La victoire d'Einer Rubio ne suffira pas à dissiper le malaise qui a entouré la première grande journée de montagne sur le Giro 2023, alors que le tracé a été raboté vendredi après des échanges tendus entre le peloton et les organisateurs, auxquels rien ne semble être épargné dans cette 106e édition. C'est avec quatre heures de retard sur l'horaire initialement prévu que le peloton s'est ainsi élancé à 15 heures en direction de Crans Montana, énième soubresaut d'un Giro qui accumule les problèmes depuis le départ le 6 mai.
Alors qu'une quarantaine de coureurs, dont le grand favori Remco Evenepoel, ont déjà abandonné à cause du Covid-19 ou d'autres virus, le temps est particulièrement mauvais depuis une dizaine de jours, avec des inondations dramatiques dans le nord de l'Italie qui ont causé la mort d'au moins quatorze personnes. Vendredi matin, il pleuvait à nouveau des cordes au départ, conduisant les organisateurs à repousser l'horaire et le lieu du coup d'envoi.
Au lieu d'emprunter le col du Grand-Saint-Bernard, qui devait être le point culminant de ce Giro et qui avait déjà été raboté à cause d'un enneigement trop important, les coureurs, après un transfert en bus, ont donc attaqué directement par la redoutable Croix-de-Cœur (15,4 km à 8,8 pour cent).
L'étape, qui devait faire 199 km dans sa version déjà raccourcie, ne faisait plus que 74 km, même si la montée finale vers Crans Montana (13,1 km à 7,2%) était maintenue. Cette décision est le fruit d'un compromis entre les organisateurs de RCS et les coureurs, dont les intérêts ne convergent pas toujours. Pour RCS, il s'agissait de sauver l'étape, pour les coureurs de préserver leur santé.
Selon Adam Hansen, président du syndicat des coureurs, ils ont voté à plus de 90% jeudi soir, pour raccourcir l'étape. Mais pas selon l'itinéraire finalement retenu. Le peloton voulait garder le col du Grand-Saint-Bernard, où le temps était effectivement plutôt clément vendredi, et zapper la Croix-de-Cœur. Le Giro a fait vendredi une contre-proposition que le peloton a finalement acceptée.
De nombreux spectateurs manifestent leur mécontentement dans l’ascension du col Saint Bernard #giro106 #LesRP pic.twitter.com/EFY7hEq5SY
— Florian Pigeon (@Flopigeon) May 19, 2023
«C'est une bonne décision si on veut arriver à Rome (le 28 mai) avec au moins 50 coureurs», sur les 176 au départ, a estimé le maillot rose, le Britannique Geraint Thomas. Mais il restait des doutes concernant notamment la descente de la Croix-de-Cœur dont le revêtement a été signalé en très mauvais état.
Some photos of the Croix de Coeur descent taken a couple of hours ago by @alderliestenST who is there. 🙏 Ah, the famous Swiss perfect mountain roads. 😍🙈😂 Seriously, if it rains, it will be super dangerous. The organizers took a big risk when they decided to put this climb on… pic.twitter.com/RT0aadKXtB
— Mihai Simion (@faustocoppi60) May 19, 2023
«J'ai des amis qui y sont allés hier, j'ai vu quelques photos, ça a l'air assez scabreux», a commenté le coureur français Aurélien Paret-Peintre.
«La préoccupation des coureurs portait surtout sur la descente de la Croix-de-Cœur, qui est potentiellement dangereuse. Je ne comprends pas ce compromis», a déploré l'Australien Jack Haig. Certains cyclistes désapprouvaient même la décision de raccourcir l'étape tout court, à l'image de l'Italien Gianni Moscon:
Mauro Vegni, le directeur du Giro, qui dit «regarder le ciel tous les matins en ce moment», a défendu une position d'équilibre. «Le Giro est cette année dans une situation particulière et on doit protéger les athlètes pour qu'ils arrivent à Rome. C'est pourquoi on a voulu répondre un peu à leurs demandes tout en préservant le caractère sportif de l'étape», a-t-il dit.
La décision n'était de fait pas basée uniquement sur les conditions météo du jour, mais aussi sur l'état de délabrement général dans lequel se trouve le peloton. Vendredi, un 41e coureur a abandonné sur maladie, le Danois Mads Pedersen, champion du monde 2019. «Il y a un trop plein de tout. La pluie, le froid, tout le monde est carbonisé alors qu'on n'a même pas commencé la montagne», a résumé le grimpeur français Thibaut Pinot au départ de l'étape. (ats/afp)