Lorsqu'il vient au monde, le 5 novembre 1984 à Kapsisiywa, rien ne prédestine Eliud Kipchog à devenir l'un des plus grands marathoniens de l'histoire du sport. Rien... ou presque. Car le petit Eliud, orphelin de père, grandit sous le regard sévère d'une maman enseignante «très stricte» - et, surtout, dans le pays de la course à pied. Le Kenya. Terreau des plus grands champions, d’Et Keino à Bernard Lagat.
Tous les matins, comme de nombreux camarades de classe, Eliud Kipchoge avale ainsi trois kilomètres au petit-déjeuner pour aller à l'école. Mais ce n'est qu'à la sortie du lycée, inspiré par son voisin Patrick Saing, devenu athlète international puis coach, qu'il décide de suivre cette voie. Et d'aller plus loin. Plus longtemps.
Après ses premières victoires à 18 ans sur 5000 mètres, il plonge la tête la première dans la distance reine de la longue distance: le marathon.
Sur fond de prises de vue ultra-léchées et de décors de carte postale, le documentaire esquisse quelques pistes sur les capacités exceptionnelles des Kenyans dans l’athlétisme: métabolisme, génétique, routine d'entraînement, environnement socio-économique.
Biopic à gros budget produit par Ridley Scott, Kipchoge: l'ultime défi revient aussi et surtout sur le pari le plus fou de la carrière d'Eliud Kipchoge. Après plusieurs records du monde et médailles d'or aux Jeux olympiques, l'athlète rêve de franchir une barrière a priori infranchissable: passer sous les deux heures au marathon. Une barrière que de nombreux scientifiques estiment inatteignable pour «au moins 20 ou 25 ans».
Si un seul athlète est capable d'y arriver, c'est en effet Eliud Kipchoge. Entre sa constance, sa physiologie, sa détermination, sa discipline, sa posture et son corps «exceptionnel». «Dès qu’il pose le pied au sol, la magie opère», s'émerveille Sebastian Coe, ancien recordman du monde du 800 et du 1000 mètres, dans le documentaire. «Il ne court pas, il flotte.»
Mais le plus grand atout du marathonien de 35 ans réside surtout dans son mental d'acier. «Il arrive à faire abstraction de sa souffrance, à la reléguer au second plan jusqu’à ce que la course soit terminée», poursuit Sir David Brailsford, organisateur du «1h59 Challenge».
Il fallait aussi un personnage aussi modeste et fédérateur pour rassembler autour de lui et de ce projet dingue une telle équipe de spécialistes, entraîneurs, scientifiques et sponsors.
Pour gagner chaque seconde, tout sera calculé avec minutie. Du tracé du parcours - une boucle parfaitement plate de 4,4 kilomètres dans le parc Prater à Vienne - aux lasers projetés sur le goudron, en passant par la formation des lièvres qui accompagneront le coureur-vedette jusqu'à la ligne d'arrivée. La disposition aérodynamique, en forme de Y, est optimale pour protéger Eliud Kipchoge à l’intérieur du peloton.
41 frères d'arme, répartis dans neuf équipes, se relaieront ainsi pour lui permettre de maintenir une allure moyenne ahurissante de 2:50 minute par kilomètre, tout au long des 42,195km. L'équipe comprend 15 Kenyans, sept Américains, six Ougandais, des Australiens, des Norvégiens, des Ethiopiens - ou encore notre prodige suisse, Julien Wanders, partenaire d'entraînement d'Eliud Kipchoge au Kenya.
La performance est si bien calibrée que le film doit aussi revenir sur les polémiques qui entoureront l'évènement, entre accusations de «tricherie» et de dopage technologique. A commencer par les fameuses supershoes au cœur du projet - les Vaporfly 4% de Nike qui, à l'époque, ne sont pas encore disponibles sur le marché.
Interrogé, le champion se défend: «Ce sont de bonnes chaussures. Mais ce qui compte, c’est le coureur qui les porte. Sans une bonne condition physique, elles sont inutiles.»
Qu'importe les critiques. Le 12 octobre, par une matinée froide et brumeuse, Eliud Kipchoge, tout de blanc vêtu, entouré de sa première équipe de sept lièvres noirs, s’élance pour ce qui sera peut-être «la course du samedi la plus célèbre de l’histoire». Pour lui, un seul objectif: «Prouver aux autres que l’être humain n’a pas de limites».
Le reste appartient à la légende.
(Kipchoge: l'ultime défi. Disponible jusqu'au 29 septembre 2025 sur Play RTS)