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Handball: deux arbitres voilées officient en Suisse

Le duo d'arbitres du Koweït Maali Alenezi (à gauche) et Dalal Al-Naseem officie en Suisse pendant plusieurs semaines.
Le duo d'arbitres du Koweït Maali Alenezi (à gauche) et Dalal Al-Naseem officie en Suisse pendant plusieurs semaines. image: Severin Bigler

«C’est très inhabituel»: pourquoi deux arbitres voilées officient en Suisse

C'est une première en Suisse: deux arbitres originaires du Koweït dirigent des matchs de handball masculin de première division. Et elles portent le hijab. Leur présence est appréciée mais ne fait pas l'unanimité.
14.09.2025, 12:0014.09.2025, 13:25
Jasmin Steiger / ch media

Passes rapides, tambours assourdissants, public en délire. Au milieu: Maali Alenezi (29 ans) et Dalal Al-Naseem (31 ans), venues du Koweït. Deux femmes en tenue d’arbitre bleue et noire, foulard noir sur la tête, regard concentré. Mercredi soir, la Mobiliar Arena de Berne a offert un tableau inédit.

Pour les deux arbitres koweïtiennes, c’est seulement leur deuxième match en QHL, la première division suisse de handball. Sur le terrain, le BSV Berne affronte Pfadi Winterthour. «On les a tout de suite remarquées», lancent deux supporters à la pause à propos des directrices de jeu. Une spectatrice ajoute: «Ce qui frappe, c’est surtout leur taille.»

Les deux directrices de jeu détonnent au milieu des joueurs.
Les deux directrices de jeu détonnent au milieu des joueurs. image: Severin Bigler

Les deux femmes font bien une tête de moins que les handballeurs géants. Mais croire que cela les empêche d’imposer leur autorité serait une lourde erreur. A la moindre faute, leur coup de sifflet aigu résonne dans l’arène. Un geste, et même les joueurs de deux mètres se penchent vers elles pour écouter leurs explications. Elles ne laissent aucune place aux discussions: elles connaissent ce sport sur le bout des doigts.

Alenezi et Al-Naseem sont le premier duo féminin d’arbitres du Koweït – et les seules arbitres arabes de tout le continent asiatique. Elles ont déjà officié lors de cinq Championnats du monde, la dernière fois au tournoi masculine U19 en Egypte. «Notre prochaine étape, c’est le Mondial féminin cet hiver», annonce Dalal Al-Naseem. Et à partir de fin novembre, elles arbitreront en Allemagne et aux Pays-Bas.

Un programme qui profite aussi à la Suisse

Si les deux Koweïtiennes arbitrent actuellement en Suisse, c’est grâce à la Fédération internationale de handball (IHF), qui a lancé un programme permettant à des binômes d’arbitres extra-européens d’acquérir de l’expérience dans quatre à cinq championnats européens. Le projet, testé il y a une dizaine d’années, vient d’être relancé.

Pour Stephan Summ, responsable des arbitres au sein de la fédération suisse, l’initiative est doublement bénéfique:

«Cela permet à ces femmes d’arbitrer dans un championnat structuré. Mais c’est aussi un avantage pour la Suisse: on est obligés de remettre en question nos propres pratiques et de les expliquer à des personnes qui ne connaissent pas notre handball.»
Maali Alenezi et Dalal Al-Naseem sont notamment encadrées par Stephan Summ, responsable des arbitres en Suisse.
Maali Alenezi et Dalal Al-Naseem sont notamment encadrées par Stephan Summ, responsable des arbitres en Suisse.image: Severin Bigler

Leur présence sert aussi de modèle. Actuellement, la Suisse ne compte qu’une quarantaine d’arbitres femmes – soit à peine 10 %. Parmi elles, Andrea Müller et Sandra Schaad, un duo déjà actif au niveau européen. «Elles ne sont pas nombreuses, mais leur niveau est excellent, justement parce qu’elles sont si peu», souligne Summ.

Maali Alenezi et Dalal Al-Naseem ont été attribuées à la Suisse par tirage de l’IHF. Pour Stephan Summ, c’est une chance:

«Elles font partie du top mondial. Leur simple sélection pour le Mondial en dit long: sur une centaine de binômes, seuls douze sont retenus. Elles en font partie»

Regards insistants et grand défi

Si l’accueil est majoritairement positif dans la salle, quelques regards se font insistants. «C’est quand même très inhabituel de voir deux femmes avec un foulard sur le terrain. En Suisse, ce n’est pas courant», fait remarquer un spectateur. Un autre se montre carrément insultant:

«C’est bizarre de voir deux chouettes effraies sur le terrain»
Maali Alenezi n'a aucun problème à faire respecter ses décisions auprès des handballeurs suisses.
Maali Alenezi n'a aucun problème à faire respecter ses décisions auprès des handballeurs suisses. image: Severin Bigler

Les deux arbitres savent qu’elles ne passent pas inaperçues. «Le défi, c’est qu’ici, personne ne nous connaît. Les joueurs et les spectateurs voient deux arbitres musulmanes et ne savent pas toujours comment réagir», explique Maali Alenezi.

«Mais une fois qu’ils comprennent ce qu’on sait faire, ils s’ouvrent rapidement et nous soutiennent»
Maali Alenezi

A côté du handball, Alenezi est professeure de physique et Al-Naseem étudie l’ingénierie. Dans la péninsule arabique, il n’existe qu’une seule équipe féminine. «Le niveau est extrêmement faible», regrette Alenezi. C'est pourquoi elles ont choisi de devenir arbitres et ne dirigent que des matchs masculins – un avantage, selon elles: «Cela nous pousse à progresser sans cesse.»

Qu’est-ce qui les attire dans ce métier? «Tout», répond Al-Naseem. Alenezi complète:

«Ce n’est pas toujours facile et on se met parfois une énorme pression. Mais on aime le défi que ce rôle représente.»
Les deux arbitres koweïtiennes sont globalement bien accueillies en Suisse.
Les deux arbitres koweïtiennes sont globalement bien accueillies en Suisse. image: Severin Bigler

Elles ont commencé il y a une dizaine d’années, à un niveau modeste. Rapidement, elles ont franchi les étapes. «Parfois, on se dit qu’on n’y arrivera pas, qu’on ne sera pas retenues pour les Mondiaux. Et puis vient la nomination, et là, on donne tout pour s’améliorer», raconte Maali Alenezi.

«Quand on a un match à arbitrer, nos employeurs nous libèrent pour que l’on puisse y aller»

Le duo koweïtien était à nouveau à l'œuvre ce samedi soir, en Argovie, lors du match de deuxième division entre Baden-Endingen et SG Wädenswil/Horgen.

Adaptation en français: Yoann Graber

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