Il y a des entraîneurs qui se présentent devant les caméras de télévision après une lourde défaite et qui affirment: «J'ai vu des choses positives». Ce qu'ils pensent, mais ne disent pas, va davantage dans le sens d'une «performance catastrophique». Nous entendons des entraîneurs qui, lorsqu'on leur demande comment sortir de la spirale négative après une cinquième défaite consécutive, répondent: «Nous devons continuer à travailler dur». Ce qu'ils déclarent en off lorsque les caméras de télévision sont éteintes ressemble plutôt à: «Nous avons besoin de renforts, tu ne peux rien gagner avec cet effectif».
Cette manière de donner des réponses molles s'est répandue comme un virus. Il ne faut surtout pas se faire remarquer, ou dire ce que l'on pense et ce que l'on ressent. Les discours sont devenus aseptisés. Les remplaçants aimeraient jouer, mais ils comprennent parfaitement les choix du coach, et le respectent. Celui qui réalise un coup du chapeau est juste heureux d'avoir pu aider l'équipe. Tout cela n'est que du vent. Le héros d'un match est un héros, se sent comme tel et a le droit de le faire savoir.
C'est pourquoi il est agréable de voir que dans ce flot de diplomatie, il existe encore des exceptions comme l'entraîneur de Lucerne: Mario Frick. Il est bien sûr impitoyable lorsqu'il dit: «Je n'ai encore jamais vu une prestation aussi embarrassante» ou «J'ai dit à l'équipe que c'était la première fois que j'avais honte d'être l'entraîneur». Des propos lourds de sens.
Exprimer une chose dans le vestiaire et une autre devant les caméras de télévision ne facilite pas la tâche des joueurs. Ils se demandent alors et à juste titre ce qu'il en est réellement. Avec Frick, ils savent à quoi s'en tenir. Et comme le FC Lucerne n'est pas trop mal placé au classement, c'est aussi le bon moment pour réveiller cette jeune équipe.
Beaucoup craignent que la génération actuelle ne soit brisée par des remarques aussi sévères. Ils demandent donc une approche prudente. Mais les joueurs talentueux savent depuis l'adolescence que le football n'est pas un sport sentimental. Ils se battent en permanence depuis l'âge de 12 ou 13 ans pour leur place et apprennent à gérer la critique. C'est pourquoi l'éruption de Frick ne déstabilisera pas les Lucernois, surtout s'il parle de manière constructive avec ses joueurs. D'ailleurs, il a déjà souligné que cette prestation pitoyable relevait de sa responsabilité.
Dimanche après-midi, Mario Frick a montré que les émotions pouvaient influencer nos pensées et nos actions. Des phrases crues ont jailli sans filtre après la défaite décevante de son équipe. Il n'a jamais eu «autant honte» de ses joueurs. Il a parlé de la «performance la plus embarrassante» à laquelle il a assistée. C'était «un football de faible niveau».
Frick était à la merci de ses émotions. Il ne faisait que battre la mesure et on peut le comprendre. Qui d'entre nous aimerait, après une performance émotionnellement éprouvante, être poussé devant une caméra pour dicter son ressenti? Personne. Mais se présenter devant la télévision fait partie du jeu, et surtout du métier d'entraîneur.
Ce qui compte réellement, ce sont les conséquences de ses critiques et les processus enclenchés dans l’esprit de ses cadres. A une exception près (le gardien remplaçant Vaso Vasic), les joueurs du FCL appartiennent à la Gen Z. Savoir si ce groupe peut être dirigé par la carotte et le bâton est une question idéologique à laquelle il doit répondre lui-même. En revanche, ce que l’on peut dire avec certitude, c’est que si un entraîneur dénonce publiquement ses joueurs, cela peut mettre la relation à rude épreuve. D’ailleurs, la vie quotidienne nous enseigne que les explosions émotionnelles sont généralement contre-productives.
Parce qu’un formateur travaille avec de jeunes joueurs, il doit potentiellement s’attendre à des échecs totaux et inexpliqués. Le coach n’aurait pas dû réagir de manière aussi consternée à Sion. Il s'attendrait à un adversaire très agressif. Ce n'est pas comme si le FCL avait marché sur toute la ligue dans un passé récent. Il y a eu une victoire au cours des six derniers matchs, contre GC menacé par la relégation. Frick avait qualifié cette rencontre de «sale» victoire, durant laquelle beaucoup de choses n’avaient pas été bonnes. Quiconque s’attendait à une rencontre de gala du FC Lucerne à Sion n’a guère le sens des réalités.
Il n’y avait pas à dramatiser inutilement l’épisode valaisan, car il est probable que rien n'ait été cassé dimanche sur la pelouse. Un peu plus d’autocritique de la part du coach aurait été de mise.