Lucas Braathen a un plan pour détrôner Marco Odermatt
Faire une interview avec Lucas Pinheiro Braathen demande des nerfs solides. Les réponses du skieur de 25 ans peuvent se transformer en longues réflexions philosophiques, ou prendre une direction qui n’a plus grand-chose à voir avec la question initiale. Ce sentiment se confirme dès qu’il évoque sa situation actuelle, qu’il qualifie de «complexe et compliquée».
Ce qui est néanmoins clair, c’est que Lucas Pinheiro Braathen veut être bien plus qu’un simple sportif à succès. Il se voit comme un symbole, capable d’inspirer les gens aux quatre coins du monde. C’est là son désir, sa mission. Lorsqu’il en parle, comme il l’a fait en exclusivité avant le début de la Coupe du monde, cela donne ceci:
«J’étais un gringo»
La vie de Lucas Pinheiro Braathen a été façonnée par sa double culture. Son père est Norvégien et sa mère Brésilienne. Il est né à Oslo. Lorsque ses parents se séparent, il n’a que deux ans. Il part alors vivre au Brésil avec sa mère. Mais plus tard, la garde est confiée à son père, qui le ramène en Scandinavie. Durant sa jeunesse, Braathen déménage pas moins de 21 fois, au gré des saisons, son père travaillant dans différentes stations. Une instabilité qui l’a profondément marqué et forgé.
Un besoin de liberté
Braathen a fait ses débuts en Coupe du monde en 2018, à l’âge de 18 ans. Il a remporté cinq courses: trois slaloms et deux géants. Son premier succès en slalom, en janvier 2022 à Wengen, est entré dans la légende. 29e après la première manche, il avait réalisé une remontée spectaculaire lors du second passage. Lors de la saison 2022/2023, il avait ensuite remporté le petit globe de la spécialité.
Ces succès, Lucas Braathen les a obtenus sous les couleurs de la Norvège. Mais à l’été 2023, un conflit avec sa fédération au sujet des droits marketing a tout bouleversé. Sportif extraverti, il voulait choisir librement les marques qu’il porterait. Il disait ne plus se sentir libre, assurant qu’il ne pouvait être performant qu’en retrouvant ce sentiment. «Tout le monde sait que la liberté est l’une de mes plus grandes sources de réussite et de bonheur», déclarait-il à l’automne 2023, lorsqu’il surprenait tout le monde en annonçant sa retraite. Un an plus tard, il créait à nouveau la surprise: après avoir mis sa carrière entre parenthèses, il décidait de revenir à la compétition, cette fois sous les couleurs du pays de sa mère. Il devenait ainsi le tout premier Brésilien à évoluer en Coupe du monde.
Nous avons demandé à Lucas Pinheiro Braathen ce que signifie pour lui le mot libre. «La liberté, c’est la possibilité d’être soi-même à 100%, d’exprimer pleinement sa personnalité et d’être accepté tel quel. La liberté est la pierre angulaire de mon projet: représenter le Brésil en ski. Ce projet symbolise la lutte pour affirmer sa propre identité, et non pas vivre pour les autres. C’est essentiel pour devenir une source d’inspiration: il faut avant tout rester authentique. Le Brésil m’a donné à cela, alors que c’était justement le grand problème dans mon ancienne structure. Là-bas, je skiais pour les autres, pas pour moi. Dans ces conditions, je ne pouvais pas exprimer tout mon potentiel.»
Lucas Pinheiro Braathen est donc un oiseau rare. Mais le ski, qui exige une discipline de fer, des entraînements intenses et de nombreux sacrifices, ne semble pas vraiment rimer avec liberté. Ou peut-être nous trompons-nous?
Il lorgne sur le général
Braathen entretient une relation toute particulière avec Sölden, qui accueillera dans quelques jours le week-end d’ouverture de la saison. En 2020, lors du coup d’envoi dans cette station autrichienne, il y avait remporté son premier succès en Coupe du monde, en géant. Le 27 octobre 2023, à la veille du début du nouvel exercice, il avait annoncé sa retraite temporaire. Un an plus tard, c’est toujours sur le glacier des Alpes autrichiennes qu’il disputait sa première course sous les couleurs du Brésil, terminant directement à la quatrième place.
Désormais bien dans ses baskets, libéré de toutes contraintes et habitué à sa nouvelle structure privée, il aborde la saison à venir avec plusieurs objectifs. Braathen ambitionne d’entrer dans l’histoire du sport en décrochant la première victoire en Coupe du monde d'un Brésilien, ainsi qu’en remportant la toute première médaille brésilienne aux Jeux olympiques d’hiver. Lors de sa saison de retour, il est monté cinq fois sur le podium, sans jamais parvenir à s’imposer.
Ce passionné de samba, qui n’hésite pas à esquisser quelques pas de danse dans l’aire d’arrivée, envisage également de s’aligner en Super-G. Jusqu’à présent, Braathen n’a disputé qu’une seule course dans cette discipline: en novembre 2022 à Beaver Creek, où il avait pris une remarquable 7e place. Il considère le Super-G, sa troisième spécialité, comme une base solide pour rivaliser avec Marco Odermatt, et vise ainsi le classement général de la Coupe du monde.