Ils étaient cent spectateurs et dix journalistes à saluer le retour du Maestro, à épier chaque geste, chaque son, chaque changement de rythme, comme la preuve ultime de sa virtuosité éternelle.
Welcome back, Rog! 👋
— ATP Tour (@atptour) May 18, 2021
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A bientôt 40 ans, Roger Federer tente un nouveau come-back, épisode IV, et pour le coup, même Rocky a l’air d’un vieux schnock en peignoir. Vif sur ses appuis, fluide dans ses mouvements, le Maestro a assuré. Il ne fait toujours pas son âge. Il n’est pas devenu un joueur ordinaire, pas plus qu'un champion blasé, et c’est au moins ce qu’aura réussi à prouver sa défaite contre Pablo Andujar, mardi, dans le cadre somptueux du Geneva Open (6-4 4-6 6-4).
Après une entame logiquement hésitante, Roger Federer avait su élever son niveau de jeu et d'intensité jusqu'à mener 4-6, 6-4, 4-2 contre Andujar. Mais le Suisse a perdu les 4 jeux suivants et la rencontre. Il aura donc seulement 1h52 de match dans les jambes avant Roland-Garros. pic.twitter.com/wq2HrMKWVo
— Quentin Moynet (@QuentinMoynet) May 18, 2021
Pour le reste, il suffisait d’observer, de se laisser envahir par le sentiment absurde que rien ne changera jamais, que le génie inventif, à ce degré de pureté, peut échapper au processus irréversible du vieillissement - même si nous savons tous que c'est faux.
Il aura eu besoin de quarante minutes pour trouver ses repères et, à partir d'un certain relâchement, jongler avec différents effets (court croisé, revers slicé, attaque de coup droit).
Sur cette terre lourde qui exige d'être travaillée, face à un adversaire qui remet tout et ne commet pas d'erreur (le prototype du casse-c*******, comme ils disent dans le jargon), Roger Federer aura su donner ses propres impulsions à l'échange, mais sans exercer d'emprise.
Ce qui lui a manqué? De la spontanéité dans les choix, des automatismes dans la prise de décision, dans l'approche des points importants, une certaine régularité, in fine; tout ce qu'un joueur privé de compétition doit réacquérir patiemment, avec modestie, en se confrontant à la réalité du terrain.
Si Roger Federer n’avait plus envie de tout ça, il ne serait pas ici, sous cette cramine qui terrasse son vieux dos, sur cette terre grasse qui lamine son beau jeu. Il ne viendrait pas y salir ses socquettes, et sa réputation avec, contre un gratteur espagnol de la meilleure espèce, Pablo Andujar, quinze ans de paquetage sur le circuit ATP, dont douze sans le moindre honneur, sinon celui de promener son sourire charmeur dans les arrières-courts.
🎾 FLASH - Avant son premier match du #GenevaOpen, Roger #Federer se sent "bien et excité" ⬇️ pic.twitter.com/RPrTB4S2rf
— Léman Bleu (@lemanbleutv) May 18, 2021
Pour une rentrée de classe, le temps n’était pas idéal, l’adversaire encore moins, mais Roger Federer s’y est conformé avec beaucoup d'application, si ce n'était sa frustration de ne pouvoir être lui-même, pas totalement, ou pas encore.
Bien sûr, Roger Federer manque un peu de tonus, voire de réactivité, sur les petits pas d'ajustement, notamment quand il s'agit de relever une balle lourde. Bien sûr encore, sa musculature n'est pas prête à produire des efforts répétés, dans un contexte de tension nerveuse, et n'en sera pas capable avant au moins quelques duels – rien ne remplace la compétition, comme ils disent.
Mais en changeant de t-shirt sur le court, le Bâlois a montré qu'il n'avait pas pris un gramme. Son mouvement au service n'a laissé apparaître aucune raideur. Son jeu de défense n'a manqué ni de vitesse, ni d'endurance, tout juste d'une certaine élasticité en bout de course. Le mécanisme de ce tennis old school, tout en fluidité et en délicatesse, semble le préserver des usures naturelles, même après une opération au genou, même après tout ce temps. C'est peut-être cela, au fond, la meilleure nouvelle du jour.