Victorieux sur chacune des courses de la trilogie Pierra Menta-Mezzalama-Patrouille des Glaciers, William Bon Mardion est une référence du ski-alpinisme longue distance. Or le Français s'illustre aussi sur les épreuves plus courtes, puisqu'il est devenu en 2013 champion du monde de l'individuel, et prend part aujourd'hui encore, à 41 ans, à la Coupe du monde.
Celle-ci faisait justement étape à Arinsal en Andorre le week-end dernier, un rendez-vous que le Savoyard n'aurait manqué pour rien au monde. Placé en première ligne au départ de l'individuel, à proximité du futur vainqueur, le Fribourgeois Rémi Bonnet, Bon Mardion a cependant choisi de ne pas se mêler à la lutte, et est resté immobile à la libération des athlètes par le starter.
La raison de son boycott? Le parcours de cet individuel pyrénéen. Principalement dessiné sur des pistes damées, il comprenait outre des marches taillées à la tronçonneuse, diverses portes en descente, à l'image d'une compétition de ski alpin. Le tracé ressemblait ainsi à celui d'une course sprint organisée au centre d'une station, et n'avait pas les caractéristiques d'un individuel – l'épreuve reine de la Coupe du monde, la plus longue, celle comportant le plus grand dénivelé et qui surtout, correspond le mieux à la définition du ski-alpinisme, pratiqué sur terrain naturel et non dans un stade d'altitude.
Le Français ne reproche rien aux organisateurs de l'étape andorrane. Son coup de gueule est plus général et reflète un certain ras-le-bol, à force de voir la discipline être dénaturée. «La Coupe du monde est en train de changer ou c’est moi qui suis trop vieux?», s'interrogeait-il déjà mi-janvier, après que le circuit a fait étape... en Azerbaïdjan, où le terrain était visiblement similaire.
Preuve que le ski-alpinisme emprunte un chemin hasardeux, contraire à la tradition: la déroutante épreuve sprint a été retenue en lieu et place de l'individuel, télévision oblige, pour la première du ski-alpinisme aux Jeux olympiques à Milan-Cortina en 2026. «Je ne vois pas comment on peut appeler ça du ski-alpinisme. On aurait pu montrer au monde entier un beau sport et là, on ferait voir un 200 mètres sur une piste, ce serait pareil. Le sprint, c'est un petit échantillon, mais ce n'est pas notre sport. C'est bien dommage», avait ainsi déploré en 2022 l'athlète, au moment de l'officialisation des disciplines olympiques.
Mais revenons à son boycott, sur lequel il s'est exprimé mercredi par le biais d'un communiqué. William Bon Mardion a d'abord regretté d'en arriver là. «Même si c’était un acte réfléchit, prémédité depuis la veille, j’en ai vraiment été affecté, moralement et sportivement, parce que ça ne colle pas à ma personnalité. Je n’ai jamais cherché la lumière, je préfère rester à l’ombre des sommets enneigés, mais là je ne pouvais plus me cacher», a écrit en préambule le Français, précisant qu'il s'était toujours conformé «aux parcours, aux règles, aux organisateurs, et bien sûr aux exigences» de son sport.
Sauf que l’exigence de sa discipline, «c’est aussi les valeurs que l’on doit porter en nous et la manière dont on les partage, en individuel ou en binôme. Je crois que c’est ça qui a finalement fait basculer ma décision. Une alarme s’est déclenchée, quelque chose s’est cassé, plus rien n’avait de sens ce matin-là», a-t-il confié, avant d'ajouter:
William Bon Mardion, qui refuse un «format aseptisé, cadenassé par des règles qui ignorent les nôtres, et où l’essence du mot ski-alpinisme n’a plus de sens», a reçu le soutien de nombreux athlètes, à l'instar de Kilian Jornet et François d’Haene. Mieux, au lieu de lui accoler le sigle «DNS», pour «Did not start», soit en français «N'a pas pris le départ», le site spécialisé skimostats, qui compile les nombreux résultats de la discipline, a élevé le skieur-alpiniste au rang de légende dans un classement annexe, comme pour le remercier de sa prise de position.