Le mouvement de grève commence ce vendredi à 15 heures et s'étire jusqu'à lundi minuit. Dans une action conjointe, l'UEFA et le football anglais ferment leurs comptes Facebook, Twitter et Instagram. Pas de messages. Pas de commentaires. Pas de liens. Trois-cents clubs rompent le contact avec leurs fans, sans distinction entre les bons et les vilains.
Sky Sports annonce s'associer aux clubs anglais et ne postera rien sur ses réseaux sociaux du 30 avril au 3 mai ! 👊 https://t.co/whqCdAyToS
— Instant Foot ⚽️ (@lnstantFoot) April 29, 2021
A l'origine des réseaux sociaux, le sport y a vu une arme de communication massive. Ce canal lui permettait tout en même temps de court-circuiter les médias traditionnels, peut-être de s'en affranchir, et de garder le contrôle de son image publique.
Or le monde sportif a fini par perdre le contrôle, non pas de son image, mais de son public. Il est aujourd'hui la victime plus ou moins consentante des fanatiques dont il flatte l'intelligence, et des comportements excessifs, désormais obscènes, qu'il associe à de la passion. Le voilà atteint par ceux qu'il se pique de toucher directement (car l'inverse semble beaucoup plus vrai aujourd'hui), surpassé par la familiarité qu'il s'ingénie à créer artificiellement.
En Suisse, Lara Gut fut la première à entrer en rupture avec le monde numérique, jusqu'à fermer tous ses comptes - excepté Facebook où elle conserve une activité sporadique.
Granit Xhaka a annoncé cet hiver qu'il fermerait son compte Twitter, épuisé par les insultes racistes et les menaces de mort sur sa famille. Les sportifs, peu à peu, font le choix de témoigner, au risque de paraître ingrats, douillets ou vulnérables.
L'idée même que les réseaux sociaux sont dangereux pour la santé commence à gagner les esprits les plus progressistes. Après un match, de nombreux footballeurs, tennismen et hockeyeurs ont le doigt qui tremble sur la touche «power» de leur téléphone portable: ils savent que ce bouton ouvrira les vannes à des centaines de messages haineux.
Le 11 février, dans une lettre ouverte à Mark Zuckerberg, les dirigeants du football anglais ont appelé à davantage de responsabilité, «pour des raisons de simple décence humaine». Twitter a répondu qu'il ne censurerait pas les commentaires provenant de comptes anonymes.
Malgré sa reconversion en leader d'opinion, Thierry Henry appelle à un boycott des réseaux sociaux aussi longtemps que les posts «ne sont pas réglementés avec la même vigueur et la même férocité que les droits d’auteur».
🇫🇷 FLASH Thierry #Henry s’est officiellement retiré des #réseaux sociaux, il est désormais introuvable.
— Conflits France (@ConflitsFrance) March 27, 2021
👉 Il ne reviendra que si les plateformes entament des actions concrètes contre le #racisme et l’intimidation.
(Officiel) pic.twitter.com/KaM65mpUnY
Le sport, en un sens, semble dépassé par la créature qu'il a lui-même nourrie. C'est un peu la question de fond: peut-il reprocher au monstre d'être devenu trop grand, trop cruel, après l'avoir gavé de chauvinisme et entraîné à rugir?
Pour éduquer les masses, le sport aura besoin... des réseaux sociaux. Stéphane Koch en est convaincu: «Ces plateformes ne sont qu'un vecteur. A la base, il y a des gens qui mettent leur pensée en ligne.» Puisqu'on n'arrêtera pas le progrès, autant l'accompagner.
Ce mouvement durera trois jours et plongera toute une communauté dans le silence, des stades fermés aux réseaux coupés. Ce n'est rien de moins que le plus grand temps mort de l'histoire du football.