C'est un record fascinant qui vient d'être réalisé: en roulant sans s'arrêter et plus vite que quiconque auparavant à travers tous les cantons suisses, Christoph Jost a marqué l’histoire. Il est ainsi entré dans le Guinness des records.
L'exploit a été accompli début août. Ce cycliste amateur de 38 ans a parcouru les 27 heures nécessaires pour traverser la Suisse, des Grisons à Genève, tout en passant au moins une fois par chaque canton. Comment a-t-il fait Jost, ingénieur civil de formation et aviateur, raconte son aventure depuis un restaurant près de l’aéroport de Zurich, profitant de sa pause déjeuner pour partager son expérience.
C’est en feuilletant le Guinness des records que Jost a eu l’idée de son exploit, après avoir vu le record d'une femme qui avait traversé cinq pays à vélo en 24 heures. En creusant un peu plus, il découvre que le record actuel est de neuf pays en 24 heures. Battre ce record semble difficile, il faut donc innover. C’est ainsi qu’il pense à traverser tous les cantons suisses.
Jost n’a jamais eu l’ambition de devenir un sportif professionnel. Dans sa jeunesse, il a été membre d’un club d’athlétisme à Affoltern am Albis, puis il a pratiqué le football et le tennis, toujours par plaisir. Son amour du vélo est né également très tôt. «Dès mon enfance, je voulais explorer le monde à vélo. Je me demandais: à quoi ressemble l’autre côté du col d'Albis?» Ce projet de traverser tous les cantons n’est pas son premier grand défi à vélo. En 2022, il a pédalé de la Suisse jusqu'en Chine, un projet qu'il a réalisé après un premier échec dû à la pandémie.
Mais comment obtenir un record du Guinness? Il existe deux options: soit on tente de battre un record existant, soit, comme Jost, on crée un nouveau record. Cela s'apparente alors à une démarche de candidature. La première étape est d'ouvrir un compte sur le site officiel du Guinness. Ensuite, il faut soumettre une description en anglais du record, intitulée «Fastest time to visit all cantons of Switzerland by bicycle» pour Jost. Il soumet sa candidature le 24 mars 2024. Quelques semaines plus tard, il reçoit une réponse: acceptée.
Cependant, les responsables du Guinness définissent des règles très strictes pour le record de Jost. Il doit accomplir son trajet en un maximum de 48 heures; il doit fournir des vidéos d’au moins deux minutes pour chaque heure de trajet et surtout, il doit tenir un journal de bord détaillant chaque étape de son voyage. Ce sont ses accompagnateurs qui notent tout cela. Ils doivent également trouver des témoins le long de la route qui, en le voyant rouler, attestent de son passage par leur signature et leurs coordonnées. Enfin, Jost doit enregistrer son trajet avec une montre GPS.
S'il réussit son périple, il peut alors soumettre son dossier au Guinness des records. En cas de succès, son record sera inscrit dans la base de données. Quant à une publication physique dans le livre, cela se décidera plus tard.
L’aventure commence dans un hôtel à Wassen, où Jost passe la nuit. Il souhaite limiter au maximum la fatigue du voyage avant de partir. Au départ du col d'Oberalp, il se sent bien, et à 9h23, il entame son parcours sur le territoire des Grisons. Quelques secondes plus tard, il franchit déjà la frontière du canton d'Uri.
La grande question avant le départ était bien sûr: quel serait le parcours idéal pour ce record? Une chose est claire: le point de départ doit être le plus élevé possible, et les cols doivent arriver le plus tôt possible, lorsque les réserves sont encore pleines.
Jost étudie la carte de la Suisse, trace des itinéraires, et inspecte les points clés sur place. Une première idée doit être abandonnée, car le trajet autour du tunnel de Seelisberg, en Suisse centrale, est impraticable sur 900 mètres à cause de trop nombreuses escaliers et d’un interdit pour les vélos.
Finalement, le parcours part du col d’Oberalp, passe par Andermatt et le Gotthard, mais ne monte que jusqu’à la frontière tessinoise. Puis il redescend du même côté et passe par la Furka, le Grimsel et le Brünig en direction de la Suisse centrale. Ensuite, il file vers l’Est, traverse la région du Mittelland au nord, et se dirige enfin vers l’Ouest. Au total, Jost parcourt 649,8 kilomètres (dénivelé positif de 7108 mètres). Il met exactement 27 heures, six minutes et vingt secondes pour accomplir le défi, roulant en moyenne à 23,9 km/h. «Je connaissais déjà le parcours par cœur avant de partir. Je voulais toujours savoir par où je devais passer. C’est important pour la sécurité et cela donne de la confiance.»
Tout au long du trajet, Jost est suivi par une équipe de soutien en voiture. Il y a toujours un conducteur, un assistant et un cameraman. Tandis que six chauffeurs se relaient, le cameraman reste en service en continu.
Ses accompagnateurs doivent s'occuper de la gestion de la nourriture et des boissons. Contrairement à une course cycliste professionnelle avec des routes fermées, la voiture d'accompagnement ne peut suivre Jost que dans de rares cas, car la circulation est trop dangereuse. La communication se fait généralement par casque et téléphone, ce qui permet à Jost de faire part de ses besoins. Juste avant le col de Ricken, il doit se forcer à manger un peu de spaghetti.
À part cela, il se nourrit principalement de pommes, de Biberli (biscuits suisses) et de gels énergétiques. Pour s’hydrater, il boit de l’eau, du Gatorade, des shots de caféine – et de la bière sans alcool car il adore cela. Jost aura bu environ 20 litres durant son épopée.
La plus grande difficulté pendant ce record est de gérer son énergie. Comment tenir 27 heures d'affilée? «Bonne question, dit Jost en riant. Pendant la nuit, la musique de Taylor Swift m’a motivé.» Avant de tenter le record, il avait réalisé un essai en roulant sans arrêt de Zurich à Paris, un trajet d’une distance comparable. «Cela m'a permis de gagner en confiance.» Une chose était certaine pour lui: «Les crises arrivent – et elles finissent par passer. Je le savais.»
La plus grande crise survient pour Jost au col de Ricken. Les heures de la nuit sont particulièrement difficiles. «Je me suis senti un peu seul à plusieurs reprises. C'est pour cela que le lever du soleil dans le Jura a été tellement beau.»
Un autre moment difficile se présente lorsque le genou droit de Jost commence à lui faire mal. Il reste encore 350 kilomètres à parcourir lorsqu'il ressent pour la première fois cette douleur. Du Voltaren et un anti-douleur l’aident pendant une période, mais au matin, la douleur revient. Un autre anti-douleur et un patch lui sont remis. «Quand j'ai ressenti que ça commençait à fonctionner, j'ai eu mon plus grand moment d'euphorie. Là, j'ai réalisé que j'allais pouvoir terminer.»
Dans la dernière partie, Jost donne tout. Le cap des 27 heures est sa motivation. Les nombreux messages qu'il reçoit de ses amis et proches, avec qui il partage sa position en temps réel pendant le trajet, le boostent également. Lorsque son périple est terminé, le cycliste alémanique se sent d'abord fier et heureux. Son corps est saturé d'adrénaline. Avec ses accompagnateurs, il saute dans le lac Léman pour se détendre. Mais sur le chemin du retour en voiture, il s'endort immédiatement.
Cela fait un peu plus de deux heures que l'entretien avec Jost a commencé. Il continue de raconter, toujours plein d'enthousiasme et de joie. À la fin, il dit: