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Coupe du monde: Les temps additionnels révolutionnent le foot

Referee assistant Stephanie Frappart of France shows 7 minutes overtime during the World Cup group C soccer match between Mexico and Poland, at the Stadium 974 in Doha, Qatar, Tuesday, Nov. 22, 2022.  ...
A la Coupe du monde au Qatar, il n'est pas rare que les arrêts de jeu dépassent les cinq minutes.Image: AP

Les temps additionnels à rallonge sont en train de révolutionner le foot

Depuis le début du Mondial au Qatar, la Fifa a décidé de rattraper le temps de jeu effectif perdu durant les 90 minutes par des arrêts de jeu interminables. Ça n'a l'air de rien, mais ça change tout.
26.11.2022, 09:1826.11.2022, 11:49
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L'être humain passe en moyenne plus de 43 millions de minutes sur Terre. Quelques-unes de plus ou de moins, ça ne change finalement pas grand-chose, sauf quand on est footballeur et qu'on dispute en ce moment la phase finale de la Coupe du monde au Qatar. Une compétition durant laquelle la Fifa s'est mise en tête de rattraper le temps de jeu effectif perdu durant le temps règlementaire (blessures, changements, etc.) par des arrêts de jeu à rallonge.

C'est une première dans l'histoire du football et elle change énormément de choses. Il s'agit même du plus grand bouleversement dans le jeu depuis 2019 et la révision de la loi 16 (sorties au pied dans la surface de réparation). Pour vous le prouver, nous avons listé les effets concrets des interminables temps additionnels sur le déroulement d'une partie.

Une autre façon de coacher

Disputer plusieurs minutes supplémentaires à la fin de chaque mi-temps change la manière de diriger son équipe. L'entraîneur italien Alessio Dionisi (Sassuolo), réputé moderne et ouvert à la nouveauté, cite un exemple concret:

«Imaginez qu'un joueur ait un pépin physique vers la 40e minute de jeu. Auparavant, on le laissait sur le terrain jusqu'à la mi-temps, afin de voir comment il récupérait. Cela nous permettait aussi de ne pas griller un joker tout de suite en faisant un changement qui aurait pu s'avérer inutile. Mais si la première période dure 50 minutes, voire encore davantage, on ne peut pas se permettre d'avoir un joueur en difficulté aussi longtemps sur le terrain.»
Source: La gazzetta dello sport.
epa10219558 Sassuolo's head coach Alessio Dionisi reacts during the Italian Serie A soccer match between US Sassuolo Calcio and US Salernitana in Reggio Emilia, Italy, 02 October 2022. EPA/SERENA ...
Dionisi (42 ans) Image: EPA ANSA

Les changements qui interviennent en deuxième mi-temps sont aussi sources de réflexions supplémentaires. On ne fait pas entrer les mêmes joueurs quand il reste 25 ou 15 minutes. Or les entraîneurs ne peuvent jamais anticiper avec précision la durée des arrêts de jeu, celle-ci étant surtout calculée sur la base des minutes gagnées par l'équipe qui mène au score en fin de match.

Une préparation physique ciblée

Rallonger la durée des matchs, c'est solliciter les organismes. Or le calendrier des footballeurs est déjà démentiel. Les préparateurs physiques doivent donc travailler différemment avec les joueurs afin qu'ils aient assez de fraîcheur pour pouvoir peser sur la rencontre jusqu'au bout. C'est ce qu'explique José Saiz, ex-préparateur physique de Neuchâtel-Xamax en Super et Challenge League.

«Les minutes supplémentaires changent la donne, c'est évident. L'aspect physique sera prépondérant, surtout que les différences se font souvent à la fin de chaque mi-temps. Il faudra préparer les organismes de sorte à ce que les joueurs aient encore de l'intensité, de la vitesse sur les premiers mètres et de la force dans les duels durant ces moments.»
Neuchatel's head coach Michel Decastel, Neuchatel's physical trainer Jose Saiz and Neuchatel's assistant coach Stephane Henchoz, from left, discuss during a friendly soccer match of the ...
José Saiz avec Decastel (à gauche) et Henchoz (à droite)Image: KEYSTONE

Pour y parvenir, le spécialiste suggère des entraînements ciblés. José Saiz: «On peut mettre les organismes sous stress physique. On pousse le joueur dans ses retranchements et, quand les jambes brûlent, on lui demande de prendre une décision avec le ballon. On l'habitue ainsi à garder sa lucidité malgré la fatigue».

Puisque les minutes supplémentaires devraient être adoptées en championnat par la suite, on peut aussi s'attendre à ce que les effectifs soient construits différemment, avec un meilleur équilibre entre titulaires et remplaçants. Dans tous les cas, les clubs avantagés seront toujours ceux qui parviennent à doubler les postes. On risque donc de voir les inégalités se creuser davantage entre les petites et les grandes équipes.

Des renards en voie d'extinction

Chaque match est une histoire dont la conclusion s'écrit souvent dans les ultimes minutes. Certains, comme Pippo Inzaghi ou Ole Gunnar Solskjaer, ont fait de ces derniers chapitres les plus belles pages de leur œuvre.

Manchester's Ole Gunnar Solskjaer, left, scores Manchester's third goal against Murat Yakin of Basel, right, during the UEFA Champions League soccer match between FC Basel and Manchester Uni ...
Surnommé «Super Sub» («super remplaçant»), Solskjaer était réputé pour marquer après être entré en cours de jeu. Sur l'image ci-dessus, il inscrit le troisième but de Manchester United contre Bâle en novembre 2002. Image: KEYSTONE

Quelle aurait été le destin d'Inzaghi, de Solskjaer et de tous ces renards des surfaces capables de faire basculer une rencontre à la 90e+4 si le football avait étiré son récit jusqu'à la 100e minute de jeu, voire la 117e, comme lors du match Angleterre-Iran de lundi?

Le jeu moderne ne formera plus des rageux capables de s'arracher dans les ultimes secondes quand ces secondes seront d'interminables minutes. Les «kick and rush» jubilatoires, les assauts désordonnés seront bientôt remplacés par des stratégies travaillées avec les remplaçants, et ce ne sera plus la même histoire.

Des revenus supplémentaires

C'est une des conséquences indirectes (et méconnues) des nouvelles recommandations de la Fifa sur le temps de jeu: puisque le match dure plus longtemps, cela signifie que le temps d'antenne est aussi plus conséquent. Donc que les sponsors qui s'affichent sur les panneaux publicitaires tout autour du terrain bénéficient d'une durée d'exposition plus grande. Or cette visibilité croissante doit forcément être répercutée sur le montant que versent les partenaires à l'organisateur. Allonger la durée des parties lors d'une compétition ne devrait-elle pas dès lors permettre aux organisateurs (d'une Coupe du monde) ou aux clubs (d'un championnat) de renégocier leurs contrats de sponsoring à la hausse?

«Eh bien, ce n'est pas aussi simple», explique en substance Michel Desbordes, professeur en marketing du sport à Emlyon business school et à l'Université de Paris-Saclay.

«Ce raisonnement, c'est celui du temps d'équivalent publicitaire. C'est un calcul très années 80/90 et qui fonctionne très bien pour Roland-Garros ou le vélo. Vous dites par exemple à LCL, qui sponsorise le maillot jaune: "On vous a vu à chaque étape 1h48'10''. Si vous aviez dû payer ce temps de pub, ça vous aurait coûté 30 millions, vous n'en avez payé que 8, ce qui vous a fait une super affaire de 22 millions". Mais c'est idiot, car ce n'est pas la quantité qui fait la différence. Une marque, une fois qu'elle est connue, elle fait de l'image. Et ce n'est pas quelques minutes d'exposition supplémentaires qui vont changer l'interprétation qu'en font les gens.»
epa10093679 Danish rider Jonas Vingegaard of Team Jumbo-Visma wears the overall leader's yellow jersey as he talks to journalists upon his arrival at the airport in Copenhagen, Denmark, 27 July 2 ...
Jonas Vingegaard, maillot jaune du Tour 2022Image: EPA RITZAU SCANPIX

Taxer le temps d'antenne supplémentaire pourrait donc être intéressant à condition que la marque à laquelle on propose le deal ne soit pas connue du grand public. Ce qui n'est évidemment pas le cas des partenaires des grands évènements comme la Coupe du monde de football. Michel Desbordes poursuit:

«Il y a le quantitatif et le qualitatif. Le quantitatif, c'est le nombre de minutes d'exposition. Mais Visa, McDonald's, Budweiser ou Coca-Cola se moquent de savoir qu'on les verra 15 minutes de plus ou de moins par match. Ils auraient plutôt aimé que le Mondial ne se dispute pas sur des cadavres et ça, c'est de l'ordre du qualitatif.»

Pour notre expert, le vrai argument marketing des arrêts de jeu est ailleurs. «Les organisateurs pourront dire aux annonceurs que le foot sera plus intéressant car il y aura davantage de jeu effectif et moins de cinéma. Les footballeurs se dépêcheront peut-être un peu plus lors des changements, sachant que sinon ils risquent d'en prendre pour quinze minutes à la fin du match. Le football a besoin de redorer son blason et les arrêts de jeu peuvent y participer.»

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