Quand Mark Padun, jeune coureur de la formation Bahrain Victorious, s'est imposé à la pédale à La Plagne en juin 2021, devant Richie Porte, Enric Mas ou encore Geraint Thomas, et a récidivé le lendemain avec facilité aux Gets face à Jonas Vingegaard, la stupeur le long des routes du Dauphiné était de mise.
Beaucoup avant cette explosion au plus haut niveau ne connaissaient pas ce jeune garçon. Un modeste grimpeur, déjà dans sa quatrième année professionnelle, et passé proche de gagner lors d'étapes relativement difficiles, sur le Giro comme la Vuelta. Simple équipier, il avait surtout levé les bras auparavant sur le Tour des Alpes et s'était distingué à plusieurs reprises sur le timide Tour d'Autriche.
Or en performant autant et de manière aussi soudaine sur les étapes de haute montagne du Critérium du Dauphiné, grande répétition générale du Tour de France, tout en malmenant les principaux leaders du général, Mark Padun ne s'était pas uniquement révélé aux yeux du grand public.
«C’est une honte absolue. Comment vais-je aller démarcher des sponsors en leur disant qu’il n’y a plus de dopage quand on voit cela? C’est grossier. L’équipe Bahrain est de plus en plus sulfureuse. Déjà, son Giro était déprimant avec l’Italien Damiano Caruso ou le Slovène Jan Tratnik qui a surpris tout le monde dans les cols», s'était emporté sous couvert d'anonymat un patron d'équipe dans les colonnes du Parisien. «On se sent tous un peu cons. Que le mec fasse un hold-up à La Plagne, pourquoi pas. Mais il n’a pas la décence de se planquer un peu le lendemain. Il y a un sentiment d’impunité qui rappelle les sales années 2000. Mais évidemment, tant que tu n’as pas de preuves, tu te tais…», abondait à l'époque un autre dirigeant.
Des preuves irréfutables, justement, il n'y en a jamais eu. Mark Padun n'a nullement été contrôlé positif – au même titre qu'un certain Lance Armstrong – et a toujours justifié son coup d'éclat par une perte de quatre kilos en stage. Un argumentaire défendu par différents protagonistes, qui voyaient-là un futur grand du cyclisme mondial, ayant tout bonnement mis du temps à éclore. Et surtout, un garçon ne sortant pas de nulle part, car performant dans les catégories jeunes. Padun avait en effet terminé cinquième des Mondiaux espoirs remportés en 2018 par le Suisse Marc Hirschi.
Or la suspicion a continué de suivre le coureur ukrainien durant toute sa carrière, notamment parce qu'il n'a pas été sélectionné, malgré son excellente forme au Dauphiné, sur le Tour de France disputé un mois plus tard, épreuve marquée par une descente de police à l'hôtel de sa sulfureuse équipe, dirigée par Milan Erzen, cité dans la vaste opération autrichienne Aderlass. Mais aussi parce que Padun n'a jamais réellement réussi à reproduire ce qu'il a montré dans les Alpes françaises au printemps 2021.
Recruté par EF Education-EasyPost six mois après son double exploit, le transfuge de la Bahrain Victorious est alors retombé dans l'anonymat le plus total. A tel point qu'il portait la saison dernière le maillot de la très limitée Corratec-Vini Fantini, pour laquelle il n'a couru que six jours, dont deux où il a connu l'abandon et un où il a terminé hors délais.
Le jeune homme avait auparavant confié à L'Equipe qu'il avait été marqué, non seulement par la guerre en Ukraine, mais aussi par toutes les suspicions qui ont entouré ses succès. «Tout cela est faux. C’était très déplaisant, dégoûtant. On m’a volé la joie de mes victoires», avait-il regretté auprès du quotidien français, après avoir été pris dans l'engrenage médiatique.
Qu'il y ait matière à doute ou non, Mark Padun restera ce coureur que personne n'a venu à venir, cet ovni ayant survolé furtivement, le temps d'un week-end, aussi bien les cols alpestres que toute la concurrence.