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Interview

Christoph Spycher, directeur d'YB: «Je voulais du changement»

Christoph Spycher pose dans un hôtel de Saanen, là où les Young Boys s'entraînent en vue de la nouvelle saison.
Christoph Spycher pose dans un hôtel de Saanen (BE), là où les Young Boys s'entraînent en vue de la nouvelle saison.photo: claudio thoma/ch media
Interview

«Je me suis demandé si moi aussi, je risquais de finir épuisé»

Après quatre titres consécutifs, Young Boys a été détrôné par le FC Zurich. Christoph Spycher, son directeur général, parle de changement et de surmenage.
06.07.2022, 06:5007.07.2022, 18:33
Etienne Wuillemin et François Schmid-Bechtel / ch media
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L'annonce est tombée peu après la fin de la saison: Christoph Spycher n'est plus le directeur sportif des Young Boys. Une démission? Un limogeage? Au contraire! Spycher, qui a fêté ses 44 ans en mars, est le tout nouveau responsable général du sport à YB et il reçoit du renfort: Steve von Bergen, nouveau directeur technique, sera désormais en charge de la première équipe.

Vous avez été directeur sportif d'YB pendant presque six ans. Avez-vous vécu en permanence sous pression?
CHRISTOPH SPYCHER
: Quand on joue un match tous les trois ou quatre jours et qu'en même temps, la fenêtre de transfert est ouverte, on doit vraiment travailler d'arrache-pied. On passe d'un monde à un autre. Téléphone ici, négociation là, match là. La cadence est très élevée.

Est-ce la dernière équipe des Young Boys que vous constituez?
Ce travail était et reste un travail d'équipe. Il y a plusieurs raisons pour lesquelles j'ai décidé de rejoindre le conseil d'administration et la commission des sports.

Lesquelles, concrètement?
Nous voulons et devons renforcer le sport. Avec Steve von Bergen, nous avons désormais une personne qui peut s'occuper de la première équipe 24 heures sur 24. Ces dernières années, le carrousel des transferts s'est accéléré. Cela a eu pour effet que, pendant un stage d'entraînement, je me suis envolé deux jours à Paris et peu après deux jours à Bruxelles pour mener des négociations. Je veux me concentrer sur le développement de notre stratégie sportive. Ce sont des choses qui sont totalement négligées lorsque, en tant que directeur technique, on est pris par le quotidien et qu'on n'a plus aucune distance.

Steve von Bergen, Filip Ugrinic, Christoph Spycher YB Young Boys
Steve von Bergen (à gauche) et Christoph Spycher présentent Filip Ugrinic (au centre).photo: BSC YB

Avez-vous souhaité changer de poste parce que vous étiez surmené? En d'autres termes, auriez-vous prolongé votre contrat jusqu'en 2025 en tant que directeur sportif?
Changer était ma volonté. Pas pour des motifs égoïstes, mais parce que je suis convaincu que c'est juste et important pour YB. Les six dernières années m'ont apporté beaucoup de bonheur. Je n'ai jamais eu l'intention de poursuivre à ce poste pour les 20 prochaines années. Mais je n'aurais jamais laissé tomber YB.

Nous connaissons tous le cas de Max Eberl, qui a dû abandonner son poste de directeur sportif à Mönchengladbach parce qu'il était complètement épuisé. Vous êtes-vous déjà retrouvé dans cette situation?
Bien sûr, je me demande toujours où en est ma santé physique et psychique. Mais je n'ai jamais atteint le point de me sentir sans force ni énergie. Cela dit, quand on découvre un cas comme celui d'Eberl, on se demande comment on peut en arriver là et si cela pourrait nous arriver aussi. Je pense qu'il est important de se poser ce genre de questions.

epa08497354 Moenchengladbach's sports director Max Eberl gives an interview prior to the German Bundesliga soccer match between SC Paderborn 07 and Borussia Moenchengladbach in Paderborn, Germany ...
Max Eberl a démissionné du Borussia Mönchengladbach fin janvier 2022 pour cause d'épuisement.photo: keystone

Pourquoi Sandro Burki, par exemple, peut-il assumer seul le poste de directeur sportif du FC Aarau, alors que vous avez besoin de plusieurs collaborateurs?
Le cahier des charges est extrêmement vaste. Et l'horaire minuté. Un jour, ou même une heure, peut tout changer. A YB, je dois représenter le sport auprès de tous les autres domaines: politique, sécurité, sponsoring, etc. C'est un job dans lequel des problèmes peuvent surgir à tout moment. Il est clair aussi que plus il y a d'argent, plus la structure est grande.

«Lorsque nous jouons à Manchester United, nous envoyons une collaboratrice en reconnaissance. Quand Manchester joue chez nous, il envoie sept personnes»

Vraiment?
Oui. Prenez notre équipe de scouting: nous avons Stéphane Chapuisat, mais aussi un recruteur à temps partiel et nous sommes encore obligés de faire appel à des jeunes pour la détection de talents. En comparaison, le Bayern Munich emploie environ 30 scouts. Plus un club est haut placé dans la hiérarchie, plus les émotions sont fortes et plus elles doivent être sous contrôle, ce qui nécessite du personnel.

Pourquoi les Young-Boys n'ont-ils pas été très bons la saison dernière?
Il y a plusieurs raisons. Je divise la saison en deux moitiés. J'ai pu souscrire aux performances du premier tour. Mais au second, nous avons perdu toute dynamique. Brusquement, le fait que de nombreux joueurs vivaient une crise sportive pour la première fois a commencé à peser. Parce qu'ils n'avaient jamais vécu l'expérience de se faire taper dessus semaine après semaine.

Quels effets sur ces joueurs?
La situation les a préoccupés, ils ne sont pas du tout restés insensibles aux critiques. Ils ont souffert et ont perdu beaucoup de confiance en eux. Pour la première fois, nous étions dans une situation où nous ne pouvions que perdre. Le championnat était fichu, la qualification en Ligue des champions aussi, il ne restait plus qu'à éviter la catastrophe et atteindre au moins la Conference league. Mais en vue de cette saison, ces expériences nous ont fait du bien.

Vous avez vous-même toujours dit: «Cela me fait du bien, à moi aussi, de vivre parfois une crise sportive». Avec le recul, auriez-vous préféré vous en passer?
Bien sûr, c'est toujours plus agréable d'être du bon côté de la barrière. Mais nous savions qu'un jour ou l'autre, ce mauvais moment arriverait. Tout simplement parce que cela fait partie du business. Mais cette dernière saison ne m'a pas complètement déstabilisé.

Dans quelle mesure la crise vous a-t-elle fait progresser?
Je suis fier que nous ayons réussi à la traverser en restant unis. La base de nos années de succès est stable. Il n'y a pas eu de panique, pas d'agitation en interne, nous sommes restés lucides et nous avons quand même pu aborder les problèmes frontalement sans que nos discussions ne soient rendues publiques. Il s’est avéré que le succès avait masqué certaines carences. La crise nous a permis de constater que nous devions changer un ou deux trucs dans l'équipe.

«Nous avions besoin de joueurs qui possèdent un leadership, qui incarnent la volonté absolue de gagner et qui ont parfois un petit côté méchant sur le terrain. Ce sont des éléments que nous avons essayé d'ajouter»

Cédric Itten, Filip Ugrinic et Donat Rrudhani sont arrivés. Est-ce un renouvellement suffisant? Vous auriez pu apporter davantage de changements.
On peut le voir ainsi. Mais ces dernières années, le gros de l'équipe s'est qualifié deux fois pour la Ligue des champions, a remporté quatre titres de champion et une victoire en Coupe. Ce n'est pas comme si ces joueurs ne savaient plus jouer au football du jour au lendemain. Nous avons tous été dépassés par certains événements la saison dernière. Mais il y a de très nombreux joueurs à YB qui ont une mentalité de pros, nous ne voulons ni les remplacer ni les perdre.

YBs Cedric Itten, reagiert waehrend dem 17. Burkhalter-Cup zwischen den BSC Young Boys und dem Yverdon-Sport FC, am Mittwoch, 22. Juni 2022 auf dem Sportplatz Spitalacker, in Bern. (KEYSTONE/Anthony A ...
Cedric Itten renforce l'attaque des Young Boys.photo: keystone

Vous avez dû souvent entendre que vous avez bradé vos ambitions pendant le mercato hivernal. Comment avez-vous vécu ces reproches?
Lorsque vous travaillez dans le football, en tant que joueur, mais surtout en tant qu'entraîneur ou directeur sportif, vous êtes en première ligne pour les critiques. Vous devez vivre avec le fait que beaucoup de gens savent mieux que vous ce qu'il aurait fallu faire ou ne pas faire. Surtout si le succès n'est pas au rendez-vous. Pour moi, ce n'est pas un problème. En ce qui concerne les transferts, nous avions des plans avec tous les joueurs. A cause du Covid, il y a eu une accumulation de transferts en été, qui s'est atténuée en hiver. Prenons l'exemple de Michel Aebischer: dès l'été, nous nous attendions à ce qu'il nous quitte. Mais il n'y a pas eu d'offre. En hiver, il y a tout à coup eu un appel d'air. Et il faut relever aussi que nous étions déjà nettement derrière le FC Zurich au classement.

On a eu l'impression qu'il manquait la rage de vaincre. Pourquoi? Les joueurs étaient-ils repus après quatre titres de champion? Leurs salaires sont-ils trop confortables?
Non. Il est clair que nous offrons aujourd'hui de bonnes conditions salariales. Mais nos joueurs raisonnent tout autrement. Beaucoup rêvent d'évoluer à l'étranger. Ils ne pensent pas du tout: «Je suis heureux et peinard en ce moment à YB, j'espère y rester encore quatre ans».

Qui est responsable de ramener la flamme dans l'équipe? Nous tous! Nous avons maintenant fait l'expérience qu'il n'est pas tout à fait normal d'enchaîner des titres de champion. Cela nous pousse à revenir sur le devant de la scène. Mais il n'y a pas de bouton sur lequel appuyer pour que tout s'arrange.

Qu'est-ce qui vous fait penser que le nouvel entraîneur Raphael Wicky va réussir ce redressement?
Ce que j'ai vu jusqu'à présent me convainc beaucoup. Il travaille avec beaucoup d'énergie, de manière très méticuleuse. Il est très exigeant envers les joueurs et les pousse. En même temps, il a un bon ton, une bonne intuition pour les différentes situations. Son parcours est extrêmement riche, il a accumulé une solide expérience pendant ses années chez les juniors. Ensuite, à Bâle, il a occupé son premier poste professionnel, puis en Amérique comme entraîneur de l'équipe nationale et à Chicago. Il tire maintenant profit de ce bagage.

YBs Trainer Raphael Wicky, Mitte, YBs Co-Trainer Zoltan Kadar, links, und YBs Goalietrainer Christoph Born, rechts, reagieren, waehrend dem 17. Burkhalter-Cup zwischen den BSC Young Boys und dem Yverd ...
Raphael Wicky est le nouvel homme fort du banc de touche.photo: keystone

Une dernière question très simple: le titre sera l'objectif, n'est-ce pas?
Ce qui est clair, c'est que nous voulons à nouveau le gagner. Que nous allons tout faire pour revenir devant. Le soleil ne brille pas sur la troisième place. Mais l'objectif de la saison sera défini par Wicky et von Bergen. Au final, c'est très simple: on peut encore parler longtemps du titre, mais celui qui le veut doit le montrer sur le terrain, et tous les jours, dès le début de l'entraînement, pendant la préparation, lors de chaque match amical et lors de chaque match officiel. Si on y arrive, on aura nos chances. Sinon pas.

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