Vingegaard va réparer une énorme anomalie
La statistique peut surprendre: à 28 ans, Jonas Vingegaard, l’un des meilleurs coureurs cyclistes de la planète, n’a jamais porté le maillot de son équipe nationale chez les élites. Autrement dit, il ne compte aucune participation aux Jeux olympiques, aux Championnats du monde et aux Championnats d’Europe.
Finalement, l’histoire de Vingegaard avec la sélection danoise se résume à une seule apparition, lors des Mondiaux U23 organisés en 2018 à Innsbruck. Dans les montagnes du Tyrol, le Danois s’était classé 63e d’une course remportée par le Suisse Marc Hirschi. Le regretté Gino Mäder avait pris la quatrième place.
Le fait que Jonas Vingegaard ne compte aucune sélection au plus haut niveau ne s’explique ni par un manque de talent, ni par des tensions internes, ni même par des parcours toujours totalement inadaptés à ses caractéristiques. La raison est ailleurs: les courses d’un jour ne correspondent pas à ses affinités. Le leader de la Visma-Lease a Bike fait donc l'impasse sur les grands championnats, les classiques ardennaises et même le Lombardie, pourtant prisé des grimpeurs, pour se concentrer sur d'autres objectifs.
Cependant, Vingegaard a récemment exprimé son envie de représenter son pays, ambitionnant notamment de participer aux Jeux olympiques de Paris 2024. Mais il n’a pas été retenu, en raison de son retour difficile à la compétition après sa lourde chute au Tour du Pays basque, de quotas limités et d’un tracé dans les rues de Paris potentiellement favorable aux flahutes.
Dernièrement, il était également annoncé au départ des Mondiaux de cyclisme en Afrique, remportés ce dimanche par l’inévitable Pogacar. Rien d’étonnant: avec 5500 mètres de dénivelé positif et une course globalement disputée entre 1400 et 1800 mètres d’altitude, le terrain au Rwanda offrait à Vingegaard une belle opportunité de s’exprimer, malgré, il est vrai, l’absence de longs cols et la présence de montées pavées, pour un tracé rappelant la saison des classiques.
Mais en août, à quelques jours du départ de la Vuelta, qu’il a ensuite remportée dans un chaos total, le Danois s’est retiré des Mondiaux, invoquant un possible manque de fraîcheur, en raison de l’enchaînement de deux Grands Tours. «Il faut être vraiment frais et en pleine forme pour disputer les Championnats du monde cette année», confiait-il en conférence de presse.
Cette décision lui a valu de vives critiques. Elle prend cependant tout son sens à la lumière des propos de Kris Van der Mieren, médecin de l’équipe nationale belge: «Si vous n’êtes pas en forme ici, vous êtes fini. (...) Etre un peu en dessous de son meilleur niveau se paie dix fois plus cher ici», a-t-il souligné ces deniers jours dans les colonnes de Sporza, du fait de l'altitude soutenue tout au long du parcours.
Si certains y ont vu là la peur de s’attaquer à Pogacar, son grand rival, Jonas Vingegaard avait néanmoins assuré qu’il participerait, une semaine plus tard, aux Championnats d’Europe de cyclisme sur route, une course que le Slovène a également cochée. Mieux remis de son Tour d’Espagne et non affaibli par un long déplacement en Afrique, «Vingo» sera donc bel et bien présent dimanche sur les routes de la Drôme et de l’Ardèche. Il y portera son premier maillot danois chez les grands, avec l'ambition de le troquer contre la tunique étoilée.
Le doute subsiste toutefois quant à sa capacité à briller sur une seule et unique journée de course, malgré des circonstances avantageuses: 3300 mètres de dénivelé positif, la montée de Saint-Romain-de-Lerps (6,8 kilomètres à 7,3%) gravie à trois reprises, celle du Val d’Enfer (1,7 kilomètre à 9,3%) franchie six fois et un total de 203 kilomètres, soit bien moins que sur la plupart des grandes courses d’un jour auxquelles il n’est pas habitué à participer.
La confiance demeure toutefois côté danois. Après un Tour d’Espagne couronné de succès, Jonas Vingegaard a affirmé «avoir réduit l'écart» avec Tadej Pogacar, auteur d’un nouveau grand numéro en solitaire, dimanche dans les rues de Kigali.
Son sélectionneur, Michael Mørkøv, croit également en ses chances. «Je ne souscris pas vraiment à cette théorie» selon laquelle Vingegaard ne pourrait pas briller sur une course d’un jour, a-t-il déclaré auprès du média danois Feltet. «Il a déjà réalisé de très bonnes performances lors de la première étape de courses disputées sur plusieurs jours. Il s’en est incroyablement bien sorti, et il est difficile d’affirmer qu’une première étape n’est pas équivalente à une course d’un jour.»
En juin dernier, le leader de l’équipe Visma-Lease a Bike s’était illustré lors du final accidenté de la première étape du Critérium du Dauphiné, en attaquant à cinq kilomètres de l’arrivée. Il avait finalement pris la deuxième place au sprint, derrière Tadej Pogacar mais devant un certain Mathieu van der Poel, grand adepte des courses d'un jour.