«Avant de vous raconter mon histoire, j'aimerais préciser que je ne souhaite surtout pas créer une vague de panique. Je ne veux pas être alarmiste, car ce que j'ai vécu est rare. Il y a une cinquantaine de morsures par année en Suisse, et la moitié environ sont dites «sèches», la vipère n'injectant pas ou très peu de venin. On peut donc en déduire que je fais partie des privilégiées!»
«L'accident s'est produit le samedi 27 mai dernier. Ce jour-là, je me suis rendu avec mon amoureux dans le secteur de grimpe de Saint-Loup, un endroit très prisé des adeptes d'escalade, situé sur la commune de Pompaples.»
«J'ai commencé par faire une voie de chauffe, sur une paroi sans difficulté. En grimpant, j'ai posé ma main sur une vire (réd: il s'agit d'un décrochement dans le rocher) et j'ai tout de suite senti une petite piqûre à la main droite. Je ne me suis pas inquiétée plus que ça, me disant que j'avais dû toucher une aiguille de pin, ou quelque chose du genre. Mais une fois arrivée sur la vire, j'ai aperçu une goutte de sang entre le pouce et le poignet. Surtout, j'ai découvert qu'il y avait une petite vipère tranquillement posée au soleil. Elle était plantée là, la gueule grande ouverte, à me regarder l'air de dire: casse-toi!»
«Le serpent était enroulé sur lui-même, donc il était difficile pour moi d'estimer sa taille, mais il avait une petite tête, genre 2 cm de long sur 1 de large. À cet instant, je n'étais pas du tout inquiète: d'abord parce que je n'avais pas mal, la morsure avait d'ailleurs été moins douloureuse qu'une piqûre de guêpe, ensuite parce qu'il s'agissait d'un jeune animal.»
«Après avoir été mordue, j'ai tout de suite prévenu mon copain. Il n'en croyait pas ses yeux. Comme je sais que ce genre de mésaventure peut causer une réaction allergique, je me suis posée et j'ai attendu une dizaine de minutes. Puisqu'il ne se passait pas grand-chose et que je n'avais pas très mal, j'ai assuré mon copain qui grimpait à son tour, mais au bout d'une demi-heure, la moitié de ma main avait bien gonflé et cela commençait à être vraiment douloureux. J'ai donc appelé le centre anti-poison. L'interlocutrice m'a conseillé d'aller tout de suite à l'hôpital, et elle a bien fait: quand je suis arrivée à l'établissement de Saint-Loup, environ 45 minutes après la morsure, mon poignet était bien gonflé aussi.»
«Puisque l'oedème s'est rapidement étendu au-delà de deux articulations, la question s'est posée de savoir si je devais recevoir un anti-venin. Par "chance", si je puis dire, mon bras a gonflé juste avant la vitesse limite à partir de laquelle on préconise le produit. Et puis, j'étais en pleine forme physique: je n'avais ni nausée, ni vomissement, ni hypotension.»
Comme le venin pouvait encore faire des dégradations 6 à 8h après avoir été injecté, j'ai passé la nuit à l'hôpital, sous surveillance constante. J'ai subi trois prises de sang entre mon arrivée vers 16h et mon départ le lendemain à 14h. Quand je suis sortie de ma chambre, j'étais gonflée jusqu'aux côtes sur le côté droit. J'avais carrément un sein plus gros que l'autre, c'était impressionnant! Je ressentais aussi de vives douleurs dans le creux du coude et de l'aisselle, au niveau des ganglions lymphatiques. J'avais l'impression que mon bras était passé sous un camion.»
«Etant agent immobilier et photographe, je n'ai pas pu travailler pendant une semaine. J'ai continué pendant ce temps à avoir des sensations musculaires très bizarres, comme un espèce de début de crampe dans l'avant-bras et le triceps. Cela a duré une dizaine de jours.»
«Il aura fallu près de trois semaines pour que l'oedème se résorbe complètement, et si tout est revenu à la normale, c'est grâce notamment aux drainages lymphatiques. Il ne faut pas les faire tout de suite après une morsure, donc j'ai attendu cinq jours avant d'être ainsi soignée et de poser un bandage compressif qui m'a aussi beaucoup aidée.»
«Tout va très bien maintenant, j'ai pleinement récupéré, mais j'ai quand même eu très peur de devoir passer par la case anti-venin. C'était ma grosse angoisse, car le produit se donne sous haute surveillance aux soins intensifs, ce qui m'a fait imaginer plein de scénarios tous plus horribles les uns que les autres, dans lesquelles je me battais pour survivre.»
«Il paraît que quand on se fait attaquer une fois par une vipère, on devient plus fragile en cas de deuxième morsure, le risque allergique étant accru, mais bon... Je n'ai déjà pas eu de bol de me faire mordre une fois, alors deux, ça ne devrait pas arriver, on est d'accord?!»