Loïc, à Sölden l'an passé, vous avez perdu votre ski. Et cette saison, vous avez été contraint de déclarer forfait à la dernière minute en raison de douleurs au dos. Comment avez-vous géré cette situation?
Loïc Meillard: Jusqu'à présent, cela n'a jamais fonctionné pour moi à Sölden. Il faudra bien que j'y arrive un jour. Mais mon renoncement ne signifiait pas la fin du monde. J'ai pu prendre mon temps, car l'ouverture de la Coupe du monde n'est pas suivie par d'autres courses.
Marco Odermatt a été éliminé en Autriche, ce qui est extrêmement rare. Les portes de la victoire étaient donc grandes ouvertes. Est-ce encore plus frustrant?
Non, pas du tout. Je vois toujours une possibilité de battre Marco. En redescendant, je n'ai même pas remarqué qu'il avait été éliminé. L'occasion manquée de profiter de son abandon, comme vous le suggérez, était à ce moment-là le cadet de mes soucis. Car il y avait la douleur physique et psychique. Le fait de ne pas prendre le départ était difficile à gérer émotionnellement, car j'ai travaillé durant des mois en vue de ce moment.
Malgré ce revers, Marco Odermatt dit que vous êtes son plus grand concurrent dans la lutte pour le classement général de la Coupe du monde. Qu'est-ce que cela vous inspire?
Pas grand chose. Je sais que je peux skier vite et je l'ai prouvé en fin de saison dernière. Je continue donc à suivre ma voie. Tout le monde veut aller vite, Marco et moi ne sommes pas les seuls.
Vous sentez-vous prêt à relever le défi?
Oui, pourquoi pas.
Etes-vous suffisamment fort pour le battre?
En tant qu'athlète, tu crois toujours en tes chances. Bien sûr, peu de gens peuvent remporter le général de la Coupe du monde. Mais nous nous entraînons pour ça presque toute l'année. Ce serait donc bien de le gagner, mais je ne me focalise pas sur ça. Mon but est de faire aussi bien que possible à chaque course.
Vous avez besoin de trois disciplines pour avoir une chance de rivaliser avec Marco. Prévoyez-vous également d'inclure la descente dans votre programme, pour monter à quatre?
J'aime la descente et c'est un bon entraînement pour le super-G. Je n'ai pas l'intention de m'arrêter là, mais je ne me concentrerai sur la descente que lorsque j'en aurai marre du slalom, ou que j'aurai atteint mes objectifs.
Quand les aurez-vous atteints?
Je ne sais pas. Gagner le globe ou décrocher une médaille aux Mondiaux, ce serait certainement quelque chose qui me ferait réfléchir à de nouveaux défis.
Combien de courses de super-G allez-vous disputer cet hiver?
Il est prévu que je les fasse toutes, à l'exception de Val Gardena.
Outre la Coupe du monde, les Championnats du monde sont un objectif. C'est justement à Saalbach que vous avez gagné le géant en fin de saison dernière. Vous avez aussi terminé deuxième du super-G. Qu'est-ce que cela signifie pour vous?
Cela aide de savoir que l'on peut aller vite sur une pente. Mais les Championnats du monde sont encore loin. Ces derniers temps, j'ai plus lutté avec mon dos que je n'ai imaginé ce qu'il serait possible de faire aux Mondiaux.
Avec le recul, auriez-vous dû changer quelque chose dans votre préparation?
Non, je ne pense pas. Je suis en forme, je me suis bien entraîné et je n'ai jamais eu mal. J'aurais pu faire quelque chose de différent à Sölden. Il est normal de skier détendu et confortable. Mais j'étais un peu trop détendu et je n'ai pas eu assez de tension, c'est la raison pour laquelle je n'ai pas pu éviter ce problème de dos.
On entend souvent: "Loïc Meillard skie trop bien pour gagner des courses". Avez-vous changé quelque chose dans votre style?
Depuis deux ans, j'essaie d'adopter une ligne un peu plus directe. J'essaie constamment et j'y parviens de mieux en mieux.
De nombreux experts estiment que vous êtes au moins aussi bon skieur qu'Odermatt, si ce n'est meilleur. Cela vous agace-t-il ou au contraire vous honore-t-il?
Ni l'un ni l'autre. Chacun suit sa voie. Bien sûr, nous avons des styles différents. Je sais comment je skie et j'essaie de tirer le meilleur parti de mes capacités. Et Marco essaie de faire la même chose avec son style.
Mais cela se résume souvent à un même constat: vous êtes l'esthète et Odermatt un chasseur de victoires.
Je ne serais pas monté 21 fois sur le podium de la Coupe du monde si je n'avais pas été un chasseur de victoires. Mais oui, ses qualités sont largement différentes. J'essaie toutefois depuis deux ans de courir de manière moins maîtrisée et de prendre plus de risques.
On a aussi dit que vous n'êtiez pas capable de sortir deux manches de haut niveau.
Ce n'est jamais facile d'enchaîner deux manches parfaites. Mais je trouve ce reproche faux. Je n'aurais pas eu tous ces résultats si je ne savais pas skier deux bonnes manches.
Dernière question, Loïc. Etes-vous satisfait que toute l'attention soit portée sur Odermatt? Ou avez-vous le sentiment de manquer de reconnaissance?
Je peux toujours skier comme je l'entends. Je fais ce sport parce que je l’aime et non pour devenir le plus populaire. Je me concentre sur mon chemin et sur l'opportunité de vivre ma passion.
Adaptation en français: Romuald Cachod.