Tous les amoureux de tennis ont tremblé le 15 août dernier. La cause de ces tressaillements: une vidéo de Roger Federer postée sur Instagram. Le «Maître» y annonçait qu'il subirait une nouvelle opération à son genou droit – la troisième depuis le début 2020 – et qu'il serait éloigné des courts pour plusieurs mois. Pour toujours?
Non. C'est en tout cas ce que laisse espérer le message plein d'optimisme lancé par le Bâlois lundi, lors d'un événement avec un sponsor.
Balayée donc, la crainte de voir Roger Federer mettre un terme à sa carrière sur un cinglant 6-0 encaissé le 7 juillet en quart de finale de Wimbledon, son jardin. Ce jour-là, il avait subi la loi du Polonais Hubert Hurkacz en trois petits sets, dans ce qui restera peut-être le seul match où le Bâlois a fait de la peine aux spectateurs tant il était dépassé.
Très discret sur la nature exacte de sa blessure, Roger Federer n'a pas donné plus de détails sur la date de son retour – «dès que possible» – sur le Circuit.
Une opacité bienvenue pour le médecin du sport Boris Gojanovic, qui ne voit «aucun point positif pour les athlètes à exprimer en public des informations sur leurs blessures» et qui déconseille à ses clients de le faire. Le spécialiste basé à l'Hôpital de La Tour à Meyrin (GE) ne sait pas non plus de quoi souffre exactement le tennisman bâlois, mais planche pour des lésions du cartilage et du ménisque. Il juge possible un retour de Roger Federer à l'Open d'Australie (17 au 30 janvier 2022):
Boris Gojanovic met toutefois en garde sur ces prédictions, établies à partir de données sur des gens de condition physique moyenne et qui «ne valent parfois plus rien avec des athlètes de très haut niveau».
Comme d'habitude, le rendez-vous de Melbourne se jouera sur surface dure. Un problème pour des articulations meurtries? Non, selon le médecin du sport. «La terre battue est moins traumatisante pour les articulations, analyse Boris Gojanovic. Mais les échanges sont plus longs. Au final, c’est la pire surface de toutes. Sur les surfaces rapides, comme le dur, les articulations sont en souffrance, mais il y a plus de chances de conclure le point rapidement. Federer devra donc être offensif et ne pas subir le jeu.»
Seule certitude pour l'instant: Federer a en ligne de mire la Laver Cup 2022 (l'édition 2021 se dispute ce week-end à Boston), qui aura lieu à Londres.
Et puis forcément, dans un coin de sa tête, il y a cette course au record de titres du Grand Chelem. Le Bâlois en est à 20, le même nombre que ses deux rivaux historiques Rafael Nadal et Novak Djokovic.
Pour Yannick Fattebert, ancien entraîneur de Stan Wawrinka, aucun doute: les Majeurs seront au centre du calendrier 2022 de Federer. «Ces gars-là sont taillés pour les Grands Chelems, c'est leur objectif principal», assure le Valaisan. Il a coaché Wawrinka de 2012 à 2019, soit amplement assez pour savoir que ces événements sont addictifs. «Les joueurs et leur staff ont envie de retrouver ces grosses ambiances. Très peu de gens ont la chance de connaître les émotions qu'elles procurent, de la tension d’avant-match à l'explosion de la victoire.»
Si Federer regoûte à ces folles atmosphères, il ne le fera pas en dilettante. «Avec un tel état d’esprit de compétiteur et un passé de gagneur, c’est impossible d'y aller que pour faire de la figuration», tranche Benjamin Dracos. Le directeur du Elle Spirit Open de Montreux, ancien numéro 561e mondial, a côtoyé de nombreux champions sur le Circuit. «C’est dans leur ADN de voir loin dans un tournoi, même quand ils disent en conférence de presse qu’ils prennent match après match», rigole-t-il.
Le constat du Dr Gojanovic témoigne aussi de cette volonté, cette obsession du Bâlois, de retrouver la compétition à très haut niveau:
A quoi bon ruiner sa santé pour simplement tapoter la balle ou faire un dernier tour de piste sous les projecteurs? D'autant plus pour un athlète de 40 ans qui n'a plus rien à prouver et qui pourrait très facilement se reposer sur ses lauriers sportifs et financiers.
Mais vouloir est une chose, pouvoir en est une autre. Pour être de nouveau compétitif au plus haut niveau, Roger Federer va devoir trouver un subtil équilibre: enchaîner les matchs pour reprendre confiance et renforcer sa résistance, tout en ménageant son genou. «Sur un match, il peut battre tout le monde, s'avance Benjamin Dracos. Mais j’ai des doutes sur sa capacité à aligner les victoires. Le circuit change vite ces derniers temps, avec de nouveaux venus au top niveau qui auront moins peur de Roger que par le passé.»
Sans compter que le Bâlois, actuel neuvième joueur mondial, va encore perdre des plumes au classement d'ici la fin de l'année. Conséquences: il ne fera plus partie des meilleures têtes de série et devra donc se frotter tôt dans les tableaux à d'autres cadors.
Des défaites précoces dans les grands tournois? Clairement pas l'idéal pour retrouver le rythme et la confiance. Le risque existe, et il amène Benjamin Dracos et Yannick Fattebert à penser que Federer pourrait être tenté de jouer à certains moments de la saison davantage de tournois estampillés ATP 250, autrement dit des «petits» tournois.
Mais le Bâlois reste un joueur à part, qui a montré qu'il pouvait être très performant – 1/8e de finale à Roland Garros et 1/4 à Wimbledon – malgré qu'il ait si peu joué ces derniers mois. Les plus optimistes de ses fans se rappelleront qu'il avait remporté l'Open d'Australie 2017 après six mois de pause forcée...