Cet athlète trans suisse a tourné le dos aux JO
Nous sommes le 25 juillet 2021 lorsque Lionas Brändle vit l’un des plus grands moments de sa carrière sportive. A 20 ans, il participe aux Jeux olympiques de Tokyo en kayak monoplace, sous le nom de Naemi Brändle, et donc dans la catégorie féminine. Originaire de Steckborn, dans le canton de Thurgovie, il améliore sa performance en deuxième manche, se qualifie pour la demi-finale et se classe finalement à la 18e place.
Swiss Canoe écrivait alors sur son site que Brändle faisait partie de ses espoirs pour les Jeux olympiques de Paris 2024. L’athlète déclarait: «J’ai la meilleure vie que je puisse imaginer». A l’époque, le spécialiste du slalom ambitionnait de se rapprocher de l’élite mondiale, et de remporter un jour une médaille olympique, peut-être en France.
Le goût du sport de haut niveau s’est éteint
Nous sommes à l’été 2025. Rendez-vous est pris dans un café de la ville de Bâle. Quatre années se sont écoulées depuis Tokyo. Quatre années durant lesquelles tout a changé. Lionas Brändle a mis un terme à sa carrière sportive et s’est construit une nouvelle vie dans la cité rhénane.
Après Tokyo, Brändle remettait de plus en plus en question le sens de sa pratique à haut niveau. Peu à peu, le doute s’est installé quant à sa volonté de continuer à ce rythme. Ce n’est pas que son sport ne lui procurait plus de plaisir. Il ne lui était pas non plus étranger. «C’était toujours méga cool», confie-t-il avec du recul. Mais à cette période, d’autres aspects de sa vie gagnaient en importance.
Brändle, une personne dotée d’un sens aigu de la justice, se sentait gêné par les blagues grossières, misogynes et queerphobes. Il avait également du mal avec les «structures patriarcales profondément ancrées» dans le sport de haut niveau, comme il le formule lui-même. Peu à peu, il s’intéresse de plus en plus au féminisme, au sexisme ordinaire et aux questions queer.
Parallèlement, il prend conscience qu’il avait été une erreur de lui assigner le sexe féminin à la naissance. Le genre est une construction qui, selon lui, n’a aucun sens à plusieurs niveaux, notamment sur le plan personnel. C’est pourquoi Lionas Brändle se sent plus à l’aise avec le terme générique «non binaire» plutôt qu'avec la désignation «homme». Cependant, qu’on le perçoive aujourd’hui comme un homme ne le gêne pas.
Il souhaite l’introduction d’un troisième genre
Le genre des personnes non-binaires n’est pas juridiquement reconnu en Suisse. Cela dérange Brändle. C’est pourquoi, avec d’autres personnes, notamment l’organisation Transgender Network Switzerland, il milite pour l’introduction d’un troisième sexe légal. «J'ai changé, mais le fait que je sois transgenre n'est pas un changement. Je l'ai toujours été.»
Brändle ne s’identifie ni comme homme ni comme femme, mais précise: «Ça me va qu’on me perçoive comme un homme et qu’on utilise le pronom "il" quand on parle ou écrit à mon sujet».
Lionas Brändle a finalement décidé de mettre fin à sa carrière sportive deux ans après les Jeux, expliquant que cela ne lui convenait tout simplement plus. Autrefois, il suivait dix à douze séances d’entraînement par semaine, et son agenda était entièrement consacré au sport. Mais Brändle tient à souligner: «Mon coming-out et ma retraite sportive ne sont pas liés. Être trans aurait même dû être une raison pour continuer et militer afin que les personnes trans puissent participer au sport de haut niveau».
Il ne rame plus que pour le plaisir
Le sport est désormais devenu un simple hobby. Lionas Brändle ne pratique plus le kayak en compétition, mais uniquement pour le plaisir. Il dirige également des camps pour jeunes talents de manière occasionnelle. «Ce serait dommage de ne pas transmettre mon vaste savoir aux jeunes», confie-t-il.
Sa vie se fait désormais à Bâle. Lionas Brändle étudie la philosophie ainsi que la langue allemande, et il envisage un avenir en tant qu’enseignant. Ses priorités ont changé, son quotidien est différent. Mais est-il comblé? «Il y a quelques années, lorsque je disais que je menais la meilleure vie imaginable, c’était vrai à 100%», répond-il, avant d’ajouter: «Je peux dire la même chose aujourd’hui».