Roger Federer sur un terrain de sport, derrière un filet et avec une raquette dans la main droite, forcément, ça rappelle pas mal de jolies choses. C'est arrivé ce week-end mais ce n'était pas du tennis; il s'agissait de padel, un sport qui se pratique en double sur un court réduit où, comme au squash, les balles peuvent être jouées après un rebond sur les murs. Federer a publié quelques images de son entraînement sur les réseaux sociaux. On le voit échanger des balles avec Séverin Lüthi dans son équipe.
Excited to be back on the court with Severino🤣😎 pic.twitter.com/F2VSDYWb4M
— Roger Federer (@rogerfederer) January 8, 2023
En découvrant «RF» aussi habile et surtout ravi, de nombreux internautes ont aussitôt demandé à Federer de tenter sa chance au padel ces prochaines années. Mais serait-il un bon joueur? Ses qualités de tennisman lui permettraient-elles de briller dans un sport qui est tout de même bien différent de celui dont il a écrit l'histoire pendant 24 ans?
«Oui, c'est clair. Il a des qualités physiques et une main incroyable. S'il est motivé, il pourrait être un très bon joueur», estime Valentin Wenger, no1 helvétique de padel. Son coéquipier Dylan Sessagesimi abonde: «Federer possède les trois qualités essentielles pour briller dans notre sport: il est bon à la volée, smashe bien et possède un excellent touché de balle.»
Nos deux experts reconnaissent toutefois que les deux disciplines, celle du Maître et la leur, sont assez différentes. «J'ai déjà affronté quelques tennismen pros, comme Gaël Monfils. Ils jouent super bien mais c'est quand même un sport différent donc je les battais assez facilement», rappelle Valentin, invaincu en Suisse depuis 2019.
Roger Federer aurait donc besoin d'un peu de temps pour trouver ses marques. «Comme c'est lui, ça irait un peu plus vite que d'autres, songe Valentin. Mais il lui faudrait quand même un an pour devenir un très bon joueur suisse.» Douze mois pour maîtriser l'espace de ce nouveau court et en apprendre les ressorts tactiques et techniques. «C'est un peu comme si un boxeur voulait se mettre au MMA», image Dylan.
Roger Federer aura 42 ans cet été. S'il s'engage dans son nouveau sport sérieusement, peut-il espérer atteindre le haut niveau? Valentin pense que oui. «On trouve encore dans le top 20 des joueurs de 42-43 ans très compétitifs. Fernando Belasteguín, véritable star de la discipline, est encore top 10 à 43 ans.» Dylan, lui, estime que l'évolution du padel ne plaide pas en faveur de Federer. «Le niveau ne fait qu'augmenter. Dans quelques saisons, on verra de moins en moins de joueurs aussi âgés.»
Le temps presse, donc, mais la carrière de Federer dans le monde du tennis lui offre des atouts que ses adversaires, même surtout les plus jeunes, n'auront jamais. D'abord, le Bâlois sait parfaitement s'adapter aux changements de conditions de jeu. Le padel ne se dispute certes que sur une seule surface (synthétique sablé) mais «l'altitude et le climat peuvent modifier la façon de jouer», prévient Dylan.
Ensuite, Federer pourra exercer une emprise psychologique sur ses rivaux. «On serait forcément intimidé, reconnaît en souriant Dylan, ex-700e tennisman mondial. On serait tellement content de jouer contre lui qu'on serait moins méchant!»
Enfin, Roger Federer aurait très peu de risques de se blesser aux genoux ou au dos, comme c'est arrivé lors de sa carrière professionnelle. «Le padel est moins contraignant physiquement que le tennis, souligne Valentin. La surface permet de bons appuis, il y a beaucoup moins de déplacements et les changements de direction ne sont pas aussi brusques. C'est pour ces raisons d'ailleurs que les meilleurs de la discipline peuvent jouer aussi longtemps.»
C'est aussi parce qu'ils ont trouvé le bon coéquipier. C'est essentiel dans ce sport si particulier, où le meilleur joueur du monde peut se faire balayer s'il n'est pas bien accompagné. Valentin explique le mécanisme:
«L'idéal, ajoute Dylan, c'est d'avoir un gaucher et un droitier dans la même équipe. Les deux peuvent ainsi smasher au centre du court. On pourrait donc imaginer Federer avec... »
Pour que la magie opère à nouveau, le Rhénan «doit connaître les bonnes personnes et les bons coachs», estime Valentin, qui propose naturellement ses services. «S'il a envie de s'y mettre à fond, il peut venir quand il veut à Marin. Je lui offre même la première séance avec le café!»
Il reste un dernier point à régler, une question qui conditionnera l'éventuelle reconversion du Maître: sera-t-il aussi beau à voir jouer sur un terrain de padel que de tennis? Valentin Wenger en est persuadé. «Croyez-moi: Federer serait magnifique même au badminton!»