Ce n'est sans doute pas un hasard si Novak Djokovic a offert ses confidences à Franck Ramella, le journaliste qu'il avait reçu en décembre après un contrôle positif au Covid. Les retours d'ascenseur ont du bon: pendant de longues minutes, le Serbe prend de la hauteur et nous emmène dans son univers à part, là où (notamment) la prière transforme l'eau des égouts en eau cristalline.
Djokovic commence par réaffirmer sa position anti-vaccin, sans la présenter comme dogmatique ou péremptoire: «Je n'ai pas l'impression que je suis une menace pour les autres. Qu'on soit vacciné ou pas, on peut toujours transmettre le virus. C'est ma position et, pour la suite, mon esprit est complètement ouvert. Tout est possible.»
Pour éclairer sur la démarche, Novak Djokovic explique sa relation au corps, comment il a consacré toute sa vie à le façonner et à en optimiser chaque fonction. Ce corps est devenu son fond de commerce, très exactement, «mon outil, mon principal actif. (...) Je suis en perpétuelle recherche pour le perfectionner, pour améliorer mes performances, pour augmenter les capacités de mon organisme».
Djokovic est conforté dans ses croyances par un bilan médical inégalé, qu'il compare volontiers, sans les nommer, à celui de Nadal et Federer. «Je constate que j'ai été béni de ne pas avoir été souvent malade ou blessé dans ma vie, de ce genre de blessures majeures qui vous mettent à l'écart. Je suis l'un des joueurs les plus réguliers de tous les temps.»
C'est comme si Djoko revendiquait une force supérieure, une volonté toute-puissante, un destin qu'il aurait choisi. «À 35 ans, si je peux placer ma jambe en extension sur une branche comme un gymnaste, ce n'est pas parce que je suis né avec le talent d'être flexible. Mais parce que depuis mes 7 ans, je fais des étirements, je prends soin de chacun des os de mon corps, de chacune des articulations.»
Cette volonté s'est imposée à lui «vers 7-8 ans», grâce à une professeure qu'il considère encore comme sa «mère de tennis», Jelena Gencic, et qui l'a converti à «une approche holistique du corps». Djokovic ne dément pas quelques excès avec les copains mais chaque intrusion dans son corps reste soigneusement pesée, en permanence.
Quand il décrit cette exigence au quotidien, son corps devient une forteresse: «Les gens qui sont autour de moi vont tout vérifier trois fois avant de me suggérer quelque chose à essayer ou à prendre. J'emploie volontairement le mot "suggérer". On ne peut pas me forcer à prendre quoi que ce soit. J'ai toujours mis en avant ce concept d'indépendance dans ma vie, avec la liberté de vraiment choisir ce qu'il y a de mieux pour sa vie.» Et de conclure: «Je veux être le seul propriétaire de mon corps.»
Dans ce qui ressemble à un geste d'ouverture, Djokovic cite encore Socrate et dit: «Je sais que je ne sais pas». Il déplore que des courants entiers de la société moderne ne tolèrent plus le questionnement, le doute et les nobles désaccords.
Il ne nie pas ses accointances avec Chervin Jafarieh, un ancien trader devenu penseur. Jafarieh est éminemment contesté. Le monde lui doit le fameux «processus» qui transforme l'eau insalubre en eau pure par la seule force de la prière (d'autres en faisaient du vin, à une époque moins hygiénique).
De façon très étayée et franche, Novak Djokovic justifie ses principes et confirme qu'il ne les reniera pour rien au monde, ni pour la tournée américaine (où son statut vaccinal le rend inéligible), ni pour Roland-Garros, si le pass sanitaire devait rester en vigueur. (chd)