Tourbillon n'est pas un beau stade. Mais il a du charme, ce charme qui sent bon le football de grand-papa – au sens le plus noble du terme –, joué proche des tribunes où chacun est (encore) libre de s'asseoir plus ou moins où il veut. En vrai, un seul secteur dessert l'enceinte. Celui des visiteurs. Grillagé de toute part, métallique, sombre. Bref, glauque.
Mercredi soir, les fans du Lausanne-Sport ne l'ont pas embelli. Pas les sept qui ont suivi la partie depuis le début, tristement éparpillés et laissés à eux-mêmes dans ce trop vaste enclos. Mais ceux qui sont arrivés en groupe 34 minutes exactement après le coup de sifflet initial.
On craignait des débordements des ultras lausannois, comme ceux de dimanche. Déjà à des kilomètres de Tourbillon. «Moi, je fais partie des gentils», rassurait un fan vaudois d'un certain âge, casquette et masque anti-Covid aux couleurs du LS, voyageant seul dans le train en direction de Sion. Il répondait à un agent de la police ferroviaire lui demandant s'il se rendait au match.
Les autres, les méchants, ne l'ont pas vraiment été. Cette fois, pas de fusée lancée sur le gardien adverse ni d'interruption de match. Pas même l'étincelle d'un fumigène. Mais cette banderole: sobre. Simple. Efficace. Mais moche.
Trimbalée depuis quelques matchs de stade en stade, elle est écrite en grosses lettres blanches sur fond noir et incite donc le directeur sportif à faire ses valises. En plus d'être vulgaire, elle est l'antithèse de ce que des supporters devraient faire en période de galère, comme celle, profonde, que traverse ce LS qui sprinte vers la Challenge League.
Pas besoin d'être un docteur en sociologie du sport pour deviner que les dynamiques positives dans les clubs ne se créent pas seulement sur le terrain, mais aussi autour. Non pas que les Pollero, Amdouni ou Coyle se transformeraient en Messi et Ronaldo si ce bout de tissu n'était pas là. Mais quand on est sur le terrain et qu'on ne voit que lui, on n'a pas ce petit surplus de motivation qui donne envie de cracher ses poumons sur la pelouse. Et qui est la condition sine qua non à une équipe médiocre pour espérer se sauver.
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— Le Lausannois (@LeLausannois) February 16, 2022
A Lucerne, les fans l'ont compris. Leur équipe n'est pas plus talentueuse que celle des bords du Léman. Elle était même dans une situation comptable encore plus compliquée, il y a peu. Mais elle a la chance d'être toujours soutenue par une cohorte fidèle, nombreuse et loyale, qui fait bloc derrière elle. Il n'y avait qu'à regarder le «duel de la peur» dimanche à la Tuilière pour s'en rendre compte.
Souleymane Cissé avait avoué dans Blick, fin janvier, ne pas être affecté par cette hostilité. En interview d'après-match à Sion, l'entraîneur Alain Casanova l'a joué très pro quand il a été questionné sur le climat extra-sportif tendu:
Il a raison. C'est l'état d'esprit à avoir. Le problème, c'est que la bulle n'est pas imperméable. Elle éclate forcément sous les piques, qui finissent par blesser.
Cette banderole, c'est aussi l'arbre qui cache la forêt. Elle sent le sapin. On ne voit malheureusement qu'elle, alors que derrière, les ultras du LS ont chanté pour encourager leur équipe. Et elle le méritait, parce qu'elle a fait ce qu'elle a pu mercredi soir. Certes, les Lausannois n'ont pas présenté un football brillant, mais ils se sont battus, à l'image de leur milieu japonais Toichi Suzuki, qui a multiplié les courses en plus d'être inspiré balle au pied.
Evidemment, les ultras du LS ont le droit d'être inquiets. Oui, Souleymane Cissé aurait certainement dû faire un meilleur recrutement avec le budget à sa disposition. Non, le Lausanne-Sport ne devrait pas être dernier de Super League, avec 12 misérables points en 24 matchs, en ayant Ineos derrière lui.
En fait, ces fans peuvent reprocher ce qu'ils veulent à l'Ivoirien. Le problème n'est pas le fond, mais la forme. Le LS n'a plus que 12 matchs pour sauver sa place dans l'élite. Pour y arriver, tous ses amoureux devront impérativement éviter les comportements susceptibles de bousiller le club. Et ce même si tout ne va pas dans le sens qu'ils souhaitent. C'est trivial, mais au combien vrai.
«La vie, ce n’est pas d’attendre que l’orage passe, c’est d’apprendre à danser sous la pluie», professait Sénèque. Pour aider leur club, les ultras vaudois auraient bon goût de (re)lire le philosophe romain. Et de ne plus afficher cette banderole.