Son protège-dents blanc lui donne un sourire carnassier. Ses yeux vifs et écarquillés accentuent l'impression de voir un prédateur à l'affût de sa prochaine proie. Remplacez le gibier par un puck (ou un adversaire à aller plaquer contre le plexiglas) et vous obtenez une image on ne peut plus réaliste de Killian Mottet sur la glace.
Oui, le Fribourgeois est – pour reprendre une expression du jargon – un mort de faim. Couplé à un talent hors du commun, ce trait de caractère tant apprécié des entraîneurs, coéquipiers et fans est celui qui peut permettre à un club de soulever le Moléson et le Vanil Noir. Plus pragmatiquement: de remporter un quart de finale des play-off contre Lausanne et rêver d'un premier sacre national.
«Killian est une véritable bougie d'allumage», image Alain Birbaum, coéquipier à Gottéron jusqu'en 2014. L'actuel défenseur d'Ajoie enchaîne:
Alain Birbaum a encore pu s'en rendre compte le 27 janvier dernier, quand il s'est retrouvé face à son ancien collègue lors d'un match de National League. Pour son plus grand désespoir. «Killian est un joueur qu’on déteste affronter, mais qu’on adore avoir dans son équipe», complimente-t-il. «Il est emmerdant à jouer», appuie Tristan Vauclair.
Le Jurassien, désormais retraité, ne s'est jamais retrouvé dans le camp d'en face, mais il a eu tout loisir de s'en rendre compte en sept saisons passées avec le même maillot. «Certains attaquants prolifiques, comme Killian, ont des baisses d'intensité quand ils ne scorent pas, à cause d'un manque de motivation. Mais lui, jamais: il va gratter la rondelle dans les coins et travaille fort pour l'équipe, même quand elle n'a pas le puck. Il ose faire la sale besogne.»
Tristan Vauclair avoue qu'il appréhendait les petits matchs un contre un à l'entraînement face à Killian Mottet. Tout simplement parce que le numéro 71 des Dragons, en plus de son fighting spirit, a un talent hors norme, même au niveau de la National League. «Je l'ai vu dès son premier coup de patin, quand il nous avait rejoint pour les play-off de la saison 2012-2013, de retour de prêt à Ajoie», rembobine l'ancien hockeyeur.
Killian Mottet se défait de ses adversaires d'autant plus facilement qu'il bénéficie d'une excellente technique crosse en mains. Son tir puissant et précis est aussi l'un de ses atouts. «On rigole chaque fois quand on analyse Gottéron à la vidéo, parce qu'on remarque que Killian tire tout le temps, dans n'importe quelle position, quand il évolue en supériorité numérique», se marre Alain Birbaum.
Les Ajoulots ont l'œil: Mottet est le sixième joueur à avoir le plus tenter sa chance en National League cette saison, avec une moyenne de 3,51 tirs par match.
Mais surtout, à en croire son ancien entraîneur à Fribourg Larry Huras, le Marlinois a un sens du but extrêmement aiguisé. «Il est né pour marquer, c’est un vrai renard», sourit le Canadien.
S'il fait l'éloge de son ancien protégé, le technicien – qui a officié sur les bords de la Sarine pendant l'exercice 2016-2017 – explique que «Kiki» a dû parfaire certains aspects de son jeu. Et notamment son travail défensif, trop optionnel à l'époque. «Il était parfois nonchalant. Il savait qu’il avait du talent et se contentait de marquer un but de temps en temps», se rappelle Larry Huras. «Défendre n'était pas sa priorité», rigole Caryl Neuenschwander, attaquant des Dragons de 2015 à 2018. Le Neuchâtelois poursuit, avec le sourire:
Killian Mottet appartenait à cette longue liste d'athlètes extraordinairement doués, pour qui facilité rime avec oisiveté. Mais il s'en est extraite, grâce à son intelligence et aux conseils qu'il a reçus. «Il a toujours eu les oreilles grandes ouvertes et a compris l'importance de défendre. Ça lui a ouvert les portes de l'équipe nationale», se réjouit Larry Huras. Qui a aussi remarqué une évolution physique: «Killian a développé sa musculature, je le trouve plus solide aujourd'hui. On avait également travaillé là-dessus à l'époque.»
Oui, Killian Mottet a mûri au fil des ans. Un homme a été aux premières loges pour le constater: Marc Abplanalp, 20 ans de loyauté envers la défense de Gottéron. «D'année en année, il a pris de plus en plus de responsabilités et a connu une progression constante de son jeu», observe celui qui a mis fin à sa carrière pro l'an dernier.
Ces progrès ont mené le Fribourgeois à réaliser sa meilleure saison en National League l'année dernière, avec un joli total de 48 points en 50 parties de saison régulière et deux buts en play-off. Il est dans les mêmes standards pour cet exercice 2021-2022.
Ils lui ont aussi permis d'être pratiquement mis, désormais, sur le même piédestal que les idoles locales, Julien Sprunger et Andreï Bykov, sur qui ont longtemps reposé tous les espoirs du peuple fribourgeois, avide d'un premier titre.
C'est certain, il n'aurait pas autant de reconnaissance de ses pairs et du public sans une personnalité appréciable et appréciée. «Il représente parfaitement ce à quoi les Fribourgeois veulent s'identifier», résume Alain Birbaum.
Premièrement, il vient du coin. Ensuite, il est sympa. Tous nos interlocuteurs rendent hommage à «une belle personne, drôle, extravertie, tout le temps de bonne humeur et humble». En interview, les journalistes font face à quelqu'un de respectueux, à l'écoute, et dont la vivacité de la voix quand elle parle de hockey trahit sa passion pour ce sport.
Mais le numéro 71 des Dragons est loin d'être mielleux. Assurément, il a du tempérament. «Avec Benjamin Conz, ils s'envoyaient des piques au ping-pong et Killian pouvait finir par s'énerver», rembobine Caryl Neuenschwander, en se marrant.
Alain Birbaum a aussi son anecdote (et le sourire au moment de la raconter): «Lors d'un match contre Ajoie en janvier, il a voulu se mêler à une bagarre à quelques secondes de la fin, alors que Fribourg menait largement 4-1», se souvient le défenseur ajoulot. Il poursuit:
Samedi soir, les Fribourgeois auront à coup sûr besoin de cette grinta insufflée par Killian Mottet pour boucler leur série. S'ils se qualifient pour les demi-finales, l'enfant prodige de la Sarine et ses coéquipiers se blottiront encore plus dans les cœurs des supporters de Gottéron. Le LHC, lui, a encore un espoir de les briser.