On a souvent pensé, mais peut-être à tort, que pour être bons, les joueurs de football avaient besoin d'être rapides et techniques. Il semblerait que nous ayons oublié une donnée essentielle: pour briller sur un terrain, les footballeurs doivent aussi être impeccablement peignés. Comment expliquer, sinon, que de plus en plus de délégations voyagent avec leur propre coiffeur?
Eh bien, il n'y a pas d'autre explication. «Je pense en effet que pour être performant, un footballeur se doit d'être bien coiffé», soutient Roby Myozaki. Ce figaro vaudois avait rejoint La Baule par le premier avion, en juin 2016, pour satisfaire aux exigences capillaires de Zlatan Ibrahimovic et de ses coéquipiers durant l'Euro. Il s'en était fait un devoir, convaincu qu'une bonne coupe de cheveux rendait «meilleur». «On se sent mieux dans sa peau. La confiance en soi, donc les performances, augmentent.»
Les staffs sollicitent toujours plus de coaches mentaux pour doper l'estime de leurs joueurs. Alors pourquoi pas des coiffeurs? «Ils devraient faire partie intégrante de la délégation, au même titre que les physiothérapeutes ou les masseurs, milite Roby. Les joueurs seraient mieux dans leur peau et gagneraient en sérénité. Ils bénéficieraient d'un moment pour eux, un instant à part dans un quotidien sous pression. Je n'y vois que des avantages.»
Chaque coup de ciseaux agirait comme une étape supplémentaire dans la transformation de l'homme en artiste du ballon, car «la coupe de cheveux est comme un costume: elle participe au spectacle», pointe le Vaudois. C'est pour cette raison que huit stars du Brésil, en camp de préparation dans la région lucernoise avant le Mondial 2006, avaient dépêché une limousine au salon de Beat Fuchs, lequel s'était rendu en catimini dans l'hôtel des Auriverdes. Conscient du trésor qui ondulait sous ses doigts de fée, ce crack de la tondeuse n'avait pas manqué de garder précieusement quelques boucles de Ronaldinho, que Blick avait ensuite fait gagner à ses lecteurs. Beat Fuchs avait aussi appliqué, à la demande de son client, une lotion garantissant aux plus célèbres frisettes du football un reflet auburn sous les rayons du soleil (certains matches du Mondial se disputaient en journée).
Certains y ont décelé une forme exacerbée de coquetterie. Roby Myozaki pencherait plutôt pour autre chose, une sorte de superstition qui agirait comme un effet placebo. «Plusieurs joueurs viennent se faire couper les cheveux dans mon salon le vendredi ou le samedi, toujours à la veille du match. Quelques millimètres de moins suffisent pour qu'ils se sentent mieux, donc plus rapides et efficaces.»
Aucune étude en soufflerie n'a jamais démontré qu'une coupe aérodynamique offrait une meilleure pénétration dans l'hair (vous avez le jeu de mots?). Mika Caiolas, surnommé «le barber des stars» par Konbini, reçoit lui aussi des footballeurs «avant les gros matches». Il penche pour une autre hypothèse: «Avec les réseaux sociaux, ils sont obligés de faire attention à leur image. Ils savent qu’ils vont être vus par des millions de gens et veulent être propres.»
Certains réclament davantage que des contours bien dessinés. Ils veulent une création qui les démarquera du reste du groupe, de ces 22 ou 25 autres garçons de la même génération que lui. Or quoi de mieux qu'une teinture platine dans une équipe qui ne recense aucun blond?
Poussé par le même souci de singularité, le joueur du PSG Presnel Kimpembe avait exigé de son coiffeur qu'il ne reproduise pas le même motif (un lion) sur le crâne d'un rival. «Il m’a dit direct : «S’il te plaît Mika, ne lui fais pas ça. C’est ma coupe, celle-là. Je veux la sortir dans les grands matches.»
C'est comme si, avant de sortir un grand match, les footballeurs devaient sortir une grande coupe de cheveux. Mais comment le leur reprocher? Le public attend d'eux qu'ils s'illustrent (selon l'expression consacrée). Dans ce contexte, le passage chez le coiffeur peut se lire comme le début de quelque chose d'audacieux qui pourrait se prolonger sur la pelouse, une sorte de mise en situation, les premiers éléments du costume dont parlait Roby Myozaki.
La coupe, enfin, c'est aussi ce que découvre en premier l'équipe adverse lorsqu'elle pénètre sur le terrain, donc le moyen le plus direct et sûr de passer un message. C'est en signe d'une menace à venir que des joueurs comme Marek Hamsik ou Paul Pogba ont longtemps adopté la crête. Elle faisait d'eux des guerriers, et de leurs adversaires des hommes à abattre. C'était le meilleur des conditionnements.
Cet article a été adapté d'une première version parue le 21 juin 2021.