Un jour de 2013 sur le Tour de France, halluciné par la fréquence de pédalage de Chris Froome sur le dos du terrifiant mont Ventoux, un commentateur belge avait laissé échapper cette phrase, terrible pour le coureur britannique: «Lance, sors de ce corps!»
C'est désormais chose faite: Froome ressemble de moins en moins au Texan.
Chaque semaine le repousse toujours plus loin des meilleurs. Venu sur la course du Dauphiné avec des ambitions, l'ancien baron de la Sky les a toutes perdues après deux jours de selle. Il a terminé à plus de trois minutes des favoris, lundi, la tête basse et le visage fermé. Incrédule.
L’arrivée de Chris Froome, au centre, à plus de 3’ des favoris. Il se bat tous les jours pour retrouver son niveau. #CriteriumduDauphine pic.twitter.com/ProU9OIXYn
— Fanny Lechevestrier (@fannylechevestr) May 31, 2021
Le lauréat de 7 Grands Tours peine à retrouver son niveau depuis sa lourde chute (fracture du fémur) sur ce même Dauphiné la saison dernière. Froome ne renonce pas pour autant à ses rêves de grandeur, «au point de susciter gêne et inquiétude», relève ce matin Le Parisien, dans un article dont le titre en forme de citation dit ceci:
Assister au déclin d'un homme qui a marqué son sport, à son «crépuscule», comme le souligne aujourd'hui La Voix du Nord, ne va pas sans une certaine nostalgie. Mais elle reste mesurée dans le cas de Chris Froome, dont la cote de popularité n'a jamais atteint des sommets, ce qui est rarement bon signe quand on franchit des cols à vélo.
Le public n'a jamais aimé ses résultats ni sa manière de courir, le regard vissé sur son capteur de puissance, obéissant moins au flair et au panache qu'aux données chiffrées apparaissant sur son petit boîtier, quand ce n'est pas aux ordres hurlés par ses directeurs sportifs dans son oreillette. Cette manière de procéder en a fait une sorte d'automate, en d'autres termes une machine, ce qui ne lui a jamais rendu service. Car en oubliant de souffrir, en refusant d'être beau et aimé au terme d'une formidable épopée achevée dans la douleur, Chris Froome s'est comme affranchi de la poésie de son sport.
Maintenant qu'il lutte pour retrouver la forme après un grave accident, le cycliste de Team Israël Start-Up Nation pourrait susciter une forme de sympathie.
Le public pourrait voir dans les derniers assauts du «Kényan blanc» la volonté d'un champion qui n'a plus rien à gagner, hormis le respect de ses pairs et l'admiration des amoureux du vélo, mais même sa fin de carrière n'est pas romantique: Chris Froome, 36 ans, est le coureur le mieux payé du peloton avec un cachet de 5,5 millions d'euros brut par an.