Sport
Tokyo 2020

Tokyo 2020: Simon Biles prouve que le stress est un problème de santé

Image
Tokyo 2020

En sport, le trac est devenu officiellement un problème de santé

Après Naomi Osaka à Roland-Garros, Simone Biles a interrompu ses JO pour préserver sa «santé mentale». Mêmes mots, même remède: l'aveu de faiblesse. Mais un sportif peut-il tout dire?
28.07.2021, 19:3929.07.2021, 15:16

Simone Biles n'a pas voulu souscrire au mensonge de sa fédération. Après avoir quitté précipitamment la compétition par équipes, la gymnaste américaine est venue expliquer en personne, face caméra, qu'elle n'était pas blessée. «Ou seulement dans la tête.»

En déclarant forfait pour des motifs psychologiques, Simone Biles a brisé un vieux tabou, peut-être même le dernier bastion de la vanité sportive. Mais d'autres lui reprochent surtout de briser le rêve des athlètes, dont elle a pris la place aux JO, au nom «d'un problème de santé mentale qu'elle aurait pu soigner avant, ou avec un bon shot de tequila», comme le prescrit un anglophone sur Twitter. Une commentatrice de télévision a même provoqué un vif émoi en Belgique avec cette réflexion troublée, voire troublante:

«Un problème mental est-il aussi un problème médical? Si je n'ai pas envie de continuer, ai-je un problème mental ou un problème médical?»

«Ce genre de forfait paraîtra choquant à une partie de l'opinion publique, mais quand on connaît les coulisses, quand on a vu l'envers du décor, on ne peut que saluer le courage et la franchise de Simone Biles», affirme Valérie Andreetto, préparatrice mentale de nombreux athlètes olympiques.

Simone Biles, une envie de se cacher.
Simone Biles, une envie de se cacher.

«Ceux qui n'ont pas vécu la compétition de haut niveau ne peuvent pas connaître la pression qui pèse sur un athlète aux JO, renchérit son confrère Romain Ducret. Ce n'est pas une pression que nous retrouvons, même dans le monde de l'entreprise. Nous parlons d'athlètes qui, souvent, ont consacré vingt années de leur vie à préparer une seule compétition, de surcroit une compétition qui peut durer une minute. Imaginez: une minute de temps disponible pour concrétiser vingt années d'effort. Serions-nous relax?»

L'escrime, une touche pour basculer côté gloire ou côté néant.
L'escrime, une touche pour basculer côté gloire ou côté néant.

Derrière la notion de mental, il y a l'idée d'une fragilité inavouable que, jusqu'ici, l'athlète considérait comme un pouvoir de nuisance, au mieux comme une pensée parasitaire que, armé de slogans («just do it»), il chassait à huis clos. Plus maintenant?

«Simone Biles a déclaré qu'elle ne voulait pas prendre le risque de contracter une blessure. Elle a parlé de risque... Pour avoir assisté à sa contre-performance au saut, je pense qu'il y a eu une prise de conscience, mais aussi une prise de responsabilité courageuse, voire nécessaire, face à un stress manifestement extrême», décrit finement Valérie Andreetto. Simone Biles, mercredi, a même parlé de «démons» - ce que les amateurs de téquila résumeraient plus simplement par une pétoche du diable.

Avant de fuir Roland-Garros, Naomi Osaka avait utilisé les mêmes mots: «Préserver ma santé mentale». Plus que l'acceptation d'un mal, le sport semble assister à la labélisation d'un malaise qui, soudainement, serait passé de l'état d'âme à l'état grippal.

Naomi Osaka.
Naomi Osaka.

Mêmes mots, même remède: l'aveu de faiblesse. A la fin, comme un point de rupture. «Pour Osaka, il y a un lourd passif émotionnel, avec des blagues pas très sympathiques, limites racistes, dues à ses origines haïtiennes, sans oublier un contexte familial compliqué», rappelle Romain Ducret. «Pour Biles, il y a l'historique des viols en série dans la gymnastique américaine, et les témoignages sordides qu'ont dû livrer ces athlètes devant le tribunal», insiste Valérie Andreetto.

Et la spécialiste d'étayer: «Nous sommes dans le cas très particulier d'un sport, la gymnastique, où les relations humaines étaient délétères, voire toxiques, pour ne pas dire illégales. Les révélations de Simone Biles ont soulevé une chape de plomb, un peu comme les scandales de Macolin chez nous. Je suis d'ailleurs convaincue que, dans ce dernier cas, nous n'avons pas encore tout entendu.»

Valérie Andreetto ne croit pas à un monde sportif qui serait le reflet d'une société désinhibée, ouvertement fragile, sinon franchement vulnérable, où il serait de bon ton d'avoir des névroses: «Je ne pense pas que les aveux de faiblesse vont se généraliser au-delà de certains sports comme la gymnastique, où les pressions exercées sur les athlètes étaient d'une cruauté rare.»

Mais Romain Ducret, lui, hésite...

«Il y a le risque que ces névroses deviennent des phénomènes de mode. Aujourd'hui, quelqu'un qui n'est pas stressé peut vite passer pour un glandeur»
Le relâchement, but ultime de l'athlète sous pression.
Le relâchement, but ultime de l'athlète sous pression.

Le Fribourgeois adhère au constat que cette année, en sport, le trac est officiellement devenu un problème de santé. «Nous vivons une époque où la parole se libère, dans tous les domaines. Des sujets comme la dépression et l'homosexualité, dans le sport, étaient encore tabous il y a deux ou trois ans, et sont presque devenus des discussions de vestiaires. Pour libérer la parole, il faut toujours qu'une célébrité, en l'occurence Naomi Osaka, serve de déclencheur. C'est un acte très courageux que je considère personnellement comme une formidable avancée.»

«Dans l'inconscient collectif, l'athlète doit se montrer fort. Il est fort. L'invulnérabilité du sportif est un archétype. Or, les archétypes ne disparaissent pas en quelques décennies, mais après des siècles! Peut-être que nous y arrivons gentiment»
Romain Ducret

Et néanmoins: considéré le débat planétaire que suscitent les aveux de Naomi Osaka et Simone Biles, ne serait-il pas plus simple de prétexter une pointe au mollet ou, comme les hockeyeurs, une blessure dans le haut du corps?

«Je ne pense pas qu'un épisode dépressif puisse devenir un handicap sportif, balaie Valérie Andreetto. Ce n'est rien d'autre qu'une blessure comme une autre, qui requiert des soins, un suivi et une réathlétisation. Il est temps de considérer, si ce n'est déjà le cas, que la performance sportive est multi-factorielle. Et que le mental est une part considérable de cette performance.»

Ceux qui en doutent ne connaissent pas leur chance.

Plus d'articles sur le sport
La Suisse a un excellent souvenir d'un stade du Mondial où elle jouera
La Suisse a un excellent souvenir d'un stade du Mondial où elle jouera
de Ralf Meile
Mohamed Salah pousse un grand coup de gueule
Mohamed Salah pousse un grand coup de gueule
de David Digili
Le jour où McLaren a laissé filer le titre au dernier Grand Prix
Le jour où McLaren a laissé filer le titre au dernier Grand Prix
de Romuald Cachod
Trois absurdités se cachent derrière le «prix de la paix Fifa» de Trump
3
Trois absurdités se cachent derrière le «prix de la paix Fifa» de Trump
de Jan Schultz
Le hockey suisse n'a pas besoin des ultras
Le hockey suisse n'a pas besoin des ultras
de Klaus Zaugg
Tout sauf la première place serait un échec pour la Nati
Tout sauf la première place serait un échec pour la Nati
de Ralf Meile
«Le relais de la flamme olympique est né à Berlin»
«Le relais de la flamme olympique est né à Berlin»
de Julien Caloz
La Nati a eu de la chance au tirage au sort du Mondial 2026
La Nati a eu de la chance au tirage au sort du Mondial 2026
Ce tournoi est la «Swiss League» du hockey européen
Ce tournoi est la «Swiss League» du hockey européen
de Klaus Zaugg
Les gauchers devraient éviter de jouer au tennis à des heures précises
Les gauchers devraient éviter de jouer au tennis à des heures précises
de Yoann Graber
Daniel Albrecht: «Je ne me souvenais pas de mon nom»
Daniel Albrecht: «Je ne me souvenais pas de mon nom»
de Dominik Widmer, Jasmin Steiger
Constantin a une drôle d'idée pour le nouveau stade du FC Sion
Constantin a une drôle d'idée pour le nouveau stade du FC Sion
de Stefan Wyss
Tous les scénarios pour le titre de champion du monde de F1
Tous les scénarios pour le titre de champion du monde de F1
de Romuald Cachod
Cet Yverdonnois a eu un geste roublard pour battre Lausanne
Cet Yverdonnois a eu un geste roublard pour battre Lausanne
de Yoann Graber
Pourquoi les stars du tennis vont presque toutes en vacances aux Maldives
Pourquoi les stars du tennis vont presque toutes en vacances aux Maldives
de Yoann Graber
Le nouveau coach de la Nati est l’anti-Patrick Fischer
Le nouveau coach de la Nati est l’anti-Patrick Fischer
de Klaus Zaugg
La FIFA veut transformer la VAR pour la Coupe du monde
La FIFA veut transformer la VAR pour la Coupe du monde
de Romuald Cachod
Le tirage du Mondial pourrait bien se transformer en «show Trump»
Le tirage du Mondial pourrait bien se transformer en «show Trump»
de Ralf Meile
Le nouveau maillot de la Nati porte une technologie cachée
Le nouveau maillot de la Nati porte une technologie cachée
La patinoire des JO de Milan-Cortina inquiète
La patinoire des JO de Milan-Cortina inquiète
de Romuald Cachod
Le coach du CP Berne est victime d'une malédiction
Le coach du CP Berne est victime d'une malédiction
de Klaus Zaugg
La Nati est mal barrée
La Nati est mal barrée
Djokovic a un nouvel outil pour reconstruire son corps
Djokovic a un nouvel outil pour reconstruire son corps
de Yoann Graber
Ce Suisse de NHL est expulsé pour une raison à peine croyable
Ce Suisse de NHL est expulsé pour une raison à peine croyable
de Yoann Graber
Cette badiste a une méthode insolite pour battre ses rivales
Cette badiste a une méthode insolite pour battre ses rivales
de Yoann Graber
Le nouveau rival de Marco Odermatt a rompu la malédiction
Le nouveau rival de Marco Odermatt a rompu la malédiction
de Romuald Cachod
Le Tour du monde à l’envers devient un duel franco-suisse
Le Tour du monde à l’envers devient un duel franco-suisse
Shaqiri pourrait perdre un privilège
Shaqiri pourrait perdre un privilège
de Yoann Graber
Les hooligans plombent le foot suisse dans ce classement UEFA caché
2
Les hooligans plombent le foot suisse dans ce classement UEFA caché
de Stefan Wyss
Les ZSC Lions ont un dilemme avec leur coach
Les ZSC Lions ont un dilemme avec leur coach
de Klaus Zaugg
Red Bull provoque ses adversaires en F1 avec une blague malicieuse
1
Red Bull provoque ses adversaires en F1 avec une blague malicieuse
de Lisa Slomka
Ce tennisman suisse fait une révélation aussi rare que courageuse
Ce tennisman suisse fait une révélation aussi rare que courageuse
de Yoann Graber
Ce club a réussi ce que Thoune rêve de faire
Ce club a réussi ce que Thoune rêve de faire
de Romuald Cachod
Shaqiri: «Je ne me sens pas assez protégé sur le terrain»
Shaqiri: «Je ne me sens pas assez protégé sur le terrain»
de Christoph Kieslich, Céline Feller
Comment Verstappen a réussi son improbable retour et rêve de titre
1
Comment Verstappen a réussi son improbable retour et rêve de titre
de Jasmin Steiger
Le coach de Gottéron a imposé un changement radical à ses joueurs
1
Le coach de Gottéron a imposé un changement radical à ses joueurs
de Ralf Meile
«Je suis confiant»: Hakan Yakin veut retrouver un banc
«Je suis confiant»: Hakan Yakin veut retrouver un banc
de Daniel Wyrsch
Les Jeux olympiques de Tokyo en images
1 / 28
Les Jeux olympiques de Tokyo, en images
Les feux d'artifice au-dessus du stade olympique, lors de la cérémonie d'ouverture le 23 juillet.
source: keystone / keystone
partager sur Facebookpartager sur X
Ceci pourrait également vous intéresser:
Avez-vous quelque chose à nous dire ?
Avez-vous une remarque ou avez-vous découvert une erreur ? Vous pouvez nous transmettre votre message via le formulaire.
0 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
Constantin a une drôle d'idée pour le nouveau stade du FC Sion
Le président du club valaisan – qui défie Aarau ce jeudi à 20h30, en 8e de finale de Coupe de Suisse – se livre dans une grande interview, où il parle notamment d'un projet insolite pour sa nouvelle arène.
Vous dormez comment en ce moment?
Christian Constantin: Peu, mais bien, comme toujours. Pourquoi cette question?
L’article