Elles sont inoubliables, les images de Belinda Bencic tombant dans les bras de son petit ami Martin Hromkovic juste après avoir été sacrée championne olympique à Tokyo. En plus d'être le compagnon de la tenniswoman, l'ancien footballeur slovaque (40 ans) est aussi son préparateur physique. Et il est à l'origine de son succès.
Gérer une telle relation n'est pas forcément évident. Belinda Bencic nous explique, dans cette interview exclusive pour le groupe CH Media (dont watson fait partie) comment son copain et elle s'y prennent.
Belinda Bencic, votre préparateur physique Martin Hromkovic est aussi votre petit ami. Quels avantages cela présente-t-il pour vous et pour votre relation?
BELINDA BENCIC: Martin veut ce qu'il y a de mieux pour moi, tant sur le plan privé que sportif, et j'ai entièrement confiance en lui. Il me soutient à cent pour cent dans ce que je fais, il est incroyablement professionnel et fait tout pour ma santé et ma forme physique.
Pour les joueurs de tennis professionnels, les relations sont difficiles parce que nous sommes souvent en déplacement. C'est donc un avantage que Martin puisse être présent. De plus, il a lui-même été sportif, plus précisément footballeur. Il comprend ce dont j'ai besoin, quand je suis nerveuse ou tendue. C'est un grand avantage.
Etre en couple dans la vie privée et travailler ensemble dans la vie professionnelle comporte aussi des défis. Comment séparez-vous les deux choses?
C'est une question difficile, je n'ai pas non plus de recette miracle pour une bonne relation. Nous sommes ensemble depuis quatre ans maintenant, et tout s'est fait et développé très naturellement.
C'est logique que nous parlions alors aussi de tennis, d'entraînement physique ou de thérapie. Mais je lui fais confiance dans ce qu'il fait. Et Martin arrive très bien à déconnecter. Il y a une vie à côté du tennis que nous pouvons apprécier ensemble.
A quoi ressemble-t-elle, justement?
Nous nous intéressons au sport en général, nous regardons les matchs de football, nous aimons voyager et visiter les villes où nous sommes. Nous avons une vision du monde similaire, ce qui est très important pour moi, et nous avons des amis communs, ce que je considère comme un privilège.
En étant en couple et en travaillant ensemble, vous passez énormément de temps les deux. Comment faites-vous pour vous créer des espaces de liberté?
Oui, nous passons déjà beaucoup de temps ensemble, mais ça ne nous dérange pas beaucoup. Bien sûr, l'espace personnel est très important.
Et parfois, je suis seule sur les tournois. Il y a des moments où nous prenons des chemins différents. Je trouve formidable que Martin ait aussi une vie professionnelle à la maison avec d'autres clients. Nous avons aussi emménagé ensemble assez rapidement, c'était bien sûr un grand pas.
Quand vous êtes à l'hôtel, beaucoup de contraintes disparaissent. À la maison, il faut faire les courses, la lessive et le ménage. Comment vous répartissez-vous les tâches?
Martin m'aide beaucoup...
... ça signifie que c'est vous qui décidez?
Je suis la cheffe du ménage, je fais la lessive, la cuisine, le nettoyage et le rangement. Martin s'occupe du jardin, de la piscine ou du garage. Les «trucs de mecs», disons. Mais qu'on ne se fasse pas une fausse idée: si je m'absente une semaine, Martin se débrouille très bien et il n'y a pas de chaos dans la maison. Il a tout sous contrôle. Mais si je suis honnête, je préfère que ce soit moi qui le fasse (rires).
En tant que préparateur physique, Martin figure également parmi vos salariés. Qu'est-ce que ça vous fait de rémunérer votre petit ami?
C'est assurément difficile, mais nous parvenons à bien séparer les deux. Je peux dire sans problème: "C'est ton travail, tu es payé pour ça." Et j'ai l'impression que c'est ok pour lui. Quand nous sommes en tournoi avec toute l'équipe, c'est moi qui paie. Martin a dû s'y habituer, mais nous nous sommes adaptés. Lorsque nous sommes à deux ou à la maison, que nous avons une relation de couple normale, nous payons chacun notre tour.
Depuis que vous avez commencé à vous entraîner avec Martin il y a quatre ans, vous faites partie des joueuses les plus en forme et vous êtes nettement moins souvent blessées. Il n'a jamais demandé d'augmentation de salaire?
L'avantage, c'est que nous nous sommes mis en couple alors que nous travaillions déjà ensemble. Nous avions donc déjà un contrat dans lequel tout était réglé.
Et ce n'est pas comme si je versais l'argent directement à Martin. C'est mon comptable qui lui verse son salaire. Je suis consciente qu'il s'agit d'une situation particulière, mais pour moi et dans le tennis, c'est plutôt la règle que l'exception.
Comme championne olympique, vous êtes une star et recevez de temps en temps des déclarations d'amour sur les réseaux sociaux. Qu'en est-il de la jalousie?
Je ne lis pas beaucoup de messages et je n'y réponds pas. Martin est conscient que je reçois de tels messages et il les voit aussi, mais il gère ça de manière très détendue. Nous n'avons pas de secrets l'un pour l'autre. Il y a des fous sur le net, mais aussi de beaux messages. A l'inverse, je sais que lui aussi reçoit des messages, et je ne suis pas jalouse non plus. Ce n'est donc pas un thème entre nous.
Sur les tournois, vous n'êtes généralement que trois: Martin, votre entraîneur Sebastian Sachs et vous. A Wimbledon, c'est différent. Votre impression?
D'une manière générale, je préfère être en trio, c'est-à-dire avec Basti (réd: Sebastian Sachs) et Martin. Quand c'est un groupe plus grand, l'alchimie doit fonctionner, chacun doit trouver son rôle. Quand on vit ensemble, on doit pouvoir s'isoler. Ici, c'est très cohérent, c'est un beau changement, ça me plaît.
Vous avez glissé en finale à Berlin et vous souffrez d'une contusion du tendon d'Achille. Comment vous sentez-vous?
Ça pourrait être pire. Dieu merci, ce n'est pas grave. Je n'ai rien fait pendant quelques jours, j'ai essayé de ménager mon pied. Ici, à l'entraînement, ça s'est bien passé. Bien sûr, je n'ai pas encore atteint mes limites, et il aurait été préférable que je joue mardi et que je prenne un jour de repos supplémentaire. Mais je suis sûre que ça va bien se passer. Je vais jouer avec un bandage, ça m'aidera aussi à reprendre confiance en mon pied.
Vous considérez Wimbledon comme votre tournoi préféré, mais vous n'avez jamais dépassé les huitièmes de finale jusqu'à présent. Comment l'expliquez-vous?
C'est vrai que je n'ai pas eu mes meilleurs résultats ici pendant les années où je n'étais pas blessée. Parfois, pour faire un bon tournoi, il faut que tout tourne en ta faveur: de la chance avec le tirage au sort, une bonne forme au bon moment. Jusqu'à présent, ça n'a pas été le cas. Mais j'espère que ça va arriver. J'ai 25 ans et il me reste encore beaucoup de tournois de Wimbledon à disputer. J'y crois encore.
Pourquoi pensez-vous que le gazon est meilleur pour vous que les terrains en dur?
Je ne sais pas vraiment, c'est une sensation.
Mais oui, c'est vrai que j'ai de meilleurs résultats à l'US Open, ce qui est étrange. J'aime aussi jouer sur des courts en dur, mais ceux-ci sont très différents de l'un à l'autre: parfois plus rapides, parfois plus lents. Je ne peux donc pas dire que j'aime jouer sur tous les terrains en dur. Sur le gazon, oui.
Après votre sacre olympique, vous avez dit que vous n'aviez plus rien à prouver à personne. Est-ce que vous vous nourrissez toujours de ce sentiment?
Oui, absolument. Si j'arrêtais maintenant, ce serait super. J'aurais eu une superbe carrière et je n'aurais pas à me reprocher de n'avoir rien gagné de grand. Mais c'est clair qu'une victoire en Grand Chelem est toujours mon grand rêve et tant que je jouerai, je ferai tout pour que ça se produise un jour.
À quel point le fait de n'avoir pas encore gagné de tournoi du Grand Chelem vous préoccupe-t-il, quand vous voyez les joueuses qui ont réussi à le faire ces dernières années, parfois de manière très surprenante?
D'un autre côté, il y a beaucoup de très bonnes joueuses qui sont devant depuis longtemps et qui n'en ont encore jamais gagné un. Je ne peux pas forcer le destin, mais j'espère que ça viendra.
Vous êtes-vous mise parfois trop de pression à Wimbledon, parce que ce tournoi représente beaucoup pour vous?
Non, pas vraiment. J'ai été blessée plusieurs fois, ensuite il y a eu le Covid en 2020. Les années où j'ai joué, j'ai souvent atteint le troisième ou le quatrième tour, puis j'ai perdu de peu. Je n'ai pas l'impression de m'être mise trop de pression. C'est simplement que tout ne s'est pas passé parfaitement jusqu'à présent ici. Pas encore. Parce que je reste optimiste sur le fait que ça va arriver.
Adaptation en français: Yoann Graber