La Suisse a signé un triplé sur les neiges américaines du Colorado. Si Odermatt, vainqueur du super-G, est un habitué de la première marche, deux nouveaux skieurs ont inscrit leur nom sur le tableau des vainqueurs suisses en Coupe du monde.
Il y a tout d'abord Justin Murisier, le slalomeur devenu géantiste puis descendeur. Il a fallu gratter chaque discipline pour que le Valaisan triomphe au plus haut niveau, à bientôt 33 ans, qui plus est dans la discipline reine du ski alpin.
Après avoir accroché son premier podium lors du géant d'Alta Badia en 2020, cette fois-ci, c'est la récompense suprême pour cet acharné de travail qui s'est tourné vers la vitesse, lui que Beat Feuz et Didier Cuche voyaient comme le prochain excellent descendeur suisse. Le bûcheur du Val de Bagnes a confirmé et pourra étrenner son dossard rouge (de leader de la discipline) sur la Saslong de Val Gardena.
Le constat pour Thomas Tumler est plus ou moins similaire. Celui qui est un sublime skieur au feeling unique, assurément l'un des plus talentueux (techniquement) du circuit, a enfin concrétisé son immense talent. En lévitation lors de la première manche du géant dominical, Tumler voulait poser les plaques en 2023, frustré par les déceptions à répétition. Mais son père l'a motivé à cravacher - et à raison.
6 ans plus tard, sur cette même piste de Beaver Creek qui l'a vu réussir une 3e place en géant, le skieur de Samnaun (GR) a réussi son pari, à 35 ans, en remportant sa première victoire sur la scène mondiale.
Bientôt 33 ans pour Murisier, 35 ans pour Thomi, ces deux exploits est bientôt une tradition helvétique: briller sur le tard. Tout comme les deux susnommés, de nombreux athlètes au potentiel évident, mais freinés par des blessures à répétition, ont souffert dans l'ombre avant de s'offrir une parcelle de lumière.
Il y a par exemple Patrick Küng, souvent ennuyé par des pépins de santé, qui a connu son premier sacre à l'âge de 29 ans, lors du super-G de...Beaver Creek en 2013. Il a ensuite glaner l'or en descente lors des Mondiaux de...Beaver Creek en 2015.
Tobias Grünenfelder est aussi l'un de ces gros talents qui a dû ronger son frein avant de rafler une première victoire en Coupe du monde. Déjà aligné à l'âge de 20 ans au plus haut niveau, le Glaronais a longtemps tourné autour de la première place sans transformer l'essai. Un premier podium en 2003, en super-G à Garmisch-Partenkirchen, un second toujours dans la station allemande, avant de frôler la victoire lors de la descente de Bormio (en 2005). Mais une faute de carre, juste avant la ligne d'arrivée, le déséquilibre avant de couper la cellule au troisième rang.
Grüni aura sa revanche, sur la neige canadienne de Lake Louise, en vainquant le signe indien à 33 ans, en enlevant le super-G, en 2011, à la surprise générale.
Stefan Rogentin fait aussi partie de cette race de coureur à la maturation lente. Il lui a fallu de la patience avant de monter une première fois sur le podium (à Wengen, en 2023), et de saisir sa chance pour monter sur la plus haute marche. A près de 30 ans, le skieur de Lenzerheide pouvait exulter lors des finales de Saalbach, en mars 2024.
Une autre tradition helvétique est aussi perpétuée dans la station du Colorado. Beaver Creek plaît à l'équipe de Suisse. La piste Birds of Prey est un terreau fertile pour les athlètes de Swiss-ski.
Outre Patrick Küng, Didier Plaschy s'était imposé pour la première fois dans la station américaine. Même refrain pour Sandro Viletta. Le Grison est sorti vainqueur du super-G en 2011, et Daniel Albrecht, signait aussi ses deux premiers succès sur le circuit mondial dans le Colorado.
Les montagnes américaines comme terre promise pour les skieurs suisses, pour se sublimer et inscrire son patronyme dans les mémoires. Faut-il le rappeler, la station du Colorado a été le lieu où Marco Odermatt, en 2019, a remporté sa première épreuve Coupe du monde. 37 victoires ont suivi et la série est toujours en cours.
Beaver Creek, le liant entre le ski suisse et la gloire, en espérant que Tumler et Murisier puissent suivre la trajectoire dorée du Nidwaldien et faire honneur à la célèbre phrase de Cristiano Ronaldo: «Les buts c'est comme le ketchup. Des fois ça ne veut pas sortir, mais quand ça sort, c'est tout d'un coup».