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Témoignage watson

François Mars, le biathlète qui ne voulait pas gagner

François Mars en course.
François Mars en course.Image: DR
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Ce sportif romand ne voulait pas gagner: «Je ralentissais exprès»

François Mars est un jeune biathlète romand pétri de qualités. Il lui en manque pourtant une importante: la hargne. Vouloir être meilleur que les autres, espérer les écraser, ce n'est pas du tout son truc. Dans un témoignage touchant et plein de maturité, le Neuchâtelois de 19 ans, actif sur le circuit suisse et européen, raconte comment il se fait violence pour devenir un winner.
09.03.2023, 06:1009.03.2023, 10:37
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«J'ai commencé à faire des compétitions de biathlon vers l'âge de 14 ans, surtout pour faire plaisir à mon père. Les résultats, honnêtement, je m'en fichais. Je n'avais pas trop envie de gagner. Il m'arrivait même de ralentir sur un tour alors que j'étais en forme. Mes pensées étaient ailleurs et je perdais de précieuses secondes. Ce que j'aimais dans le sport, c'était être avec les copains à l'entraînement, puis rentrer à la maison.»

«J'étais le petit dernier de la famille (réd: il a trois demi-frères et soeurs). Je n'étais pas un fils à papa, loin de là, mais il est vrai que j'étais couvé par ma mère. Elle était aux petits soins avec moi. Elle était pleine d'attentions, me demandant par exemple souvent si je voulais un chocolat chaud. Avec le recul... Je crois qu'on peut faire un lien avec le manque d'agressivité que j'ai en biathlon, mais j'y reviendrai.»

«Je n'ai jamais eu beaucoup de problèmes dans ma vie. Je ne sais pas beaucoup ce que ça veut dire que d'être mal. J'ai toujours été quelqu'un d'heureux, à la maison comme à l'école, où j'avais de bonnes notes sans trop travailler.»

«Je me contentais d'avoir des 4,5, ça m'allait très bien, alors que j'aurais pu obtenir des 5,5 ou 6»

«Mon caractère joyeux et bon vivant, je l'ai forcément amené avec moi dans le monde du biathlon, où j'ai été plus actif dès mes 15 ans. Le plus compliqué pour moi, au départ, était de m'accrocher à la première place. J'avais très peur du résultat. Les autres m'impressionnaient, c'est ça le truc.»

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«Et puis, il y avait autre chose: j'appréciais le fait d'être quelqu'un de bonne compagnie et de ne pas vouloir me mettre constamment en avant. Je connaissais des gens qui avaient la volonté de vouloir gagner à tout prix dans la vie, qui étaient en compétition avec les autres quoi qu'ils fassent, et il était très difficile de communiquer avec eux. Ils en oubliaient de profiter des petites choses de la vie, et je ne voulais surtout pas leur ressembler. Quand je jouais au Monopoly par exemple, je faisais tout pour gagner, bien sûr, mais si je perdais, ce n'était pas du tout important.»

«Je me rendais bien compte que mon attitude était contre-productive dans le sport de haut niveau, que sans la volonté féroce de gagner, tout devenait plus compliqué. Je vais vous donner un exemple très simple pour que vous compreniez à quel point ma «passivité» me pénalisait. En biathlon, vous le savez peut-être, nous avons deux types de tirs qui sont très différents et réclament des attitudes opposées:

  • Le tir couché est un tir de stabilité. Il faut être concentré, calme, précis. Les cibles sont certes petites mais ce n'est pas grave, on est assez stable puisqu'on est couché
  • Le tir debout est un tir agressif. Il s'agit d'être rapide et déterminé. Si on hésite, qu'on ne veut pas vraiment la mettre dans la cible, on n'a aucune chance d'y arriver.

Chez moi, il n'y avait pas de mystère. J'étais bien meilleur en tirs couchés. J'avais parfois d'excellents résultas alors que debout, j'étais catastrophique.»

La différence entre les deux positions

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Image: shutterstock

«En grandissant et avec le temps, je me suis dit qu'il fallait que j'aie moi aussi de la volonté et de la détermination, mais uniquement aux entraînements et en compétition, et pas dans la vie. En biathlon, on doit sans cesse switcher entre un effort physique intense (en ski de fond) et une concentration extrême (en tir). J'ai dû créer un autre bouton sur lequel appuyer pour passer d'une attitude joyeuse dans la vie à une autre, plus féroce, dans le sport. Et ça n'a pas du tout été facile.»

«Ma mère voulait que je fasse de la boxe pour m'endurcir (réd: elle l'a dit dans un article publié par ArcInfo en janvier 2022) mais j'ai pensé qu'il y avait peut-être des solutions moins violentes (il rit). J'ai donc fait des séances de coaching mental avec la Neuchâteloise Nina Jokuschies et modifié mon approche aux entraînements. Lorsque je sortais du vesiaire, je me mettais dans une bulle et me disais:

«Francois, là, ce ne sont pas tes amis, pas tes copains, mais des concurrents, donc tu vas tout faire pour être devant»

«On pourrait penser que c'est facile, mais pas du tout. Car en biathlon, nous vivons et voyageons avec les autres membres de l'équipe de Suisse. Durant ces moments, nous sommes comme des frères. On mange ensemble, on joue aux cartes ensemble, on discute, on rit. On se connait tous depuis presque 6 ans, ça fait un tiers de vie. Ce n'est pas simple de se dire qu'en course, il faut écraser ces mêmes personnes, détruire ces gens qu'on aime autant.»

«Faire mal aux autres a toujours été compliqué pour moi. Par ricochet, faire mal à mon corps, le pousser dans ses retranchements, a aussi été difficile. Mais grâce au travail que j'ai entrepris sur moi-même, j'y parviens de plus en plus. Il m'est même arrivé l'été dernier de me faire vomir à l'entraînement. Il faisait chaud et j'avais un peu trop mangé. Je suis allé dans un coin pour vomir, puis je suis reparti à fond.»

«J'ai vraiment une autre approche désormais en compétition, et j'espère que cela m'aidera à intégrer le cadre C de l'équipe de Suisse l'hiver prochain. Je l'espère vraiment.»

L'avenir lui appartient.
L'avenir lui appartient.

«Je sais maintenant que si je fais une partie de Monopoly, j'aurai plus de mal à perdre. Il me faudra un peu de temps pour digérer une défaite et ça, c'est pour moi une grande victoire.»

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