Scène surréaliste en Catalogne ce mercredi. Ronald Koeman, entraîneur du FC Barcelone, se présente en conférence de presse pour évoquer le match du lendemain à Cadix. Mais il ne répondra à aucune question des journalistes. Au lieu de ça, le Néerlandais lit un communiqué dans lequel il demande de l'indulgence aux fans et aussi, indirectement, à ses dirigeants.
🗣 @RonaldKoeman : “Nous sommes en phase de reconstruction, avec l'objectif de créer une équipe sans pouvoir dépenser de grandes sommes. Nous avons besoin de votre soutien en cette période difficile. Les jeunes talents de notre équipe peuvent devenir les stars de demain” pic.twitter.com/oqlmkTKpRU
— FC Barcelona (@fcbarcelona_fra) September 22, 2021
Le comportement surprend tellement il est inhabituel. Mais il soulève surtout une autre question: comment en est-on arrivé à ce que l'entraîneur d'un des clubs les plus admirés sur la planète demande le soutien des supporters?
La réponse est sur le terrain. Le Barça de ce début de saison n'a rien à voir avec l'équipe qui a émerveillé tous les amateurs de foot ces deux dernières décennies. «Elle me fait pitié», lâche amèrement Ramon Andrade. Ce Vaudois d'origine catalane est membre de la Peña Barcelonista de Lausanne, une association de fans. Il est aussi un socio du FCB. A 61 ans, il a déjà connu d'autres périodes moins reluisantes de son club de cœur. Mais jamais à ce point. «C’est la première fois que je vois des joueurs qui marchent sur le terrain, peste-t-il. Avant, tout le monde se donnait à fond, se battait. Mais là, il n'y a aucune volonté.»
Les chiffres vont dans le sens de cette impression: lors du match nul jeudi soir à Cadix (0-0), Barcelone n'a tiré que quatre fois au but (deux tirs cadrés). Et sans une parade décisive de son gardien Marc-André ter Stegen à la 80e, c'était la défaite.
Ter Stegen!!! ❤💙 pic.twitter.com/YOFdbntuml
— GoncaloDias17 (@goncalo_diass17) September 23, 2021
Elle aurait encore plus chiffonné la feuille de route de ce début de saison des pensionnaires du Camp Nou: seulement septièmes de Liga, ils ne comptent que neuf points en cinq matchs. Le tout sans avoir affronté de cadors du championnat. Et puis il y a aussi eu cette claque à la maison contre le Bayern Munich la semaine dernière en Ligue des champions (0-3).
Ce soir-là, Ramon Andrade avait éteint sa télévision après le 2-0. Alain Pointet, lui, ne l'avait pas du tout allumée. «Je sentais ce qui allait arriver», rigole-t-il jaune. Le Valaisan ne voulait pas subir un nouveau coup de poignard après celui du 5 août dernier. «J'ai super mal vécu l'annonce du départ de Messi, c'était mon idole», avoue celui qui a appelé son fils Leo en hommage au génialissime attaquant argentin. Comme Ramon Andrade, Alain Pointet est socio du Barça et fait partie d'une association de supporters, la Penya Barcelonista de Martigny. Sur la page d'accueil du site internet de celle-ci, il y a les photos de Luis Suarez et de Lionel Messi, chacun balle au pied avec le maillot blaugrana.
Ne pas remplacer les clichés des deux stars parties sous d'autres cieux serait-ce du déni? Il correspond à la première des cinq étapes du deuil, modélisé par la psychiatre Elisabeth Kübler-Ross dans les années 1960. Il se définit de cette façon: «La personne croit à une illusion, un cauchemar, et refuse de seulement considérer l’information qui lui est donnée.»
Et bien non. Malgré leur tristesse de voir le Barça en si piteux état, Alain Pointet, Ramon Andrade et les membres de leurs associations sont déjà beaucoup plus loin dans le processus. Ils ont atteint sa cinquième et dernière étape, l'acceptation, ce moment où «la réalité est admise, la personne prenant de la distance avec son chagrin et s’interrogeant sur des moyens de se reconstruire.»
🔊 Leo #Messi, en larmes : "Ces derniers jours, j'ai essayé d'assimiler la nouvelle. Je n'étais pas prêt pour tout ça. Je voulais rester au Barça car je suis ici chez moi. Après tant d'années passées ici, je dois dire au revoir à mon Club. Je reviendrai bientôt." pic.twitter.com/YipwOPCD8m
— FC Barcelona (@fcbarcelona_fra) August 8, 2021
Pour s'en convaincre, il n'y a qu'à entendre leur discours plein d'optimisme. «Il y aura un déclic, c'est certain, s'avance Ramon Andrade. Et il pourrait venir avec le retour prochainement d'Ansu Fati.» Alain Pointet a aussi de fortes attentes concernant le jeune prodige espagnol de 18 ans, gravement blessé au genou en novembre 2020:
Le Valaisan de 40 ans a réussi à changer son regard sur son club. Ronald Koeman, qui demandait de l'indulgence et dont la place sur le banc est menacée, apprécierait à coup sûr l'effort.
Moins d'émotions derrière la télé, oui, mais Alain Pointet nous l'assure: son amour pour le FC Barcelone reste intact. C'est la même chose pour Ramon Andrade. «La flamme est toujours là, et c'est surtout dans les mauvais moments qu’il est important de soutenir son équipe», philosophe le Lausannois.
Honnêtement,dans cette situation où il n’y a aucun fond de jeu,ou c’est le néant tactique,même le retour d’Ansu ne fera pas grande différence à la fin!
— Fassi🔎 (@Fassialaloupe) September 23, 2021
Il faut changer en partant que de nouvelles bases.#koemanout
🔵🔴
Les deux Romands espèrent pouvoir le faire prochainement directement depuis les tribunes du Camp Nou, où ils se rendaient une dizaine de fois par année avant la pandémie de coronavirus.
D'ici là, ils seront certainement derrière leur télévision pour le prochain match du FC Barcelone. Parce que dimanche, les Catalans ne recevront pas le Bayern Munich mais bien le nettement plus abordable Levante, seizième de Liga. Un duel dans lequel Ronald Koeman jouera son avenir sur le banc blaugrana.