«Tolu, c'est un garçon attachant qui mériterait parfois un p'tit coup de pied au cul.» D'une phrase, dite avec plus d'affection qu'on pourrait le supposer, Philippe Hinschberger résume ce footballeur qu'il connaît bien pour l'avoir entraîné un an et demi à Amiens et que Servette a découvert la semaine dernière, lorsque le buteur aux proportions effrayantes (97 kg pour 197 cm) a ouvert le score pour le RC Genk. Le SFC est parvenu à égaliser par la suite (1-1) mais il devra se méfier de Tolu Arokodare ce mercredi encore (19h), lors du match retour du 2e tour qualificatif de la Ligue des champions.
L'équipe genevoise, de toute façon, ne peut ignorer le problème posé par le Nigérian lorsqu'il est sur le terrain puisqu'on ne voit que lui. Sa seule présence fait peser une menace constante sur la défense adverse, mais elle fausse un peu l'impression que l'on peut avoir de ce colosse au mental d'argile:
«Il marche à l'affect», ajoute Rachid Touazi, spécialiste du SC Amiens pour Le Courrier Picard. L'ennui, pour Servette, c'est que Tolu Arokodare a la confiance de son entraîneur à Genk et qu'il semble s'y épanouir, dans une attaque à deux éléments qui convient parfaitement à son jeu. «Il a besoin d'un coéquipier devant pour mettre la pression sur l'adversaire et pour bien conserver le cuir», dit Hinschberger, qui prévient les Genevois:
En résumé, il faudrait empêcher Tolu Arokodare d'être dans l'équipe adverse, sauf que ce n'est pas possible et qu'il faut donc bien trouver un moyen d'arrêter cet attaquant qui était parmi les plus rapides quand il était à Amiens: sa vitesse atteignait les 35-36 km/h, ce qui est épatant compte tenu de son gabarit. «Il est très véloce, mais on ne s'en rend pas beaucoup compte, car il ne va pas souvent vers le but. C'est d'ailleurs ce qu'on lui a souvent reproché», glisse son ancien entraîneur.
Les courses à haute intensité, la débauche d'énergie, ce n'est pas ce que préfère le numéro 99. «A la perte de balle, il ne se soucie pas vraiment du repli défensif», pointe Hinschberger, soulignant en creux la personnalité clivante de son ancien joueur:
Le Nigérian a certes moins de problèmes gastriques (l'excuse préférée de Balotelli pour rater un entraînement au FC Sion) que l'Italien, mais ce n'est pas lui non plus qui éteint les projecteurs en partant. «Ce n'est pas un fainéant, mais il doit bosser davantage, estime le journaliste Rachid Touazi. Il pense trop souvent qu'une accélération suffit. L'idéal serait qu'il tombe sur un coach qui le fasse bosser et il progressera.»
Ce n'est qu'en travaillant, notamment face au but, que Tolu Arokodare peut espérer devenir un grand attaquant, un finisseur fiable sur lequel ses coéquipiers peuvent compter. Ce n'est pas encore le cas. «Il n'est pas très constant», est obligé de reconnaître Hinschberger.
À Amiens, tout le monde se souvient du but tout fait que l'attaquant avait manqué face au Havre. C'était à la fin de l'année dernière, Tolu Arokodare était seul entre les deux poteaux, il n'y avait même plus de gardien, et selon son ancien coach, même un journaliste de watson aurait marqué. Pas Tolu, qui s'y était mal pris.
Cette mésaventure avait provoqué la colère du président d'Amiens et, selon Rachid Touazi, précipité le départ d'Arokodare vers Genk. Cela signifie que si le colosse avait marqué ce but tout fait, il serait peut-être resté en Ligue 2 et les Genevois auraient été plus sereins, mais c'est une autre histoire et Servette doit se concentrer sur celle qu'il rêve d'écrire, ce mercredi en Belgique, où un géant sensible, attachant, doué, mais parfois un peu flemmard, tentera de lui barrer la route.