Six mois après avoir éclaté en sanglot devant les médias à l'US Open, neuf mois après avoir fui Roland-Garros pour échapper aux conférences de presse, Naomi Osaka a encore craqué, sur le court cette fois-ci, après qu'une voix masculine se soit écriée au loin: «Naomi, tu es nulle!»
La quadruple vainqueur de Grand Chelem a pleuré un peu, avant d'accepter une interview sur le court, ce qu'elle ne fait pratiquement jamais. Habituée aux crises d'angoisse, elle s'en est tirée avec quelques hoquets mais l'exercice reste visiblement très éprouvant, ce qui n'a pas manqué de susciter des réactions dans le milieu.
Interrogé sur l'incident, Rafael Nadal a exprimé sa sympathie, tout en rappelant que les critiques sont les aléas du métier, aussi perfides et ordurières soient-elles. «Une réponse facile pour moi consisterait à dire: "Je suis outré, ça ne devrait jamais arriver".
Rafael Nadal est un dur avec une nature farouchement optimiste: il ne fallait pas compter sur lui pour plaindre Osaka. «On a une vie géniale. On gagne de l'argent. On est chanceux d'être des joueurs de tennis et de vivre ces expériences incroyables. On doit résister aux problèmes qui touchent à notre statut de personnalité publique. On adore quand les gens nous soutiennent: quand ce n'est pas le cas, il faut l'accepter et aller de l'avant. On doit être prêt à affronter l'adversité.»
Et de conclure: «Naomi a sans doute beaucoup souffert de difficultés mentales. Je comprends et je suis désolé pour elle. Je lui souhaite d'aller mieux. Je lui souhaite le meilleur. Mais rien n'est parfait dans la vie. »
Andy Murray n'a pas tenu un discours très différent, la veille, alors que les journalistes lui demandaient s'il avait pu ressentir la même lassitude, à une époque où son body langage en exprimait tant.
«Naturellement, je suis désolé pour Naomi, c'est évident qu'elle est bouleversée, a commenté l'ex No 1 mondial. Mais les attaques ont toujours fait partie du sport. Donc il faut s'y préparer d'une certaine manière et être capable de le supporter parce que ça arrive fréquemment.»
Murray estime que le tennis est relativement épargné par les excès: «Au foot, quand un joueur va tirer un corner et qu'il reçoit une volée d'insultes, quand ce ne sont pas des objets, je me demande toujours comment ça peut être autorisé. Ça ne passerait pas si tu faisais pareil à une personne que tu croises dans la rue ou au travail.»
Naomi Osaka suscite davantage de compassion auprès des esprits torturés, à moins que ce ne soit de l'empathie. Daniil Medvedev compatit: «Moi-même, je ne me sentais pas très bien en Australie (en finale, contre Rafael Nadal, où le public lui était hostile). Je peux imaginer que les fans pensent: "Fucking hell, ils gagnent des millions, ils devraient être préparés à tout." Mais on reste humain.»
Même réaction chez Gaël Monfils: «Les gens voient une superstar, mais quel âge a-t-elle? C'est une jeune femme de 24 ans. Superstar ou pas, tu restes une jeune femme de 24 ans. Ce n'est pas facile, même si tu fais ce sport depuis des années. J'espère que Naomi trouvera une paix intérieure et qu'elle ne laissera pas la situation aller trop loin parce que c'est une vraie championne. » (afp/chd)