Deux mi-temps de 30 minutes, touches jouables au pied, changements illimités et expulsion temporaire de 5 minutes en cas de carton jaune: ce «football 2.0» a été testé cette semaine par la Fédération internationale lors d'un tournoi U19 entre Bruges, l'AZ Alkmaar, le PSV Eindhoven et Heerenveen (qui a remplacé Leipzig).
La compétition, baptisée «Future of Football Cup», était organisée par Red Bull et ESPN, deux multinationales qui joueront forcément un rôle dans le football de demain.
Pour se faire une idée de ce à quoi pourrait ressembler un match à l'avenir, on a regardé AZ Alkmaar-Bruges dimanche (et on n'aurait peut-être pas dû).
Le premier choc intervient dès le début du match, en observant le panneau d'affichage à 30:00. Un chronométrage décroissant dont on n'a absolument pas l'habitude dans le football. Au fil du match, le temps s'écoule, à l'envers, et s'arrête, en fonction des arrêts de jeu.
Au final, la première mi-temps aura duré 44 minutes (30 minutes de jeu + 14 minutes d'arrêt) contre 47 minutes (30 minutes de jeu + 17 minutes d'arrêt) pour la seconde période. Un temps de jeu finalement similaire à celui qu'on observe dans les grands matches. Résultat final: 6-0 pour Alkmaar.
C'est peut-être la moins pire des idées puisque le rythme du match est moins haché. Cette nouvelle règle pourrait aussi empêcher les fins de rencontres houleuses où l'équipe en tête perd un temps fou pour garder son avantage.
Pour éviter de se mettre à dos les plus puristes, la FIFA pourrait toutefois envisager de garder un chronométrage croissant. Le résultat serait identique, mais la révolution serait moindre.
Il faut rappeler que ces changements, s'ils sont adoptés par la FIFA et son board, s'appliqueront à tous les niveaux du football. Il faudrait donc sensibiliser arbitres et joueurs jusqu'en 5e ligue, ce qui nous parait compliqué.
Les touches à la main font partie de l'histoire du football. Que ce soit pour ces cacahuètes expédiées dans la surface, pour ces longues hésitations lorsque «personne ne bouge le long de la ligne» ou pour ces incroyables buts inventés par des artistes de la touche.
On touche donc ici à une règlementation profonde. Une phase de jeu travaillée par les footballeurs à l'entrainement. Toutefois, ces touches à la main sont souvent remplacées à l'entrainement par des remises au pied pour mettre du rythme dans les petits matchs. Ce rythme supérieur, on l'a fortement ressenti lors du match Bruges - AZ U19.
Les jeunes joueurs belges et hollandais ont donné l'impression de s'être vite habitués à cette nouvelle norme. La plupart du temps, ils ont joué rapidement en une touche vers l'arrière. Cette nouvelle règle s'accompagne par ailleurs de la possibilité pour le joueur de garder le ballon pour lui-même. Une option également largement utilisée par les Hollandais et les Belges. Cette variante parait limitée à deux touches de balle (une pour pousser le ballon et une pour le lâcher par un centre ou une passe). C'est ce que l'on croyait jusqu'à la fin du match où un joueur de Bruges a effectué trois touches sans se faire réprimander par le corps arbitral.
De ces touches au pied pourraient découler une nouvelle phase de jeu dangereuse pour les équipes. Une sorte de coup de pied arrêté qui pourrait potentiellement amener des goals, beaucoup de goals.
Mais si ces remises amènent du rythme, on n'est pas convaincu par le concept. Ces nouvelles touches nous donnent vraiment l'impression d'assister à un match d'entrainement, ou pire, à un match de foot-salle. Pour nous, c'est non.
Difficile honnêtement de juger ce point sur cette partie. Les deux équipes ont en effet effectué un nombre de changements plutôt rationnel pour un match de préparation. Et puis, on est déjà habitué aux brassages lors des matchs amicaux, quand les entraîneurs testent leur effectif.
Cela dit, on accueille cette mesure avec scepticisme. Les points négatifs sont nombreux:
En allant chercher assez loin, on peut toutefois trouver trois points positifs :
Soyons clairs: c'est l'une des pires idées de l'histoire. Une initiative qui dénature complètement le football.
Lors du match Bruges-AZ, les Belges se sont fait largement dominés en première mi-temps sauf lors des 5 dernières minutes où ils ont évolué à 11 contre 10.
La deuxième mi-temps a été encore pire, Bruges et l'AZ évoluant en supériorité numérique à tour de rôle. C'était n'importe quoi. Qu'on laisse la notion de «power-play» au hockey, par pitié!
On a eu également le droit à des interviews des joueurs suspendus sur la touche en hollandais. Une overdose de contenu médiatique où l'on a distingué les questions et les réponses bateaux. Un concept certainement en phase d'observation par la chaine américaine ESPN (co-organisatrice du tournoi). Ce contenu pourrait même être réservé aux utilisateurs «premium» de la plateforme diffusant le match. Une «américanisation» du football très inquiétante.
Vous avez donc certainement deviné que cette dernière variante ne nous plait pas vraiment non plus. Elle dénature beaucoup trop le football et le déroulé d'un match.
L'introduction d'une suspension temporaire pour anti-jeu pourrait être envisageable et réduire les mauvais gestes. Mais ce n'est pas vraiment le chemin que semblent emprunter les grands dirigeants du football mondial, dont on peut légitimement questionner les intérêts à la vue du spectacle proposé dimanche.
Si vous souhaitez vous aussi vous faire une idée, voici l'intégralité de la partie à laquelle nous avons assisté. Sortez les mouchoirs! 😭