Le hockey sur glace suisse traverse une période très particulière: des stars s'apprêtent à se battre avec passion contre leur futur employeur – le club avec lequel elles ont déjà signé un contrat valable dès la saison 2026/2027. Reto Berra, le gardien de Fribourg-Gottéron, rejoindra Kloten, Ken Jäger (LHC) a déjà signé pour le HC Davos, Dario Rohrbach quittera Langnau pour Berne et Ludovic Waeber (Kloten) fera ses valises pour Fribourg.
Ce qui faisait autrefois sensation – comme lorsque Leonardo Genoni avait signé à Zoug avant même sa dernière saison avec Berne – est aujourd’hui devenu monnaie courante. Au mieux, cela suscite encore un haussement d’épaules: «Les contrats sont signés comme si l'on était au Far West? Et alors?»
Cette situation découle du système juridique suisse. La liberté contractuelle permet aux joueurs de signer de tels accords en hockey sur glace. Dans la seconde moitié du XXᵉ siècle, jusqu’aux années 1980, la ligue avait tenté d’imposer des règles: une période de transfert fixée jusqu’à fin mai après la saison. Mais les grands clubs et les stars d’alors n’en tenaient guère compte.
Jamais le marché n’a été aussi effervescent qu’à l’été 2025, avec directeurs sportifs, agents et joueurs plus actifs que jamais. La ligue n’a, de son côté, jamais restreint la liberté contractuelle au XXIᵉ siècle et ne le fera pas davantage à l’avenir. «Nous n’avons tout simplement aucun moyen d’agir, explique le directeur Denis Vaucher. Nous ne pouvons ni contraindre les joueurs, ni forcer les clubs à nous montrer les contrats.»
En théorie, la ligue pourrait fixer une période de transferts et interdire toute signature en dehors de celle-ci. Mais comme le soulignait déjà le philosophe anglais Thomas Hobbes au 16ᵉ siècle: une loi n’est rien sans une autorité pour la faire respecter. Or, cette autorité, la ligue ne peut – et ne veut – pas l’incarner.
En réalité, le risque lié aux signatures anticipées est très limité et ne justifie guère l’agitation qu’elles provoquent. En s’engageant trop tôt avec un autre club, le joueur se met lui-même sous pression et s’expose à des critiques sévères si ses performances sont décevantes. Mais dans bien des cas, ce genre de contrat agit plutôt comme une source de motivation supplémentaire.
Leonardo Genoni en est un bon exemple: il avait signé à Zoug, mais a tout de même mené le SC Berne au titre en 2019 – le dernier à ce jour. Quant aux contrats longue durée conclus à l’avance, comme les sept années de Ken Jäger à Davos, ils peuvent être assurés. Si jamais ses performances baissent, il restera toujours possible de le transférer, contrat compris, vers un concurrent.
Tout devient alors une affaire de communication habile. Il suffirait de dire: «C’est un super pro, mais il ne s’entend pas avec l’entraîneur, et nous ne voulons pas changer de coach.» Ou encore: «Il a besoin d’un nouveau défi, ses meilleures années sont devant lui.» Bref, les idées de discours ne manquent pas. Comme le résume Marc Lüthi, manager du SCB : «Nous sommes aussi une ligue de divertissement performante.» Et le feuilleton des transferts en est un ingrédient essentiel.