Pendant longtemps, les sportifs amputés sont restés au bord du chemin. Ils voyaient bien, lors de grandes compétitions sur piste retransmises à la télévision, des athlètes comme Oscar Pistorius courir avec des lames de carbone, mais ces prothèses rigides, conçues pour des revêtements lisses, ne les auraient emmené nulle part en montagne. Tout a changé en septembre 2019, lorsque la start-up Hopper s'est mise en tête de créer une lame qui permettrait aux trailers de s'aventurer sur des sentiers sinueux, jonchés de pierres et de racines, parfois maculés de boue.
Une révolution, selon Boris Ghirardi, alias «Pied de Robot» (le surnom donné par sa fille), dont le destin a basculé en 2019 après un accident de moto qui lui a sectionné le pied gauche. «La prothèse que nous utilisons pour nous déplacer chaque jour nous permet d’avoir une restitution d’énergie qui est propre au quotidien, dit-il dans la presse française. C’est-à-dire marcher, monter des escaliers, mais pas courir. On va seulement pouvoir trottiner quelques mètres pour courir derrière un bus ou un enfant.» Pour faire du sport en montagne, il faut donc une lame bien particulière.
Pour la fabriquer, Hopper a eu l'idée géniale de réunir deux savoir-faire: l'aéronautique et l'équipement sportif.
La semelle étant fixée à la prothèse grâce à un simple Velcro, l'utilisateur peut en changer très facilement en fonction de l'usure ou du type de revêtement sur lequel il s'élance.
Maîtriser ce prolongement ponctuel de soi-même nécessite toutefois des capacités particulières. «La gestion de la compensation de cette lame nécessite un bon gainage, un bon tonus musculaire afin de maîtriser ce retour d’énergie et le mettre à profit de ton effort physique», explique l'athlète Boris Ghirardi dans Ouest-France.
Le Toulousain s'en est rendu compte par la pratique. Deux ans après son accident de moto, il est devenu en 2021 le premier amputé de l'histoire à participer à Sierre-Zinal (31 km dont 2200 mètres de montée).
Il a mis 7h44 pour boucler l'épreuve au courage, après s'être arrêté plusieurs fois pour enlever la transpiration de son manchon (la gaine autour du moignon) afin qu'il continue à adhèrer et ne lui cause ni frottements, ni ampoules.
Depuis sa création en 2019, la prothèse Hopper n'a cessé de porter toujours plus loin et plus haut les sportifs amputés. Certains ont même atteint les 3000m d'altitude.
S'ils sont si nombreux à l'utiliser, c'est aussi parce que l’absence de coût de la matière carbone permet à l’entreprise de diviser le prix de vente de leur lame sportive par deux et de viser des modèles à moins de 2000 euros. «Jusqu’à présent, la marque de référence était Össur, un fabricant islandais qui équipe une très grande majorité des athlètes paralympiques, relate Trek Magazine. Il existait aussi la prothèse Easy Run de l’entreprise française Proteor. Mais l’une comme l’autre sont des produits chers (environ 10 000 euros).»
La concurrence, sur le marché amateur, pourrait profiter aux utilisateurs et élargir toujours davantage leur horizon. Zinal n'est plus un rêve, mais un but.