3 septembre 2012, New York. Une voiture avance lentement dans la circulation. Elle doit mener Mardy Fish au rendez-vous le plus important de sa carrière: un huitième de finale contre Roger Federer à l'US Open. Le match n'a pas encore commencé, mais pour le joueur américain, il est déjà perdu.
Quand il arrive au stade, le tennisman annonce à la Fédération qu'il ne jouera pas ce match. Puis, il craque. «Ma vie était un enfer. Tout ce que je voulais, c'était me mettre en boule dans une pièce sombre et ne plus voir personne.»
Quand il raconte ses troubles d'anxiété, Mardy Fish a 39 ans. Il va mieux. Il se tient face caméra, très digne, dans le cadre d'un documentaire Netflix qui lui est consacré.
Le film dure 1h19 et retrace le combat que le natif du Minnesota a mené contre ses démons intérieurs. On suit le prodige dès ses débuts sur les courts. Nous sommes à la fin des années 80 et l'Amérique se cherche une nouvelle star du tennis. La Fédération investit massivement. La pression est énorme sur les épaules des jeunes talents. Mardy Fish débarque dans ce contexte hyper-concurrentiel au centre de Saddlebrook, fief floridien de l'élite tennistique américaine, qui se targue d'inculquer une «discipline mentale» aux espoirs au motif que «c'est quelque chose qui n'est jamais instinctif chez un enfant».
Fish s'entraîne comme un acharné, et il n'est pas le seul. Andy Roddick (et son ancien militaire de père) n'est jamais loin. Ces «faux-jumeaux» aux ambitions démesurées grandiront à la fois ensemble et l'un contre l'autre. Une relation particulière se noue, subtilement décrite dans le documentaire.
C'est d'ailleurs contre Roddick en 2003 que Mardy Fish se met à gamberger sur le court pour la première fois. Soudain il ne sait plus quoi faire, quelle solution choisir, et subit une sorte de torture psychologique qui le fera complètement déjouer.
Son mental apparaît très vite comme une faiblesse et c'est d'ailleurs ce que suspecte Roddick: «Ceux qui sont considérés comme les plus grands joueurs de l'histoire donnent l'impression qu'ils vont vous arracher la tête, vous déchirer et vous piétiner sur le chemin de la victoire. Je ne sais pas si Mardy était prêt à faire ça à ce stade de sa carrière (ndlr: avant 2009)».
Les saisons défilent et Mardy Fish craint d'avoir des regrets, ce qui serait pire que n'importe quelle défaite. Alors, il se transforme en machine de guerre. Déménage en Californie, achète du matériel d'entraînement et perd jusqu'à 14 kilos. Il devient un autre joueur, mais aussi un autre homme. «Il appuyait sur un bouton et devenait super agressif, super concentré, super intense», dit une voix dans le documentaire.
Les victoires tombent comme des services de Marin Cilic. Mardy Fish devient numéro un américain et bientôt septième mondial, ce qui lui permet de s'inviter à la table des Maîtres en 2011.
Mais plus rien ne sera pareil après le dessert. Les éliminations prématurées se succèdent dès le début de la saison 2012. Les défaites le rongent autant que les critiques. «A partir de là, le stress et la pression ont commencé à monter.»
On ne vous dira pas tout de la suite, afin de préserver l'intérêt du documentaire pour ceux qui ne l'auraient pas encore vu, mais elle est terrible pour Mardy Fish, victime de problèmes cardiaques et de ce qu'il appelle des pensées «inconfortables».
Ces pensées se sont longtemps arrêtées au bord du terrain, mais tout change lors du match contre Gilles Simon en 2012. «Tout le poids du stress s'est soudain emparé de moi (...) Je n'avais nulle part où aller, nulle part où me cacher. Mon seul endroit sûr, le terrain, ne l'était finalement plus.»
Cette rencontre précèdera son forfait contre Roger Federer et des années sombres qui ne l'éloigneront pourtant jamais du tennis, puisqu'il est aujourd'hui capitaine de l'équipe américaine de Coupe Davis. Ses troubles d'anxiété le poursuivent encore, mais il les affronte avec une détermination intacte. «C'est toujours une bataille quotidienne, mais je gagne tous les jours.»