Et soudain, Stephen Curry a pris feu. Alors que l'équipe de France faisait le forcing (et se rapprochait dangereusement du Team USA en finale des Jeux olympiques de Paris 2024), le shooteur a dégainé derrière la ligne à trois points. Ses paniers dans le money time ont eu raison des derniers espoirs tricolores.
Un tel joueur – si précis longue distance – ravive régulièrement par ses prestations le fantasme du tir à quatre points. Le rêve d'une ligne, que chaque basketteur a un jour cherché à situer, dans l'imaginaire, lorsqu'il travaillait ses fondamentaux à l'entraînement.
Cette ligne n'était jusqu'ici utilisée que par les Harlem Globetrotters. Ils la déploient à neuf mètres du panier depuis 2017. Elle succède aux quatre zones à quatre points, délimitées par des cercles et introduites en 2010 par le collectif le plus spectaculaire de la planète basket.
«Le tir à longue distance est en train de changer le basket-ball à tous les niveaux et c'est l'un des tirs les plus excitants du jeu», déclarait Howard Smith, président des Globetrotters, peu avant la mise en place de la ligne à quatre points. «Sa création montre une fois de plus que les Harlem Globetrotters sont en avance en matière d'innovation. Qu'il s'agisse de populariser le slam dunk, le alley-oop, le tir à trois points et maintenant le tir à quatre points, les Globetrotters créent de nouvelles façons pour les fans de profiter du jeu depuis 90 ans», ajoutait-il à propos de cette nouveauté cantonnée au sport spectacle.
Or la ligne à quatre points est désormais effective cette saison aux Philippines, terre de basket-ball par excellence. Le championnat de première division – la Philippine Basketball Association (PBA) – l'utilise depuis le mois dernier et elle se situe à un peu plus de huit mètres du panier (27 pieds). Elle avait été testée auparavant lors des All-Star Game 2023 et 2024.
L'objectif avoué de cette innovation? Faire de la PBA «la ligue la plus divertissante en Asie», selon Willie Marcial, Commissaire du Championnat des Philippines de basketball. Il n'est d'ailleurs pas surprenant de voir la ligue philippine adopter cette règle. Elle suit déjà un format atypique sous forme de tournois afin de susciter l'intérêt des spectateurs. Chacune des conférences – le nom donné à ces tournois – dispose de ses propres spécificités concernant les quotas de joueurs étrangers et la taille maximale de ces derniers, dans un pays où les hommes mesurent en moyenne 1m63 et où les étrangers, plus grands, peuvent compromettre la progression des locaux.
Mais revenons à notre ligne à quatre points. Louée par certains, elle est encore loin de faire l’unanimité aux Philippines. «On est les premiers au monde à le faire. La NBA a reporté sa décision à ce sujet en raison de l’objection de certains entraîneurs. On va passer soit pour des génies, soit pour des idiots si ça ne marche pas», a ainsi expliqué Yeng Guiao, entraîneur des Rain or Shine Elasto Painters, auprès d'un site local. Le technicien pointe ici un risque en termes d'image.
Il s'interroge également sur les conséquences d'une telle règle sur le jeu. «C'est une idée novatrice, mais je ne pense pas qu’on ait consacré suffisamment de temps et de réflexion pour comprendre pleinement ses effets à long terme», a-t-il détaillé. Or le basket étant une discipline en perpétuelle évolution, il est fort à parier que la ligne à quatre points modifiera considérablement le jeu au fur et à mesure des années.
Il n'y avait après tout que 2,8 paniers à trois points en moyenne par match lors de la saison 1979/1980 de NBA – la première depuis l'introduction du tir primé – et le corner était l'un des rares endroits sur le terrain où ce shoot était tenté. Or les joueurs dégainent désormais de partout à plus de 7,23 mètres. Les grands ont également délaissé la bouteille et se sont mis eux aussi aux paniers à trois points. Des garçons comme Stephen Curry se sont enfin encore davantage éloignés de l'arceau. Ils s'attaquent de plus en plus souvent à des shoots flirtant avec le milieu de terrain. Preuve que le basket-ball a changé.