La dernière fois que le car de Genève-Servette avait fait la route entre Morges et Yverdon, c'était en avril, lorsque les hockeyeurs s'étaient rendus à Bienne pour y disputer l'acte VI de la finale du championnat de Suisse. Deux mois plus tard, voici le véhicule grenat de retour entre le lac Léman et le lac de Neuchâtel, mais cette fois l'histoire n'est pas la même: si l'engin habillé aux couleurs du champion de Suisse en titre est sur les routes vaudoises, c'est parce qu'il a été réquisitionné par les CFF.
Durant deux week-ends de juin, le car a en effet servi à transporter les voyageurs entre Morges et Yverdon en raison des travaux effectués par les chemins de fer sur la ligne. Ce magnifique car, floqué du logo des deux clubs genevois (hockey et football) et sur lequel est inscrit la devise de la ville («post tenebras lux»), cet objet sacré qui a emmené les hockeyeurs servettiens vers la gloire et qui devrait être au musée, a donc été utilisé comme un véhicule de service. Pour ceux qui ne connaissent pas bien le sport, c'est un peu comme si on utilisait l'avion solaire de Bertrand Piccard pour emmener les touristes en vacances à Magaluf.
Cela peut paraître incroyable, mais c'est la vérité. Joint par téléphone, le club grenat confirme que son car a sillonné les routes vaudoises et que c'est tout à fait normal, puisque Genève n'est pas propriétaire de «son» car. Concrètement, le GSHC le loue auprès d'Helvécie durant l'année. Lorsque la saison de hockey sur glace est terminée, la plus grande compagnie romande d'autocars peut en disposer, et donc le mettre aux services d'autres usagers (comme les CFF).
Genève-Servette n'est pas une exception en Suisse: beaucoup de clubs sportifs louent leur moyen de locomotion. Cela peut paraître étrange quand on sait que les joueurs sont très attachés au car qui les transporte et qui est un prolongement du vestiaire, avec des places attribuées et des prérogatives accordées aux cadres (notamment pour ce qui concerne le choix de la musique).
Mais, c'est finalement assez logique, car une saison de football ou de hockey représente entre 25 et 50 déplacements en moyenne par saison (en comptant le championnat, la Coupe et les matchs amicaux). Les plus de 300 jours restants, le car est à l'arrêt. Donc son propriétaire perd de l'argent.
C'est la raison pour laquelle certains clubs préfèrent signer des partenariats avec des compagnies d'autocars plutôt que de payer chèrement un véhicule dont ils n'auraient de toute façon aucune utilité durant la plupart de l'année. Cela explique aussi pourquoi vous pouvez apercevoir le car du HC La Chaux-de-Fonds ou du Servette FC en plein mois de juin avec, derrière leurs vitres teintées, des occupants qui ressemblent moins à des sportifs qu'à des touristes ou des écoliers.