En 2013, Gottéron remporte la saison régulière et n'échoue qu'en finale face au CP Berne. A la tête des Dragons: Hans Kossmann. Le Canado-Suisse, qui sera champion avec Zurich cinq ans plus tard, porte la double casquette d'entraîneur et directeur sportif. Il sera licencié le 12 octobre 2014. Depuis, Fribourg n'a pas gagné un seul titre, a remporté une seule série de play-off (la saison passée contre Lausanne) et se retrouve avec une équipe vieillissante.
Désormais, un autre homme occupe ce double mandat: Christian Dubé. L'ancien joueur est d'abord devenu directeur sportif (2015) puis entraîneur (octobre 2019). C'est la première fois depuis Hans Kossmann qu'un homme a les pleins pouvoirs sportifs à la BCF Arena. Alors le scénario de 2013 va-t-il se répéter?
Christian Dubé dispose tout juste de deux joueurs de premier plan de 25 ans ou moins: Nathan Marchon et Sandro Schmid. Les leaders, eux, sont dans le crépuscule de leur carrière. Reto Berra et David Desharnais ont 35 ans; Ryan Gunderson, Raphael Diaz et le capitaine Julien Sprunger 36. Andreï Bykov, Killian Mottet, Dave Sutter, Samuel Walser, Marcus Sörensen et Matthias Rossi ont eux aussi 30 ans ou plus.
Un constat qui amène à cette conclusion: Fribourg-Gottéron n'a plus beaucoup de temps pour fêter un premier sacre national. Mais les Dragons ont des motifs de satisfaction. A commencer par le retour de Christoph Bertschy (28 ans), l'un des meilleurs attaquants suisses, qui a signé pour sept ans. Une expérience qui fera beaucoup de bien aux pensionnaires de la BCF Arena. En play-off, les barbes grises triomphent souvent des poils juvéniles.
Les fans semblent sentir que le grand moment pourrait arriver. Le responsable de la billetterie se frotte les mains: début juillet déjà, 7500 abonnements de saison avaient été vendus – un record pour le club. Et la ville de Fribourg vit au rythme du hockey: sa patinoire, entièrement rénovée, sera l'hôte des Mondiaux 2026 avec la nouvelle arène de Zurich.
Le directeur de garage automobile Hubert Waeber, calme et réfléchi, n'est peut-être pas aussi charismatique que Jean Martinet autrefois. Mais comme président du conseil d'administration, il apporte à Gottéron structure, transparence, stabilité financière et tranquillité. Des biens rares dans un club qui, tout au long de son histoire, a été la plupart du temps plus une usine à rêves qu'un club de hockey et qui a souvent fait le spectacle dans les bureaux de sa direction et des avocats plutôt que sur la glace.
Tout repose désormais sur Christian Dubé. Aucun autre club n'a accordé à un employé autant de compétences et de pouvoir que Gottéron au Québécois. Sa position a même été renforcée par une prolongation de contrat jusqu'en 2025.
Sa parole a encore plus de poids à la BCF Arena que celle de l'évêque Charles Morerod dans la ville. Et ce même si les résultats des Dragons sont plutôt modestes: depuis sept ans que Dubé est directeur sportif, les Dragons n'ont jamais fait mieux qu'une demi-finale des play-off (l'an passé, éliminés 4-0 par Zurich).
En fait, c'est même un bilan misérable. Mais Christian Dubé sait qu'un bon spectacle et de bonnes performances entre septembre et mars sont plus importants qu'une intense mais brève fête de champion en fin de saison.
Jamais Fribourg-Gottéron n'a eu un aussi bon communicateur dans son département sportif. Le Québécois est très à l'aise dans les médias romands. Il est un magicien de l'autopromotion, a le sens de l'autodérision, du spectacle et des drames sportifs. En plus, il veille à la structure et au calme au sein du club, tout en respectant le budget – ce que peu de directeurs sportifs en National League arrivent à faire.
En tant que coach, il dose habilement le temps de glace de ses joueurs pendant la saison régulière (l'année passée, seuls deux Fribourgeois ont eu plus de 20 minutes de glace par match, contre six hockeyeurs du CP Berne). Du coup, les vétérans – ses hommes de confiance – restent frais et portent l'équipe. Christian Dubé a aussi l'avantage de savoir ce qu'il doit faire (ou pas): il a participé à la finale perdue de 2013 comme joueur.
Une chose est sûre: à Fribourg, tout ce qui est humainement possible pour remporter le titre a été fait. Comme en 2013.
A part Philippe Furrer (retraite), les joueurs suisses importants sont restés, les étrangers sont solides et l'arrivée de Christoph Bertschy, un transfert royal, rend Gottéron meilleur dans les trois zones. Mais le tempérament et l'imprévisibilité de Chris DiDomenico (désormais à Berne) vont manquer.
La saison dernière, Reto Berra était presque chaque soir le meilleur gardien de National League. Ce ne sera plus le cas à cause des nombreux portiers étrangers. Mais la raison de notre pronostic modeste est autre: le calme qui a caractérisé Fribourg la saison passée n'est pas le vrai ADN des Dragons. Ils doivent s'attendre à traverser aussi des moments plus mouvementés durant cet exercice. Malgré tout, Gottéron occupera toujours le haut du panier. Mais plus la deuxième place, comme ça avait été le cas la saison passée.
Adaptation en français: Yoann Graber