Manny Pacquiao a annoncé sa retraite sportive mercredi sur les réseaux sociaux. Une vidéo de quatorze minutes. Très longue, comme sa carrière professionnelle: 26 ans. L'une des plus belles de la boxe. Peut-être même du sport, tout court.
To the greatest fans and the greatest sport in the world, thank you! Thank you for all the wonderful memories. This is the hardest decision I’ve ever made, but I’m at peace with it. Chase your dreams, work hard, and watch what happens. Good bye boxing. https://t.co/Bde4wO82sA
— Manny Pacquiao (@MannyPacquiao) September 29, 2021
Le Philippin de 42 ans laisse sur le ring un palmarès époustouflant: 12 titres mondiaux, remportés dans 8 catégories de poids différentes. C'est tout simplement le seul boxeur à avoir réalisé pareil exploit. Entre son premier sacre, chez les mouches (1998), et celui en super-welter (2010): seize kilos d'écart. Il a décroché une dernière couronne en 2019, 21 ans après la première et est du même coup devenu le plus vieux combattant à être auréolé dans la catégorie welters.
«C'est incroyable d’avoir gravi les catégories comme il l'a fait et d'y battre à chaque fois les meilleurs représentants», admire Bertrand Duboux. L'ancien journaliste sportif de la Radio télévision suisse (RTS) enchaîne: «Aujourd'hui, faire une carrière riche de plus de 30 combats, c’est exceptionnel! Parce que la boxe est un sport extrêmement exigeant physiquement et il y a peu d'occasions de monter sur le ring, les meetings n'étant pas fréquents». Manny Pacquiao en a disputé plus du double, soit 72. Son bilan? Soixante-deux victoires (dont 39 par k-o.), 2 nuls et 8 défaites.
Un palmarès qui légitime totalement la nostalgie du champion au moment de raccrocher ses gants:
Si Manny Pacquiao a autant aimé la boxe, c'est parce qu'elle lui a tout donné.
Emmanuel, de son vrai prénom, naît le 17 décembre 1978 au sein d'une famille pauvre de Kibawe, sur une île du sud des Philippines. Il grandit avec ses cinq frères et sœurs dans une maison de tôle et de bois au cœur d'un bidonville. La future star est obligée d'aider financièrement sa mère:
A quatorze ans, il doit arrêter l'école à cause de la précarité du foyer. Sans avenir, il décide d'embarquer seul pour Manille, la capitale, où son destin va complètement changer.
Il commence par y dormir parfois dans la rue, vend des beignets pour survivre. Mais son salut, il le trouvera dans le sport. Avec quelques rudiments de boxe, qu'il a découvert peu avant, il parvient à intégrer l'équipe nationale amateure. Elle le nourrit, le loge et lui permet d'acquérir une technique qui le mènera jusqu'au sommet mondial. Il est encore très loin de s'en douter quand il remporte son premier combat pro en janvier 1995. A seulement seize ans. Et avec un gabarit de 1,50 m pour 45 kg (1,66 m pour 66 kg aujourd'hui).
«Sur le ring, Manny Pacquiao était un battant, il allait au duel», applaudit Bertrand Duboux. «Il avait une grande capacité de résistance, il était un vrai dur au mal.» Pour l'expert, le Philippin est l'un des meilleurs boxeurs de l'Histoire. Mais pas LE meilleur. «Oscar de la Hoya est bien plus fort techniquement, par exemple. C'est surtout le tempérament de Manny Pacquiao qui était très apprécié.»
De l'aura, le quarantenaire en a bien au-delà des cordes. Il est une idole dans son pays. Il a même un timbre à son effigie. En 2009, le célèbre magazine Time le considère même comme l'une des personnalités les plus influentes du monde. Le Philippin en a conscience: il a annoncé ce mois qu'il se présenterait à l'élection présidentielle de mai 2022, dans laquelle il a de réelles chances de battre le président sortant Rodrigo Duterte.
I boldly accept the challenge of running as PRESIDENT of the Philippines. We need progress. We need to win against poverty. We need government to serve our people with integrity, compassion and transparency. The time is now. I am ready to rise to the challenge of leadership. 🇵🇭 pic.twitter.com/suN1zFTxyW
— Manny Pacquiao (@MannyPacquiao) September 19, 2021
S'il venait à occuper la fonction de chef de l'Etat, pas certain que le tout frais retraité puisse encore s'adonner à ses (nombreuses) passions. Colonel de l'armée, ce père de cinq enfants a joué dans une trentaine de productions cinématographiques et sorti deux albums. Il a aussi pratiqué le basket en première division de son pays et prêché dans une église évangélique.
La planète entière a découvert Manny Pacquiao le 2 mai 2015. Ce jour-là, à Las Vegas, il a disputé – et perdu aux points – face à l'Américain Floyd Mayweather Jr ce que la presse décrivait comme «le combat du siècle». En jeu: les titres World Boxing Association (WBA) et World Boxing Council (WBC) des welters. Et de l'argent. Beaucoup d'argent. «Ça m'a un peu déçu que Pacquiao participe à ce combat», rembobine Bertrand Duboux, désormais organisateur de meetings en Suisse. «Il y a monétisé ses titres, comme le font plusieurs boxeurs âgés qui remontent sur le ring occasionnellement. J'ai de la peine avec cette boxe-business.»
La fortune estimée de Manny Pacquiao, gagnée grâce à la boxe? 500 millions de dollars. En 2013, il a été le plus gros contribuable des Philippines, où un quart de la population vit avec moins d'un dollar par jour. Son prochain uppercut, il le réserve pour les inégalités sociales et économiques dans son pays. Assurément l'adversaire le plus robuste qu'il aura à affronter dans sa vie si son nom sort des urnes en mai prochain.