCZ. Et comme sur les questions de football, il se fiche pas mal de ce que pensent les autres de ce mode de vie atypique:
En cas de victoire contre Servette ce samedi soir et la consolidation de la première place, Ricardo Moniz pourra sans doute planifier de nombreuses autres balades sur les bords de la Limmat avec sa maman.