Pia Sundhage ne méritait pas cette fin
L’attente a été longue. Ce n’est que lundi soir, à 19h15, que la décision est tombée: Pia Sundhage n’est plus l’entraîneuse de l’équipe nationale suisse. Après les derniers mois, cette séparation ne surprend guère. Mais la façon dont l’Association suisse de football (ASF) s’est comportée envers sa coach à succès laisse perplexe.
Le 18 juillet dernier, il y a seulement 108 jours, le stade du Wankdorf à Berne résonnait encore des chants «Sundhage». Le public suisse célébrait, malgré la défaite 0-2 contre l’Espagne, un Euro historique à domicile, au cours duquel la sélection nationale s’était hissée pour la première fois de son histoire en quarts de finale. Sundhage, heureuse, avait alors déclaré:
Le communiqué de l'ASF ce lundi
Der SFV und Pia Sundhage haben sich darauf geeinigt, die Zusammenarbeit per sofort zu beenden
— 🇨🇭 Nati (@nati_sfv_asf) November 3, 2025
L’ASF et Pia Sundhage ont convenu de mettre un terme à leur collaboration avec effet immédiat
L'ASF e Pia Sundhage hanno concordato di terminare la loro collaborazione con effetto… pic.twitter.com/W3DVLNgjEA
Du champ de ruines à un quart de l'Euro
Lorsque la Suédoise a pris les rênes de l’équipe nationale au début de l’année 2024, elle a hérité d’un champ de ruines. Après le licenciement d’Inka Grings, la Nati était en plein doute, et beaucoup s’interrogeaient sur sa capacité à être compétitive lors de l’Euro à domicile.
C’est alors que la directrice du football féminin, Marion Daube, a fait appel à celle qui a été élue «meilleure entraîneuse du monde de l’année 2012». Une femme qui avait déjà vécu un Euro à domicile avec la Suède et savait comment préparer une sélection nationale à la pression d’un tel tournoi.
Dans la foulée, Sundhage s’est attirée quelques inimitiés avec son style peu conventionnel, y compris parmi les joueuses les plus expérimentées. Toutes ses décisions tactiques n'ont pas fait l’unanimité. Mais durant le tournoi, la technicienne a dépassé les attentes – grâce à un jeu audacieux et offensif. Avec la meilleure première mi-temps de l’histoire du football féminin suisse, les Suissesses ont conquis les cœurs des supporters lors du match d’ouverture contre la Norvège.
Et grâce à l’égalisation tardive de Riola Xhemaili face à la Finlande, qui a permis à la Nati de valider son ticket pour les quarts, la sélectionneuse est, elle aussi, entrée dans l’histoire du football helvétique.
Sundhage a mis l'ASF sous pression
Mais l’euphorie de l’été a fait place, à l’automne, à une désillusion palpable. Des divergences de vues sur l’avenir sont apparues entre la sélectionneuse et la fédération. Tandis que la Suédoise affirmait publiquement vouloir poursuivre le développement de l’équipe, l’ASF restait muette. Elle l’avait engagée pour préparer l’Euro à domicile – pas au-delà.
Sundhage, pour sa part, voyait dans les talents suisses un immense potentiel. Elle évoquait la Coupe du monde 2027 au Brésil et ne tarissait pas d’éloges pour des joueuses comme Iman Beney ou Sydney Schertenleib, qu’elle voyait capables d’atteindre le très haut niveau mondial. Mais elle posait aussi des conditions claires à une prolongation: l’engagement d’adjoints à plein temps.
Après l’Euro, l’attente a repris. Les semaines sont devenues des mois. L’entraîneuse parlait, la fédération se taisait. Par ses critiques publiques, Pia Sundhage a mis l’ASF sous pression. Il est fort possible que le moment choisi pour l’annonce, lundi soir, lui soit en partie imputable. Initialement, la fédération prévoyait de communiquer plus tard, mais Sundhage était vraisemblablement prête à s’adresser elle-même aux médias.
L'ASF n'a jamais joué cartes sur table
Sur le terrain, Pia Sundhage continuait pourtant de convaincre. Les victoires contre le Canada et l’Ecosse, fin octobre, ont confirmé le nouvel état d’esprit de la Nati. La coach a renoncé aux expérimentations, misant dans ces matchs amicaux sur la même formation et les mêmes principes que durant l’Euro. Sundhage savait qu’elle devait obtenir des résultats pour espérer une prolongation. Malgré ces deux victoires, la séparation a finalement eu lieu.
L’ASF souhaite désormais se tourner vers l’avenir – sans la sélectionneuse qui a fêté cette année ses 65 ans. Une décision stratégique, compréhensible en soi. Sundhage était une entraîneuse du succès immédiat, non du développement à long terme. Marion Daube, le président de l'ASF Peter Knäbel et Johan Djourou, récemment promu directeur technique des équipes nationales, veulent bâtir une structure durable. Leur regard se porte moins sur la Coupe du monde 2027 que déjà sur l’Euro 2029. Une entraîneuse proche de la retraite cadre mal avec cette ambition.
Aussi compréhensible que soit la séparation dans une optique d’avenir, le comportement de l’ASF envers l’ancienne «coach mondiale de l'année» demeure incompréhensible. Sundhage a dû patienter pendant des mois, pour finalement être surprise par la décision, comme elle l’a déclaré. Jamais la fédération n’a joué cartes sur table avec celle qui a pourtant été son entraîneuse à succès.
Entre les chants «Sundhage» de juillet et le sobre communiqué de ce lundi 3 novembre annonçant une rupture «avec effet immédiat», un fossé s’est creusé. Pour Pia Sundhage, son mandat à la tête de l’équipe nationale suisse s’achève brutalement. Elle restera l’entraîneuse du conte de fées de l’été 2025. Mais cette fin, elle ne la méritait pas.
Adaptation en français: Yoann Graber
