Ne soyons pas mesquins: «L'Equipe de Greg» (autrefois d'Estelle) est une émission vivante, passionnante, où l'on papote doctement sur le football. Les invités n'ont qu'un seul problème: ils croient toujours à l'hégémonie de la France.
A l'Euro, ils n'avaient pas accordé la moindre chance à l'équipe de Suisse, dont ils avait énuméré les tares et les mollesses sous l'intitulé suivant: «Est-ce une formalité pour les Bleus?» Rappelons cette formidable apogée:
Mercredi, peu avant les débuts du PSG en Ligue des champions (pour la première fois avec le trio Neymar-Mbappé-Messi), l'équipe de Greg donnait ce conseil au FC Bruges:
Intitulé du débat: Faut-il s'attendre à une démonstration du PSG? Réponses:
6-0? Hugo Guillemet, journaliste à L'Equipe, assume son pronostic à renfort des soupirs fatalistes: «Ben oui, on le voit, même les Belges n'attendent que ça. Coach, joueurs, c'est presque s'ils disent: on va prendre une fessée.»
«Ce que vous voulez dire, c'est qu'ils ne sont pas concentrés sur le match?», intervient Greg, fin psychologue. Mais Guillemet ramène le débat à sa dimension prophétique: «Si, je pense qu'ils sont concentrés sur leur match. Mais ils ont conscience que l'écart risque d'être vraiment abyssal.»
Envoyée au front, la journaliste Carine Galli intervient en direct de Bruges, engouée et enjouée, cheveux en bataille pour faire reporter de guerre. Elle a rencontré des vrais gens, des Belges (a-t-elle pensé à son rappel de tétanos?), alors elle livre ses secrets:
Heureusement, Olivier Bossard, spécialiste des pays annexes à France Football, prévient l'honorable assemblée que «Bruges est une équipe hyper intéressante, qui joue beaucoup au ballon». Mais ses doutes s'arrêtent là, à l'orée des seize mètres: «Si je dis oui pour une démonstration, c'est parce que (les Belges) ouvrent le jeu, ça sera bénéfique pour le PSG et on risque de voir des buts ce soir.»
Jouer au ballon, ouvrir le jeu. Voilà qui arrache un autre sourire goguenard à Raymond Domenech, le même qu'avant Suisse - France lorsqu'un collègue lui avait vanté les convictions offensives profondes de la Nati: «Mais pour attaquer, encore faut-il avoir le ballon! Ils ne le verront pas!»
Domenech savait, il était certain que Bruges renierait ses principes: «En réfléchissant en tant que joueur, je me dis: tu vas rencontrer cette équipe-là (le PSG), est-ce que tu as envie de prendre une rouste, six, sept à zéro, parce que tu vas continuer à jouer?»
Et de citer l'exemple du championnat de France: «Clermont, on l'a vu, hein. Ils sont décidé de jouer. Ils en ont pris quatre. Ils auraient pu en prendre six, sept, Continuez à jouer les gars (...) Ils (Bruges) ne vont pas partir en disant: on joue à armes égales avec cette équipe-là. Non, on ne joue pas à armes égales!»
Les plus romantiques lui ont parlé d'une culture, une philosophie de jeu. Mais Domenech s'est ri de ces fredaines: «Si la philosophie de jeu, c'est de dire qu'on accepte de prendre six, sept, zéro... » «Jouer contre le PSG, ça veut dire quoi? Garder le ballon derrière, oui, à la rigueur. Mais aller chercher haut, essayer de jouer, monter tout le bloc, pour leur laisser les espaces derrière, c'est du suicide.»
Toutes les tentatives d'Alicia Dauby, ses objections de femme prudente, tous ses tweets à la gloire du style brugeois, tous ses bons mots à l'égard de Young-Boys («n'étaient-ils pas inférieurs à Manchester United, eux aussi?») ne suffiront pas à abaisser le taux de testostérone.
Hugo Guillemet a redoublé de hardiesse en signalant l'écart de niveau sidéral entre les titulaires de Bruges et... les remplaçants du PSG, ceux qui ont disputé (et gagné) les cinq premiers matches de championnat.
Il ne restait plus qu'à retourner sur le champ de bataille où Carine Galli bravait le vent mauvais. Greg a hésité: «Je ne vais pas vous faire la question... » Mais à la guerre comme à la guerre: «Oh ben si, allez, je vais vous la faire comme ça: Est-ce que vous êtes un peu inquiète pour le PSG ce soir, puisqu'ils n'ont jamais joué vraiment ensemble?»
Et là encore, dans les frimas du grand Nord, Carine Galli n'a pas eu la langue dans sa poche: «Ah oui, oui, vraiment je tremble. Non, si je tremble, c'est qu'il fait un petit peu frais à Bruges.»
La preuve, selon l'envoyée spéciale, c'est «qu'en général, les journalistes de l'équipe adverse cherchent toujours les points faibles du PSG. Là, pas du tout». Sous entendu: Ce n'était pas la peine.
Et de prédire en fin de compte «un très beau spectacle offensif sur cette pelouse de Bruges».
Un autre débat restera ouvert, celui que L'Equipe avait initié pendant l'Euro sans apporter de véritables réponses, avec une naïveté presque touchante:
Pourquoi les Français agacent-ils les Suisses et les Belges ?
— L'ÉQUIPE (@lequipe) June 27, 2021
Avant France - Suisse, la presse suisse a distillé quelques mots vifs à l'égard des Français. Des oppositions d'identité, que l'on retrouve aussi chez les Belges vis-à-vis des Tricolores https://t.co/G4Nyvr5ykW pic.twitter.com/bp5H1kDfFc