Le Masters de tennis féminin, organisé cette semaine en Arabie saoudite, a débuté un 2 novembre. C'est à cette même date trois ans plus tôt que Peng Shuai avait accusé sur Weibo, un célèbre réseau social chinois, l'ancien vice-premier ministre Zhang Gaoli de l'avoir violé.
Le message avait été rapidement effacé. Peng Shuai avait ensuite subitement disparu. Son nom avait été rayé de l'internet chinois. Le tennis s'était alors mobilisé pour l'ancienne numéro 1 mondiale en double et le hashtag #WhereIsPengShuai était devenu viral sur la toile. L'inquiétude était telle que la WTA prenait un mois plus tard une décision forte: suspendre ses activités en Chine.
L'organisation a été saluée pour cela. Or ce boycott n'était en fait que du vent. A l'époque, il y avait déjà des raisons de douter des intentions de l'instance. Plus aucun tournoi n'était organisé en République populaire de Chine depuis plus d'un an, en raison de la pandémie.
Car en 2023, quand la parenthèse Covid-19 s'est refermée et que l'Empire du Milieu a rouvert ses frontières, elle a suivi l'ATP et l'ITF et s'est engouffrée en Chine pour mettre au point sa tournée. Un choix purement économique, difficile à blâmer, tant il en va de la survie du circuit féminin. Ce retour fracassant tendait néanmoins à montrer que l'instance avait vendu son âme au diable.
Tout compte fait, peut-être n'en a-t-elle jamais eu, à la vue de ces premières WTA Finals tenues cette semaine en Arabie saoudite. L'événement lui rapporte gros et nous est présenté comme un tournoi précurseur, visant à inspirer la nouvelle génération, y compris dans les contrées les plus éloignées, et à impulser des changements dans la région – le pays étant critiqué pour ses violations des droits humains, notamment envers les femmes.
Mais de quels changements parlons-nous lorsque les huit meilleures joueuses de la saison tapent la balle là où Manahel al-Otaibi, blogueuse, sportive et professeure de fitness âgée de 29 ans, purge une peine de 11 ans de prison suite à des publications sur les réseaux sociaux en faveur des droits des femmes, à l'utilisation du hashtag #EndMaleGuardianship et à la diffusion de photos prises en public alors qu'elle ne portait pas l'abaya? A quels changements pense la WTA, cette instance qui, à son retour en Chine l'an passé, regrettait qu'il n'y ait eu «aucun signe de changement» dans l'affaire Peng Shuai? Cela ne surprendra personne: le Parti communiste de Chine n'a jamais accédé à sa demande d'une enquête libre et impartiale.
Amnesty International rappelle qu'entre novembre 2023 et avril 2024, Manahel al-Otaibi a subi une disparition forcée. Isolée, elle aurait été longtemps battue. Cela fait écho à l'absence de Peng Shuai, dont la situation reste inquiétante. Très peu d'informations nous parviennent à son sujet. Elle serait aujourd'hui en sécurité. Mais est-elle libre? Libre de quitter la Chine? Libre de s'exprimer? A-t-elle décidé elle-même de prendre sa retraite sportive?
Le mystère demeure autour de Peng Shuai. Aryna Sabalenka, Jessica Pegula, Coco Gauff et les autres jouaient pourtant en Chine début octobre. Comme si de rien n'était. C'est désormais la même mascarade en Arabie saoudite, sans que le nom de Manahel al-Otaibi n'ait été cité cette semaine par la WTA. Et dire qu'il y a trois ans, Steve Simon, président de l'instance, était présenté comme un leader courageux, au moment où l'organisation se retirait de la Chine.