Alan Roura: «Cette aventure m'a fait découvrir un nouveau marin en moi»
La voile suisse vient de vivre une étape importante de son histoire. Elle a été bouclée le 21 septembre, avec l'arrivée du Team Amaala à Kotor, au Monténégro. Si le nom de cet équipage ne sonne à première écoute pas très suisse (il est celui du sponsor principal, une station balnéaire en Arabie saoudite), c'est pourtant une véritable «Nati des mers» qui a débarqué dans ce port de l'Adriatique.
Derrière la barre de cet Imoca, un monocoque à foils, il y avait le visage le plus connu de la voile helvétique: le Genevois Alan Roura. C'est d'ailleurs lui qui est l'instigateur de ce projet de «Nati des mers» (appelé officiellement Swiss Offshore Team), présenté au mois de juin et dont la première course a été cette Ocean Race Europe. Cette épreuve par équipes a relié Kiel, en Allemagne (mer Baltique) à Kotor en cinq étapes, sur six semaines, en passant par la Manche et le détroit de Gibraltar.
Lors de chacune des étapes, les marins (quatre sur le voilier en même temps) ont passé plusieurs jours et nuits en mer. Une première pour la majorité des membres de l'équipage suisse. «Le but du projet, c'est d'offrir aux jeunes marins suisses une évolution de carrière: les faire passer de régatier du lac à navigateur pro au large. Et ça a marché, c'est génial!», s'enthousiasme Alan Roura avec un grand sourire, depuis son domicile de Lorient en Bretagne. Joint par watson en appel vidéo, il a dressé un excellent bilan de cette grande première. Et ce malgré la dernière place de son Team Amaala (7e sur 7), mais ce n'était pas du tout l'objectif principal.
Des cafés particulièrement savoureux
Non, le but premier de cette Ocean Race Europe, et plus généralement du projet de «Nati des mers», est bel et bien d'offrir la possibilité à de jeunes marins suisses de prendre de la bouteille dans les courses au large, puisqu'«il n'existait rien qui permettait ça» avant le Team Amaala, comme le souligne Alan Roura. Le Genevois, qui n'a que 32 ans mais est, lui, déjà très expérimenté, a décidé de combler cette lacune.
Avec deux autres figures de proue de la voile suisse – Elodie Mettraux et Simon Koster –, ils ont ouvert des candidatures. Résultat: 40 dossiers reçus, et finalement sept marins sélectionnés (quatre garçons et trois filles, âgés de 23 à 35 ans), comme équipiers, pour cette course reliant la Baltique à l'Adriatique.
Pour Alan Roura, vieux loup de mer très souvent solitaire, il s'agissait aussi d'une grande première. «C'était la première fois que je naviguais en équipage sur plusieurs jours», précise celui qui a bouclé son troisième Vendée Globe (tour du monde en solo) en début d'année. Et il a pris son pied:
Les membres du Team Amaala avaient été sélectionnés avec une attention particulière sur leur personnalité, histoire de faciliter l'adaptation au groupe – beaucoup de marins n'avaient jamais navigué ensemble – et d'assurer la cohésion sur le monocoque. «Ça restait malgré tout un défi sur le plan humain, et les profils ont parfaitement matché», se réjouit Alan Roura.
La tempête et le sens des responsabilités
Si ce travail d'équipe était une nouveauté pour lui, son rôle au sein de ce collectif aussi. «C'est surtout comme meneur d’équipe que je me suis le plus découvert lors de cette aventure», confie le néo-skipper. A écouter Alan Roura, ses qualités de leader ont été une véritable révélation pour lui:
Le Genevois, qui confie «avoir très peu confiance» en lui, est convaincu que ces nouvelles aptitudes l'aideront aussi dans sa vie hors du bateau.
Sur le voilier Amaala, elles lui ont déjà été utiles lors d'un moment précis. «On naviguait entre les Îles Baléares et la Corse et, tout à coup, on s'est pris une grosse tempête avec des rafales de vent à 140 km/h», rembobine-t-il.
Grâce à son expérience – et ses qualités de leadership, donc –, Alan Roura a mené tout le monde à bon port.
Actuellement, le marin suisse profite de quelques jours de congé auprès de sa femme et de leurs deux enfants à Lorient. Mais il retrouvera rapidement l'Amaala: il ira le récupérer le 15 octobre au Monténégro pour l'amener – par la mer, via le canal de Suez – en Arabie saoudite. Histoire que les partenaires locaux puissent admirer l'Imoca depuis les bords de la Mer Rouge.
Après quoi, Alan Roura rapatriera le voilier en Bretagne, toujours à bord de celui-ci. «Ça va faire environ 10 000 km de navigation. Donc oui, je vais passer encore pas mal de temps en mer d'ici la fin de l'année!», se marre le baroudeur.
Quant à sa Nati des mers, elle vise l'Ocean Race Atlantic l'été prochain, une transatlantique entre New York et Barcelone. Avec la certitude d'avoir, avec Alan Roura, un vrai capitaine à son bord.