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Sylvain Freiholz: «Le contrôle positif de Flückiger ne me surprend pas»

Mathias Flueckiger from Switzerland in action during the UCI Cross Country Mountain Bike World Cup Short Track Men Elite race, XCC, on Friday, July 15, 2022, in Vallnord, Andorra. (KEYSTONE/Maxime Sch ...
Sylvain Freiholz n'a pas été étonné d'apprendre le contrôle antidopage positif de Mathias Flückiger, spécialiste suisse de VTT.Image: KEYSTONE

Sylvain Freiholz: «Le contrôle positif de Flückiger ne me surprend pas»

Ancien sauteur à ski devenu consultant pour la RTS, le Vaudois dit avoir perdu son regard d'enfant face aux performances incroyables de certains sportifs.
28.08.2022, 08:4828.08.2022, 10:57
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C'est un message qui tient en deux phrases et qui semble sortir des tripes:

«Ce qui m'attriste le plus, c'est de ne pas être surpris. Bon, ma liste est longue, un peu facile, c'est vrai»

Ces mots sont ceux de l'ancien sauteur à skis Sylvain Freiholz. Il les a partagés sur son profil Facebook la semaine dernière avec, en pièce jointe, un article relatant le contrôle positif au zéranol du vététiste bernois Mathias Flückiger. Pourquoi le Vaudois n'a-t-il pas été surpris par cette nouvelle? Sa liste de sportifs suspects est-elle si longue que cela? Pour savoir ce qu'il voulait dire, ou suggérer, dans son message, nous lui avons lancé un coup de fil. Interview.

Sylvain Freiholz, qu'est-ce qui ne vous surprend pas dans le contrôle positif de Mathias Flückiger?
Je mets des guillemets aux performances soudain incroyables, et donc étonnantes, de certains sportifs.

On pourrait vous rétorquer que le vététiste bernois s'est battu toute sa carrière, qu'il a beaucoup travaillé et que ses excellentes performances sur le tard sont la récompense de ses années de travail.
Oui, on pourrait. Mais il n'en demeure pas moins que ses résultats étaient surprenants. Je m'étais posé des questions en le voyant aussi dominateur dans un sport d'endurance. Certains sont tombés des nues en apprenant son contrôle positif. Pas moi. C'est clair, ça fait mal quand une icône tombe. Car Flückiger était devenu une icône dans son sport. Il faisait rêver plein de jeunes, et je peux vous le dire car j'en connais personnellement, des gamins qui se sont émerveillés devant ses récents résultats, notamment sa médaille d'argent aux JO de Tokyo et son titre de champion de Suisse à Leysin.

Mathias Flueckiger, le nouveau champion suisse Homme Elite, en action sur le parcours du championnat suisse de mountainbike cross country ce dimanche 5 juin 2022 a Leysin. (KEYSTONE/Maxime Schmid)
C'est lors du contrôle antidopage qui a suivi sa victoire à Leysin que le Bernois a été attrapé. Image: KEYSTONE

Vous dites aussi dans votre message: «Ma liste est longue». Elle est si longue que ça?
Oui, elle est longue (désabusé). Mais plutôt que de parler des sportifs, je préfère parler des performances. Disons qu'il y en a passablement d'intrigantes.

Chez vous, le doute naît toujours d'une performance intrigante?
Surtout de plusieurs. C'est la répétition de performances incroyables qui suscite mon étonnement. En cyclisme ces derniers temps, vous voyez des gars capables d'être très forts à la fois en contre-la-montre, en sprint et en montagne. C'est fou.

Sylvain Freiholz lors d'une sortie à vélo.
Sylvain Freiholz lors d'une sortie à vélo.

Mais la polyvalence, ou la répétition des performances de très haut niveau, ne suffit pas pour autant à rendre un sportif coupable, au sens juridique du terme.
(Il coupe) Vous avez raison, et c'est valable aussi pour Mathias Flückiger (réd: suspendu provisoirement, le coureur peut encore prouver qu'il n'a pas pris volontairement la substance anabolisante retrouvée dans son échantillon et reste innocent jusqu'à la décision finale).

D'un autre côté, et c'est un peu paradoxal, on a l'impression que la suspicion est la seule arme des amoureux du sport pour débusquer les tricheurs. Quand le public constate que des sportifs tombent des années après, il se met à penser que certains sont peut-être protégés, ou ont une longueur d'avance sur la lutte antidopage.
C'est tout à fait vrai. Mais si l'impact qu'a ce genre d'histoire (celle de Flückiger) fait perdre de la crédibilité à la discipline et au travail des Fédérations, le sport, et la magie qu'il suscite, reprend vite le dessus. Heureusement qu'on oublie et qu'on se laisse émerveiller. Mais quand j'assiste à une compétition, je garde toujours un petit doute dans un coin de ma tête, en me disant: «Est-ce que ça, on peut y croire réellement?» Et dans le cas de Flückiger, c'était beau. A mes yeux, trop beau.

Quand on doute, on perd forcément un peu de sa capacité d'émerveillement, non?
Disons que je ne suis plus candide. J'ai mois aussi vécu l'âge où ton papa est le roi du monde. Puis j'ai grandi, je suis devenu adulte et j'ai perdu une partie de cette magie-là.

Quand l'avez-vous perdue?
Pendant ma carrière.​

Der Schweizer Skispringer Sylvain Freiholz schreitet am Donnerstag, 7. Februar 2002 in Park City, Utah, nach dem ersten Sprung des zweiten Trainings auf der 90 Meter-Schanze im Olympic Park zum Sessel ...
Sylvain Freiholz à Salt Lake City en 2002.Image: KEYSTONE

Que s'est-il passé?
On a commencé à entendre les choses qu'il y avait dans le vélo, notamment la prise d'EPO. On nous mettait en garde au sein de la Fédération suisse de saut à skis. A cette époque, une étude avait été faite aux Etats-Unis sur les sportifs de haut niveau. Des chercheurs avaient posé la question à des athlètes: si vous aviez l'opportunité de vous doper pour remporter une médaille, le feriez-vous? Le pourcentage de «oui» était énorme.

Vous auriez dit quoi, vous?
J'aurais tout de suite dit non. Ça fait partie du bagage que m'ont offert mes parents. Je ne fais pas de compromis sur le dopage. Je suis un peu suisse allemand sur les bords: je suis très à cheval sur les règlements. Le vainqueur, pour moi, est celui qui a été le meilleur en suivant les règles et il faut respecter sa performance. C'est pour cela que je ne comprends pas comment on peut se doper, à moins que ce soit le résultat d'un système organisé.

On comprend que vous vous énerviez devant votre télévision en voyant certaines performances...
Mais comment regarder ses concurrents dans les yeux quand on utilise des produits? Et comment, quand on a un petit peu de conscience, vivre en sachant qu'on a triché? Quand on se regarde dans un miroir, ça ne doit quand même pas être facile.

FILE - In this July 24, 2002, file photo, cyclist Lance Armstrong walks out of the Tour de France's anti-doping control bus after the 16th stage of the Tour de France cycling race between Les Deu ...
Lance Armstrong a perdu ses sept Tours de France pour dopage.Image: AP

Vous êtes consultant sur la RTS pour les épreuves de saut à skis. Y'a-t-il du dopage dans votre sport?
Il y a eu des cas dans le passé, mais je suis absolument confiant aujourd'hui sur la propreté de mon sport au niveau international. Je le regarde toujours avec des yeux d'enfant.

Comment en être si sûr?
Parce que les règlements ont souvent été adaptés pour limiter les avantages que pourrait conférer la prise de produits dopants. La Fédération internationale a par exemple imposé un poids minimal aux sauteurs, si bien que l'usage de diurétiques ou de brûleurs de graisse est devenu soudain obsolète. Mais il reste encore possible d'améliorer ses performances grâce à certains produits.

Lesquels?
L'utilisation de l'EPO pourrait par exemple être très intéressante. Elle permettrait de faire des charges d'entraînement physique (puissance, endurance, coordination, vitesse) plus élevées et de récupérer beaucoup plus vite. Heureusement, dans le saut à skis, la partie physique ne représente qu'une infime partie du résultat d'un sauteur. C'est différent pour les sports d'endurance comme la course à pied ou le vélo. Je suis d'ailleurs assez heureux que mon fils ne soit pas parti dans une discipline où il y a le risque de dérives.

Il est parti dans quoi?
Il avait commencé dans le saut à skis. Il fait désormais du sport amateur dans des équipes de sports collectifs et ça me convient très bien. Je connais deux-trois coureurs cyclistes qui ont des enfants qui font du vélo, ça ne doit pas être simple pour eux.

Dans le message que vous avez diffusé sur Facebook et qui nous a donné envie de vous appeler, vous avez glissé un emoji avec un personnage qui pleure à chaudes larmes (😭). Vous êtes triste d'avoir eu raison, ou vous arrivez tout de même à vous réjouir que la lutte antidopage soit toujours efficace?
C'est un mélange des deux sentiments. Le smiley, en fait, c'était pour dire que je trouvais dommage d'avoir eu raison. Dans ce genre de cas, j'aime bien avoir tort. Mais comme il y a de tels intérêts dans le sport, parfois financiers, et la nature humaine étant ce qu'elle est, je sais qu'on devra toujours se battre contre le fléau du dopage. Mais la lutte doit continuer.

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source: gornergrat bahn
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