Mardi, lorsque Belinda Bencic a perdu le premier set de son seizième de finale contre Diane Parry, le directeur du Ladies Open, Jeff Collet, a quitté la tribune. «Je suis assez superstitieux et j'avais un mauvais pressentiment», se marre-t-il quand on lui demande pourquoi il est parti. «Et comme Belinda n'avait pas besoin de ma présence, j'ai préféré suivre la fin du match à la télévision.» La Suissesse a fini par l'emporter en trois manches. Elle est même en quart de finale depuis jeudi soir et sa victoire contre Susan Bandecchi. Mais le départ de Collet dit beaucoup de l'attente que suscite Bencic à Lausanne.
La Saint-Galloise de 25 ans est ce qu'on appelle une tête d'affiche. Elle est même la seule joueuse présente sur les panneaux publicitaires placardés dans toute la ville où, détail aussi amusant que révélateur, son nom est plus grand et mieux placé que celui du tournoi.
Pour un évènement comme celui de Lausanne (WTA 250), accueillir la championne olympique est une bénédiction. Jeff Collet n'hésite d'ailleurs pas à dire qu'une élimination précoce «aurait été un coup dur». A la fois sportif et financier, puisque les organisateurs ont investi pour sa venue. «Les top joueurs ont accès au prize money (réd: 251 750 dollars), bien sûr, mais ils touchent aussi un entry fee (réd: des garanties d'un certain montant) avec des bonus s'ils passent des tours», renseigne le directeur du tournoi, sans dévoiler de montant.
Selon nos informations, les garanties peuvent représenter jusqu'à plusieurs dizaines de milliers de francs. Est-ce que ça les vaut? Assurément.
Le Ladies Open, c'est certain, n'aurait plus été le même sans la présence de la treizième joueuse mondiale, et ce n'est pas qu'une question d'argent. Belinda Bencic attire et séduit le public, elle est même follement aimée en Suisse romande et c'est une affection curieuse que celle d'un public francophone pour une joueuse qui ne parle pas sa langue, qui a des origines slovaques et qui est née en Suisse alémanique.
Comme Timea Bacsinszky a vécu la même chose dans l'autre sens (les Alémaniques l'adoraient), on lui a demandé les ressorts d'une idylle nationale.
Le chef de presse du tournoi la trouve «avenante et souriante»; Jeff Collet «simple et facile d'approche». Belinda Bencic, c'est le genre de joueuse que vous pouvez croiser à la piscine de Pully (VD), au musée olympique ou au glacier 3000 (elle a été aux trois endroits), quand ce n'est pas dans les rues de Lausanne, juste avant d'aller dormir, pour le dernier pipi de sa chienne Paula.
«Elle est très à l'aise et accessible», trouve Loïc Mühlemann, responsable communication au sein d'une entreprise qui sponsorise la joueuse depuis avril 2022. «Nous l'avons choisie comme ambassadrice car elle correspond aux valeurs du Groupe Mutuel: c'est une femme dynamique avec du succès et un fort capital sympathie, très proche de son public et des gens en général.» «Elle est sympa et mignonne, j'imagine que les gens sont aussi sensibles à ça», ajoute Benjamin Dracos.
Le fait qu'elle ne parle pas français n'est même pas de nature à freiner sa popularité. Surtout quand elle dit au public «I like Lausanne» au micro après son match (jeudi). «Par ses origines slovaques et son vécu (réd: elle est née et a grandi outre-Sarine), elle représente bien la Suisse dans sa diversité», souligne Loïc Mühlemann.
A Lausanne, même si elle mène une vie simple, «BB» bénéficie de quelques avantages. Elle ne loge pas au campus de l'école hôtelière, comme la plupart de ses adversaires, mais à l'hôtel Mövenpick, situé à quelques hectomètres du site de compétition. Elle ne joue pas davantage aux heures chaudes, entre 12h et 15h, mais en fin d'après-midi, toujours après 17h30, quand la RTS prend l'antenne et les spectateurs sortent des bureaux.
La Suisse n'a plus qu'un seul talent tennistique (filles et garçons confondus) capable de remporter de beaux tournois donc elle en prend soin.
Surtout que le tournoi de Lausanne peut s'inscrire comme une nouvelle étape dans la carrière de Bencic. Lorsque watson est allé à sa rencontre en avril dernier, la Saint-Galloise nous avait dit son souhait de retrouver le top dix. Elle y est presque: si elle s'impose dimanche, elle atteindrait les 2855 points au classement de la WTA et réintégrerait le top dix, délogeant Raducanu (actuelle dixième).
Une victoire ici lui rappellerait forcément des souvenirs: c'est sur ces mêmes terrains, en 2011, que la jeune Belinda était devenue championne suisse juniors.
Elle n'était pas encore aux portes du top dix mondial, pas encore championne olympique. Mais Lausanne avait déjà beaucoup d'estime pour celle qui, onze ans plus tard, est devenue la star du tennis suisse.